dimanche 6 décembre 2009

Le jeu du Père Noël


D'où vient le Père Noël ?
C'est toute une histoire, passionnante, quand on se plonge dans Les Bibliographies du Père Noël de Catherine Lepagnol, mais qui me laisse perplexe. Enfant, on se demandait d'où il venait, du Ciel ? du Pôle Nord ? de Scandinavie ? Grand-mère, je me demande encore d'où il vient. D'Amérique, certes, rouge et joufflu sur les étiquettes de Coca (Coca Cola le gratifiant d'une publicité gratuite outre Atlantique en 1931 en utilisant son image pour inciter les enfants à boire du Coca même en hiver), mais avant ? D'après Claude Lévi-Strauss, le Père Noël, né aux Etats-Unis en 1822, aurait gagné une forte emprise sur le sol européen dans les années d'après-guerre, à l'époque du Plan Marshall.

C'est peut-être un Saint Nicolas laïcisé, qui a perdu sa mitre et sa crosse d'évêque, pris du ventre et des joues, allumé une pipe, qui a troqué son âne contre un troupeau de rennes et adopté la couleur rouge.
Issu d'une nombreuse famille de donateurs, dont Saint Nicolas est en effet, chez nous, le plus célèbre, qui revenaient, à chaque solstice d'hiver, les bras ou le dos chargés de cadeaux depuis les Saturnales... Parmi ses ancêtres, Saturne, dieu des semailles, symbolisant l'abondance (et on fait ripailles depuis l'époque romaine). Les petits souliers remplacent la corne d'abondance, et à leur tour sont remplis de cadeaux.

Et puis, Odhin, ou Yule pour les Scandinaves, représenté comme un vieillard bienveillant à la barbe abondante, vêtu d'une houppelande rouge. Dieu du feu domestique, il luttait tout l'hiver contre les démons de la glace et de la neige. On le vénérait devant la cheminée où flambaient de belles bûches. Yule qui visitait son royaume à ski, ou sur un char traîné par des rennes ou des cygnes. Dans sa hotte ou son traîneau, il transportait les dons qu'il destinait à ceux qui le priaient. 

De Rome à la Scandinavie, une famille nombreuse et très européenne, qui accueille à bras ouverts le Père Noël, leur descendant d'Amérique. Tout le monde l'adopte, et bien avant guerre.


Les enfants éléphants en rêvent déjà dans Babar et le Père Noël paru en 1941Dans cet album de Jean de Brunhoff, on voit le Père Noël dans son entrepôt, aidé par ses petits lutins, dans un domaine couvert de neige, la famille réunie autour du sapin, les enfants qui suspendent des chaussettes au pied de leur lit à la façon anglo-saxonne. Le père Noël y est conforme au poème de Clement Clarke Moore, intitulé "A Visit From St. Nicholas", publié pour la première fois dans le journal Sentinel, de New York, le 23 décembre 1823. 
On voit qu'il est déjà célèbre, le Père Noël, car dans sa quête du Père Noël, Babar rencontre un Père Noël en carton dans un grenier, et un vieux monsieur barbu que tout le monde appelle Le Père Noël.


En fait, le Père Noël, trop occupé, charge Babar de le remplacer auprès des enfants éléphants. Babar vêtu d'un manteau rouge s'envole au-dessus de Célesteville.
Et Babar joue au Père Noël, comme nous pouvons le faire, quand nous avons la chance d'être entourés d'enfants à Noël.

Le Père Noël, c'est un adulte qui joue à être le Père Noël. Qui apporte des cadeaux, oui, mais pas en son nom propre. Un personnage généreux et magique mais surtout anonyme. Voilà pourquoi les parents sont entraînés dans un conte : ils ne peuvent pas dire que le Père Noël, c'est eux, ce ne serait pas de jeu ! Et les enfants sont attachés à ce jeu comme à un jeu de cache-cache. Dans les familles recomposées, les enfants qui vont d'arbre de Noël en arbre de Noël, découvrir les cadeaux que le Père Noël a apportés, sont-ils dupes ? Sans doute pas, mais la règle du jeu est claire : "on dirait que ce serait le Père Noël qui serait passé", et tout le monde l'accepte avec plaisir. 

Les ethnologues l'ont montré, le don entraîne un don en retour, et peut devenir très pervers, comme dans la tradition indienne du Potlach, où chaque donateur, à son tour, doit être plus généreux que le précédent, jusqu'à se ruiner. L'anonymat du Père Noël le sauve de ce cercle infernal. Il donne, il ne demande rien en retour. Et comme on l'aime, pour cette générosité désintéressée !

Les Pères Noël que l'on rencontre dans la rue sont des faux Pères Noël, les enfants le savent bien, qui se tortillent mal à l'aise sur les genoux du monsieur déguisé avec qui on va faire une photo, mais les adultes qui surenchérissent à celui qui offrira le cadeau le plus beau, le plus gros, le plus merveilleux en oubliant de se cacher (en pensée) derrière sa barbe blanche et son bonnet rouge, ne jouent pas le jeu non plus. 
Qu'il passe le jour-même ou un peu plus tard, que les chaussures soient au pied de l'arbre ou devant la cheminée (si on n'a pas la possibilité de laisser ses chaussures, on peut laisser l'empreinte de son pied dessinée sur une jolie feuille de papier), le Père Noël mettra ses cadeaux en cachette dans les souliers 
On aura pensé à lui laisser une clémentine ou un morceau de chocolat, avec un petit verre d'armagnac ou de... coca cola, avant d'aller au lit, et le matin venu la mandarine aura été épluchée, le chocolat croqué, le verre bu. 
La preuve qu'il existe !

Sociologie et anthropologie, de Marcel Mauss, PUF, 1950
Biographies du Père Noël, de Catherine Lepagnol, Hachette, 1979
Le Père Noël supplicié, article de Claude Lévi-Strauss, publié en mars 1952, dans la revue les Temps modernes ; réédité aux Éditions sables (1996).



1 commentaire:

  1. Je me suis régalée,à la lecture de cette "histoire de Noël"...merci,Catherine ! Je sens que je fréquenterai ton blog assidûment,et lui souhaite donc longue vie !

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