vendredi 21 mai 2010

La chasse au trésor


Il fait un temps à organiser une chasse au trésor !
Ingrédients :
Un groupe d’enfants de 3 à 12 ans
Un jardin (privé ou public) – on peut faire une course dans un appartement mais c’est moins drôle.
Du papier et des crayons
Un boîte où mettre le trésor
Un trésor : des bonbons ou de petits jeux, mieux encore, des pièces en chocolat !

À ce jeu les organisateurs s’amusent autant que les joueurs, d’ailleurs les « grands » (au-delà de 12 ans) organisent volontiers des courses pour les « petits ».

On peut faire 2 groupes, le mieux équilibrés possible, mélangeant tout petits et plus grands, ceux qui savent lire et ceux qui sont encore en maternelle, garçons et filles, champions de gym et « forts en thème ». Si les enfants ne sont pas plus de 5 ou 6, j’aime autant leur faire découvrir le parcours tous ensemble, pour ne pas mettre toujours et encore de la compétitivité entre eux.

L’idéal, c’est de trouver des épreuves adaptées à l’âge d’au moins un des enfants, mais pas toujours le même. Pour atteindre un message, passage obligé par un trou découpé dans un carton, par exemple, dans lequel seul le plus petit saura se faufiler, et, pour le plus grand, papier plié très haut perché. A moins qu’il ne soit si haut si haut, que seule une « pyramide humaine », un petit grimpé sur les épaules d’un plus grand, pourra l’atteindre. C’est alors un jeu de coopération, tous unis pour retrouver le trésor caché par un terrible pirate, ou par la princesse abandonnée, trésor qu’il faudra, bien sûr, se partager puisqu’on l’aura trouvé tous ensemble.

Pour commencer, un plan rapide de l’espace de jeu pour définir le parcours. Soit on emmène les petits chasseurs en promenade assez loin, soit le jardin n’est pas si grand que ça, dans ce cas on n’hésitera pas à faire faire des méandres et des allers retours aux enfants. Il faut prévoir une dizaine de cachettes pour les messages. On en profite pour faire découvrir des endroits inconnus, la flore, la faune, les jolis coins du jardin.

Au départ, on fait choisir dans un chapeau (de pirate ?) un message qui indique aux joueurs où se rendre pour trouver le deuxième message. On le cherche, on le déchiffre, on s’exécute s’il est accompagné d’une épreuve, d’une consigne, et on part à la recherche du message suivant. Ce sont souvent des énigmes. « Allez jusqu’à l’arbre en fleurs » (le pommier ?), « le papier se trouve dans un endroit très sombre et humide » (la cave ?), « Attention que les mésanges ne mangent pas le message » (la maison des oiseaux ?). Parfois une  charade : « Mon premier n’est pas beaucoup, mon deuxième doit être repassé, mon troisième est une barrière d’arbustes, mon tout est l’arbre au pied duquel est le message ». Ou un rébus. Ou un message de type GPS  : « Faites 10 pas en direction de la fontaine, puis 2 pas de côté à droite, vous êtes arrivé».
On peut aussi tracer une piste, des flèches en bouts de bois au sol, des rubans de couleur, d’arbre en arbre, une suite d’objets incongrus déposés dans le jardin.

A chaque étape une épreuve, ou une quête. Cherchez une plume, un escargot (vivant, l’escargot ?). Avancez de 3 pas de géant, 6 pas de fourmi, 12 pas de crabe (sur le côté). Imaginez-vous dans un poulailler : imitez les poules qui caquettent et le cri du coq …
Et pour finir, un coffre plein de bonnes choses, bien caché, ou même ENTERRÉ.

On ne peut pas vous servir tout prêts les parcours, ni les messages. Car ils changent non seulement selon les lieux et les joueurs, mais aussi en fonction des « grands » qui préparent la chasse au trésor. C’est qu’ils font le circuit et définissent les étapes en fonction de leurs meilleurs souvenirs d’enfants. Cette maman a envie d’envoyer les enfants sur de fausses pistes, comme le faisait son père. Cette autre rédige ses messages comme des exercices de style de l’Oulipo (le début de chaque mot permettra de trouver la cachette). Ce papa a des rêves de Robin des bois : on doit se faire un arc et percer un ballon avec une flèche, le message est dans le ballon…Et moi j’aime qu’on ait des trucs à ramasser, une fleur, chacun, de couleur différente, un gland sous le chêne, une feuille de lierre et une racine d’ortie (les racines, jaunes, ça ne pique pas). Cette chasse au trésor est un jeu de relais, on se passe de génération en génération le plaisir du jeu.

C’est la course des trésors –les enfants-, et la chasse  aux souvenirs – trésors de notre enfance.

Merci à Ella, Marie, Camille, Nina, Sémélé, Laure, Lola, Julien, mes trésors de dimanche dernier, et à B. pour les photos.

dimanche 9 mai 2010

Jean-Marie LHOTE, dernières découvertes sur le jeu royal d'Ur

Jean-Marie LHOTE, auteur du superbe ouvrage Histoire des jeux de société (Flammarion 1986), a également publié en 1976 aux éditions BERG Le Symbolisme des jeux. 
Ce livre vient d'être réédité. 




Jean-Marie ne cesse de réfléchir, comparer, rapprocher, imaginer... Dans sa voix, ses intonations, on entend toujours une pointe d'interrogation, d'enthousiasme, d'amusement, d'humilité aussi. Ce monsieur "d'un certain âge", aux apparences sérieuses, a, dès qu'on le lance sur le sujet, des accents juvéniles. Ses recherches sur le jeu royal d'Ur, l'ont amené à reconsidérer ce qu'il avait écrit quarante ans plus tôt, intrigué par les points qui figurent sur le plateau du jeu royal d'Ur. C'est lors d'un déjeuner, le mois dernier, qu'il nous a exposé, avec une passion teintée d'auto-dérision, sa découverte : le jeu d'Ur symbole du système sexagésimal.


"Cette surprenante tablette  sumérienne (env. 2.600 av J.-C.) propose une structure dans laquelle les cases des rectangles se répondent selon des lois arithmétiques simples :
Pour les cases : Réversibilité de la multiplication et de la division : 6 x 2 = 12  &  12 : 2 = 6.
Pour les points : En remplaçant les points marqués sur les cases par des nombres : Réversibilité de l’addition et de la soustraction : 41 + 25 = 66  &  66 – 25 = 41.
Sachant par ailleurs que les sumériens utilisaient le système sexagésimal (base 60), il est intéressant d’observer que tous les nombres, sans exception, sont des diviseurs de 60.
Les décomptes existaient auparavant, mais ici nous sommes à la naissance de l’arithmétique. Comment ne pas imaginer la fierté et la joie des sumériens face à cette découverte. Ils ont pu matérialiser dans cet objet précieux leur système sexagésimal,  tout comme les Français du xixe siècle ont exprimé leur fierté et leur joie du système métrique en réalisant le fameux “mètre étalon”, en platine iridié, déposé au pavillon de Breteuil à Sèvres."

J'ai vu il y a quelques années, au British Museum à Londres, un de ces fameux Jeux d'Ur. J'en ai fabriqué depuis avec des étudiants. C'est troublant de  penser que des hommes jouaient avec ce jeu il y a presque 5000 ans, de chercher à deviner comment on y jouait, de supposer une règle.
Je ne comprends pas tout à fait les élucubrations de Jean-Marie - je ne mets rien de péjoratif dans ce mot, au contraire - mais cette empathie qu'il a pour ces créateurs de jeu sumériens, m'émeut et me réjouit. Ainsi que son enthousiasme et sa curiosité inextinguibles.

Photo de Jean-Marie Lhote sur Tric-Trac, pour la revue "Des jeux sur un Plateau".

lundi 3 mai 2010

Le jeu plutôt que la fessée.



Eduquons , éduquons. Les pseudo sondages de France 2 ou du Figaro ont posé la question Faut-il renoncer à la fessée ? de manière à obtenir les 84% de NON attendus.  Mais Pourquoi une fessée ?  A-t-elle sa place dans l’éducation ?

Les partisans de la fessée s’imaginent qu’il leur incombe de dresser leur enfant. Dresser n’est pas élever. Elever c’est faire grandir.  Frapper, ou « traiter », c’et rabaisser.

La plupart des parents que je vois au centre commercial brandissent les menaces (Tu la veux celle-là ?) ou frappent leurs enfants sans que la présence de témoins de leur violence ne les gênent. Au contraire, ils expriment une sorte de fierté de « parents responsables ». On surprend aussi souvent un regard apeuré, un coude qui se soulève pour se protéger le visage. Ils n’ont donc pas compris les règles, ces enfants, puisqu’ils craignent toujours de « s’en prendre une » ?  Alors à quoi la gifle a-t-elle servi ?

Pourquoi cet enfant pleure-t-il,  se roule-t-il par terre, trépigne-t-il ?  Qu’est-ce qui le contrarie qu’il ne peut exprimer autrement ? Cherche-t-il l’affrontement, veut-il nous pousser à bout, nous tester, nous défier ? Quelle que soit la raison de ces démonstrations de colère, on se trouve bien embarrassé pour gérer la situation, quand on est l’adulte qui accompagne ce « petit monstre ». Surtout en public, montrer sa faiblesse… Alors peut-être on frappe, pour que « ça s’arrête ». On se ne se montre alors  ni fort, ni bon éducateur, seulement incapable de maîtriser la situation, et de contrôler ses nerfs. Pas de quoi en faire un drame, mais pas de quoi être fier.

Faut-il pour autant une loi contre la fessée ? NON. Il faudrait expliquer. C'est la même logique. Qui dit loi dit punition, humiliation pour celui qui l’enfreint. Expliquer à l’enfant pourquoi on lui interdit de faire ceci ou cela, c’est moins violent et plus efficace. Il faudrait expliquer aussi aux parents comment élever leurs enfants. Mais c’est très compliqué, il faudrait leur donner des outils pour ça.
Une loi de mars 2007 permet aux tribunaux d'organiser des « stages parentaux »,menés par des magistrats, des psychologues, des éducateurs sociaux. Ces stages ne sont pas organisés sur la base du volontariat : les parents convoqués par la justice, et qui s'y soustraient, sont passibles des condamnations classiques pour les délits commis par leur progéniture. J’ai écouté le reportage de Monique Derrien sur de tels stages prescrits par le Tribunal de Reims. On voulait apprendre aux parents à faire preuve d’autorité sur leurs enfants qui séchaient l’école. Mais on ne répondait pas à leur désarroi. « Qu’est-ce que je peux faire s’il se sent mal à l’école ? » demandait une maman, qui avait au moins cherché à garder la confiance de son grand adolescent. Tous étaient venus, puisqu’ils n’avaient pas le choix, mais ils étaient humiliés et si amers, je doute que ce stage ait amélioré les relations parents-enfants dans ces familles.

Mais au moment de l’adolescence, c’est un peu tard pour tout reprendre à zéro.

Le jeu est un outil d’éducation essentiel, non pas le « jeu éducatif » qui sert à instruire ou à faire entrer en douceur dans les jeunes têtes les couleurs ou les tables de multiplication,  mais le jeu quel qu’il soit. Car qui dit jeu dit règle (comprendre qu’il y a une règle, et qu’on ne peut s’en passer pour jouer ensemble) et respect des autres joueurs, mais aussi autonomie, confiance en soi et en ses capacités, savoir perdre et être sûr de pouvoir  gagner. Plaisir partagé et convivialité, même avec des personnes d’âge différent. Maîtrise de ses émotions et de ses angoisses, comme je l’ai dit à  propos des jeux symboliques parlant de la mort. Le jeu sert à apprendre à vivre, et à vivre avec les autres.
Bien sûr on ne joue pas pour ça, on joue pour jouer. Mais en jouant on apprend. Et le jeu crée des liens là où l’éducation à la dure crée des cassures.


A lire : Faut-il donner des fessées aux enfants , conseils de Sylvie Rochefort.