mardi 17 décembre 2013

La belle nature au bois dormant


Quand vient l’hiver, les rongeurs se couchent dans leur terrier, les tortues se camouflent dans la terre, les carpes se cachent dans la vase, et toute la nature se met au repos.Un vent froid glace tout ce qu’il enveloppe de ses frimas, et les plantes font les mortes. La nuit l’emporte sur le jour, et le jardin s’endort.

Le soleil reviendra-t-il ? Qui réveillera la belle nature ?




Blanche Neige ou Belle au bois dormant, ces princesses de conte de fées, sont là pour nous redonner espoir : un prince arrivera, et la belle nature, qui semblait endormie à jamais, se réveillera.

Blanche Neige, c’est la princesse hiver, avec un nom pareil, forcément. C’est la jeunesse aussi, confrontée à une vieille femme qui lui fait croquer la pomme (fruit de l’automne). Elle semble morte mais pas complètement, puisque les nains ne l’enterrent pas, mais la mettent sous une sorte de serre.
Lorsque le prince l’embrasse, elle se réveille, dit-on souvent, mais parfois aussi on raconte qu’il la prend dans ses bras pour l’emmener chez lui, qu’un serviteur trébuche, le bouscule, et que la princesse recrache alors la moitié de pomme qui obstruait sa gorge ! Comme un oignon de tulipe qui pointe au début du printemps.

Le Bois dormant, de la Belle, où tout s’est immobilisé si rapidement, c’est la forêt prise dans la glace, qui ne bougera pas jusqu’au dégel. Encore une toute jeune fille et une vieille qui tente de la faire mourir, vieille et méchante Carabosse. La belle au bois, c’est Talia, mère du Soleil et de la Lune, c’est aussi, sous la plume de Perrault, la mère d’Aurore et de Jour. On dit parfois que ce n’est pas le baiser du Prince qui la réveille, mais la naissance de ses enfants, qui ont chacun un nom de lumière. Le jour revient, la nature se réveille. Et le prince l’a ensemencée encore endormie.

La mère Gagache souffle un vent glacé qui immobilise tout, dans les histoires d’elfes et de fées de nos contrées. Moi qui ai quand même l’oreille sensible aux contes et aux récits populaires, je n’avais jamais entendu son nom avant  que Pierre Dubois ne parle d’elle sur France Info.  Se disant Elficologue depuis une émission de Pivot, il y a longtemps déjà, Pierre Dubois raconte ce qu’il sait un jour du houx, un autre jour du rouge gorge, un autre de la bûche, dans une petite chronique quotidienne qu’il appelle son elféméride.


J’y retrouve les influences des saisons sur les mythes dont j’ai parlé ici d’autres fois, mais il y a toujours de nouvelles histoires jolies à découvrir.

Ainsi la pâquerette, qui s’obstine à pousser même dans le froid : pour la récompenser de son courage, une fée l’embrasse et laisse sur le bord des pétales la trace rouge de ses lèvres.
À moins que ce ne soit l’enfant Jésus : « La pâquerette est la fleur offerte au Christ, dans la crèche, par un petit berger qui se désolait de n’avoir rien d’autre, alors que les Rois Mages couvraient l’enfant de présents somptueux. Ému par la fleurette, le Christ l’a embrassée. Il y a laissé la trace de ses lèvres : c’est le cercle rosé qui orne la corolle blanche de la pâquerette. »


Contes de fées ou contes de Noël se rejoignent dans une même poésie.

« Les anciens disaient qu’une fée accueille les enfants qui naissent et leur demande de ne rien trahir des secrets du monde dont ils proviennent. Pour les faire taire, elle leur pose le doigt sur les lèvres. Elle y laisse le petit sillon que nous avons tous sous le nez et qu’on appelle le ‘doigt de la fée’. »
Le doigt de fée est appelé dans les récits de Noël doigt de la Vierge, l’enfant Jésus gardant le secret de sa mère sur les lèvres, le secret de sa mère… mais quel secret ?

« Je pense qu'à l'école, au lieu de faire de l'instruction civique, ce serait peut-être bien de revenir à la philosophie, à la sagesse des contes, qui sont des récits initiatiques. Un conte raconté le matin aux enfants, ce serait leur ouvrir les portes de l'imaginaire et de l'émotionnel», écrit Pierre Dubois. Instruction civique ou conte de fée, l’un n’empêche peut-être pas l’autre, mais commencer la journée en racontant une belle histoire, oui, ça donne envie !

mercredi 27 novembre 2013

Ecoconception des jouets, en écho au colloque WECF




Tel était le titre de ce colloque organisé par WECF le 15 novembre dernier.
Et les angles d’attaque annoncés :
-comprendre les enjeux et pratiques de l’éco-conception
-répondre aux consommateurs en demande de jouets sains
-l’éco-conception, une nouvelle voie stratégique pour les fabricants et les distributeurs
-les nouveaux matériaux écologiques des jouets

En fait, lors de cette journée, il y avait beaucoup de participants, des intervenants très divers, dont plusieurs membres de l'ALF et de l'ALIF (association des ludothèques), beaucoup de propos intéressants échangés, un grand désir général d'amélioration de la conception des jouets, et plus globalement de notre qualité de vie, néanmoins il me semble que ce qui était annoncé n’a pas toujours été vraiment abordé. D’où pour ma part une petite frustration, mais c’est qu’un jour ne suffisait pas, tant ces questions sont tentaculaires.

Les nouveaux matériaux

Laurent Delbreilh, chercheur physicien de L’ENSCI, a présenté les recherches  de son laboratoire sur les PLA (L’acide polylactique) et souligné les limites d’un « Bio plastique», «encore trop cassant, fragile, auquel il faut donc ajouter un additif, mais les chercheurs rencontrent des difficultés pour qu’il ne devienne pas mauvais au bout de 2 ou 3 ans, période à laquelle les molécules vont devenir volatiles». De plus, dit-ill’acide polylactique (polymère entièrement biodégradable) est souvent obtenu à partir d'amidon de maïs, dont on s’aperçoit qu’il s’agit de maïs transgénique, ce qui pose d'autres questions environnementales. 


La recherche avance (fibres de verre, fibres de lin, coton, chanvre), mais en attendant le plastique règne toujours, accompagné maintenant de tous les composants électroniques (Ah! les tablettes pour les tout petits !). 


Plan Toys
C’est une description idyllique qui nous a été faite de cette entreprise thaïlandaise, une usine où l’énergie permettant de faire vivre les 10000 familles qui y travaillent est entièrement fournie par le recyclage des déchets de fabrication. Les plantations d’Hévéa, lorsqu’elles ne produisent plus de latex, sont habituellement détruites par le feu. Plan Toys utilise le bois de ces arbres devenus improductifs. J’en avais parlé l’an dernier après avoir découvert ce nouveau matériau sur le stand de Plan Toys à Maison et Objet. Il était clairement expliqué que Plan Toys fabriquait une pâte à avec les racines broyées.

Admirative de cette trouvaille, j'ai demandé pourquoi une société si exemplaire et soucieuse de l’écologie mondiale n’échange-t-elle pas son savoir faire, avec ce nouveau matériau à base de racines d’hévéa. Il m’a été répondu qu’en aucun cas on n’utilisait les racines pour cette pâte de bois, mais seulement la sciure des planches. (Ah bon, alors toute la communication de l'année dernière, c'était du blabla ?) Et par ailleurs la colle ou le lien, c’est un secret bien gardé. (Dommage, je pensais qu'on pouvait partager, oui, comme les logiciels libres ! On est éco citoyen ou on ne l’est pas) 
J’ai posé une autre question : Pourquoi Plan Toys, dont les jouets sont remarquablement dessinés, ne met-il pas le nom des auteurs sur les boites de jouets ? Parce ce que ce sont des créations collectives, a dit Alain Pineau, pourtant designer lui-même. Déception : quand donc les créateurs de jouets seront-ils reconnus comme les illustrateurs ou les écrivains ? Pour les boites de jeu, cela vient peu à peu. Pour les jouets, seuls Naef et Ambi Toys le faisaient, mais le font-ils encore ?
(A la pause, Stéphanie Dick, créatrice, est venue me remercier pour cette intervention, et cela m’a fait doublement plaisir de la voir).
Bref ! Tandis que les yeux de l’assistance pétillaient à la pensée de cette entreprise éco systémique de rêve, je me renfrognais dans mon coin, mon enthousiasme de l’année dernière un peu émoussé !

De même pour Vulli, présenté par Guillaume Baradel. Dans le cadre d’un tel colloque, avec des personnes averties, il aurait été plus intéressant de nous expliquer quels problèmes de fabrication la girafe Sophie avait rencontrés, et comment la société Vulli y avait fait face, plutôt que d’affirmer sans nuance que c’était le seul jouet en caoutchouc naturel, d’où son succès… Et le caoutchouc, au fait, il vient d’où ?


Les labels
Les consommateurs –nous aussi- sont perdus dans une foule de labels. Certains sont orientés sur les matériaux utilisés, d’autres sur l'éco-fonctionnement des entreprises, d’autres sur la qualité ludique de l’objet. 

Un projet écolabel est en cours, mais se heurte à de grandes difficultés du fait de l’étendue du sujet. 

Au Grenelle de l’environnement, qui réunissait une vingtaine d’entreprises, il n’y avait que 2 entreprises  de jouets. Peut-être n’y a-t-il pas lieu de faire un écolabel spécifique au jouet. Les substances cancérigènes, les perturbateurs endocriniens, les produits allergisants, sont à éviter partout. Et le développement durable à mettre en œuvre dans toutes les usines.



Risques et réglementation
Au fur et à mesure de l’évolution des connaissances sur les matériaux toxiques, et des l’invention de nouvelles technologies, les règlementation doivent évoluer. Un casse-tête pour les législateurs autant que pour les fabricants. Il faudrait, quand on conçoit un jouet, anticiper sur les découvertes qui vont être faites, mais de l‘idée d’un jouet à sa sortie sur le marché il se passe environ 2 ans : à peine sorti, à peine rejeté ?… D’après Patricia Blanc, du ministère de l’écologie, la priorité a été donnée en 2012 au contrôle des métaux lourds et des phtalates. Environ 300 jouets testés par ses services, mais comme en juillet 2013 les normes chimiques ont changé, faudra-t-il à nouveau tester ces jouets en 2014 ?

Et comment apprécier le risque quand on ne sait pas combien de temps l’utilisateur est exposé aux substances toxiques ? Une étude de l’ANSES, qui étudie l’impact de l’environnement sur la santé, est en cours. Il s’agit d’évaluer le temps passé avec tel ou tel jouet dans la journée d’un enfant type. Une autre, menée par l’ADEME et la FIDJ, établit une base de données, avec le cycle de vie des jouets en plastique, en bois et en caoutchouc. Mais il y a tant de jouets, lesquels choisir pour ces panels ? 

Ces études aboutiront-elles à de nouvelles règlementations ? De nouveaux labels ?
Comprendre les enjeux, s’y retrouver dans les recherches des chimistes, s’informer quand on est créateur (et financer les tests en laboratoire !), informer les consommateurs, rien n’est simple. 

WECF a édité un certain nombre de petits livrets d’information, sur les produits ménagers, les cosmétiques de bébés, les vêtements d’enfants… et sur les jouets. Ils ont le mérite d'exister, cependant j’y ai relevé une information erronée concernant les poupées (confirmation de Serge Milon, du laboratoire SGS, intervenant dans une des tables rondes, aussitôt consulté) : «Attention aux poupées miniatures, elles ont considérées come des articles de décoration, les limites fixées par la règlementation jouets n’y sont pas applicables». C’est une erreur, seules les poupées de collection et poupées folkloriques sont exclues de la nomenclature Jouets. Juste pour dire comme c'est compliqué de s'y retrouver…

Un conseil général à retenir, en tout cas : aérez les jouets, sortez les des boites et lavez les avant utilisation par les petits enfants. Conseil judicieux mais pas simple à appliquer en décembre. Où le Père Noël va-il faire sécher ses jouets avant de les ré-emballer dans du papier cadeau recyclé ?




 

vendredi 1 novembre 2013

Citrouille évidée, éclairée et même mangée

Je vous ai déjà dit pourquoi on fête Halloween, première fête de la lumière, quand la nuit commence à l'emporter sur le jour, antidote de toutes nos peurs, peur du noir, peur des monstres, peur de la mort. Je vous ai raconté l'histoire de Jack, qui ne pouvait entrer ni en enfer ni en paradis, condamné à errer entre les deux, à qui le diable avait donné une braise de son feu pour s'éclairer dans les ténèbres. Jack avait creusé un navet pour s'en faire une lanterne.




Et nous, nous avons creusé une grande citrouille poussée dans le jardin. Pour tout dire, il y en avait trois, une grande citrouille, une moyenne citrouille et une petite citrouille. Gourmands, c'est la grande que nous avons évidée, éclairée et même mangée !

Les recettes traditionnelles sont à base d'oignon et d'ail, avec de la carotte, un peu de muscade et une bonne cuillerée de crème fraiche, nous nous avions sous la main des pommes de terre et des fanes de radis à mélanger à nos morceaux de citrouille (on lui a mangé toutes ses "dents"), et c'était très bon aussi.

et voilà toute la famille Citrouille !


lundi 21 octobre 2013

A propos de Boucle d'or

Boucle d'or est une chipie mal élevée
Avec son humour habituel, Roald Dahl s’indigne du comportement de cette enfant mal élevée dans Revolting Rhymes, traduit en vers, chez Gallimard, par Jenny LADOIX, Un conte peut en cacher un autre, illustré par Quentin Blake (1982).
This famous wicked little tale
Should never have been put on sale.
It is a mystery to me
Why loving parents cannot see
That this is actually a book
About a brazen little crook.
Had I the chance I wouldn't fail
To clap young Goldilocks in jail.
Un peu d'indulgence à l'égard de Boucle d'or
On sait que les contes traditionnels ont l’art de parler de sujets de société délicats, le danger des rencontres avec des inconnus (Le Petit Chaperon Rouge), l’inceste (Peau d’âne), la maltraitance (Cendrillon). Que dire de cette histoire mettant en scène "les habitants" et "quelqu'un" qui n'a même pas de nom : Boucle d’or s’introduit dans une maison, mange la soupe qui est sur la table, se couche dans le petit lit comme si c’était le sien, quel culot ! Et finalement, les ours, quoi que contrariés, ne lui font aucun mal.
Est-ce un conte qui parle de l’accueil des inconnus, de la générosité ? (Ils ne la retiennent pas cependant !)
Parle-t-il de tolérance, d’indulgence à l’égard des plus démunis ? Il est vrai que Boucle d'or est petite, perdue, fatiguée, qu’elle a faim.

La curiosité est-elle un vilain défaut ?
Boucle d’or n’est pas malintentionnée, elle est surtout curieuse, elle essaye tout, non pour détruire mais pour découvrir.
Elle a eu de la chance, elle aurait pu tomber sur des propriétaires bien moins compréhensifs. Peut-être bien que le conte traite, donc, de la curiosité, qui vous fait faire de belles découvertes (cette maison n’est-elle pas une merveille ?) mais pourrait aussi vous faire des ennemis, et des ennuis.
Symboliquement, bien des contes évoquent la croissance et le fait de devenir grand, en rencontrant des épreuves et des aides, ici Boucle d'or avance seule, fait des expériences, s'essaye à être grande, ou moyenne. 

C’est un conte qui parle du chacun pour soi.
Chacun a son lit, d’accord, mais aussi sa chaise, sa table, son bol, juste pour lui. On n’est pas tous ensemble autour de la table familiale, où il aurait été facile de rajouter un bol pour partager la soupe avec Boucle d’Or. Chacun a SA table, comment partager ? Si, comme certains l’ont interprété, Boucle d’Or est la petite sœur qui risque de perturber l’harmonie de la famille avec Papa, Maman, et l’enfant aîné, personne ne se soucie de lui faire une place. Et si ce conte nous parlait des « étrangers » et de leur intégration ? Dans cette famille parfaitement harmonieuse, et sans hostilité, « Quelqu’un » ne peut trouver sa place, Boucle d’or fuit à la fin et retourne chez elle. (Chez elle, ce n’est pas l’horreur, heureusement !)
Boucle d'or, auteur Rascal,  édition Pastel
Grand, moyen, petit, le bonheur de ce conte est dans cette trilogie.
On retrouve là une caractéristique des contes de fée, où les événements se répètent bien souvent par 3, chiffre magique. Mais ici 1, 2, 3 sont toujours grand, moyen et petit. La place du moyen n’est pas la meilleure. L’adulte, représenté par le Grand Ours, est « trop haut » « trop grand », l’adolescent (le Moyen Ours) a certainement la place la moins agréable «chaise trop fragile », «soupe trop salée », «lit trop dur ». Ah ! grandir, ce n’est pas facile ! Boucle d’or, qui ne peut plus rester dans le petit lit, s’enfuit.

Petit, c’est juste bien. J’aime lire cela à de jeunes enfants. Être petit c’est bien, c’est bon, profite de ce temps, tu grandiras, bien sûr, nous ne sommes pas dans un monde où il n’y a que des enfants, mais il n’y a pas d’urgence. C’est peut-être parce que j’étais la petite dernière d’une grande famille que j’aimais tant cette histoire à la gloire de ce qui est petit. 

Boucle d’or et les trois ours, mon conte préféré



C’est à cause des courgettes ramassées dans le potager que notre jeu a commencé : une grande, une moyenne, une petite courgettes… Comme dans Boucle d’Or et les trois ours. En moins de deux, notre cueillette s’est transformée en spectacle de marionnettes légumes.



Il existe plusieurs versions des Trois Ours, dont la maison est visitée parfois par une renarde, ou une vieille femme, avant de devenir une petite fille (Cheveux d’argent, en 1849, sous la plume de Joseph Cundall). Et tout ne se termine pas toujours bien, une fois cette petite fille arrivée dans l’histoire. J’aime  la version du Père Castor (Texte de Rose Celli, ravissantes illustrations de Gerda Muller) dans laquelle il n’y a ni méchants, ni fin tragique, ni morale.




Voici le texte de Rose Celli, que j’ai lu et relu quand j’étais petite fille, puis tante, puis maman, puis grand-mère.

Boucle d’or était une toute petite fille aux cheveux bouclés et dorés, qui habitait avec sa maman une maisonnette près du bois.

 Boucle d’or, lui avait dit sa maman, ne t’en va jamais seule au bois. On ne sait pas ce qui peut arriver, dans le bois, à une toute petite fille. 


Quand je la raconte, je rajoute On ne sait pas ce qui peut arriver, dans le bois, à une toute petite fille ou à un tout petit garçon.


Boucle d'or cueille des fleurs dans les bois et se perd.


Elle marcha longtemps (…) quand, soudain, elle aperçut a travers les arbres une très jolie maison.

 (…) Boucle d’or regarda par la fenêtre. 

Et voici ce qu’elle vit : l’une à côté de l’autre, bien rangées, elle vit trois tables une grande table, une moyenne table et une toute petite table.
 Et trois chaises, (…) une grande chaise (…), une moyenne chaise;  (…), une toute petite chaise.

 Et, sur chaque table, un bol de soupe : un grand bol sur la grande table; un moyen bol sur la moyenne table; un petit bol sur la toute petite table.

 Boucle d’or (…) s’approcha de la grande table, mais oh! comme la grande table était haute. 

Elle s’approcha de la moyenne table mais la moyenne table était encore trop haute.

 Alors elle alla à la toute petite table, qui était tout à fait juste.

Boucle d’or voulut s’asseoir sur la grande chaise, mais voilà : la grande chaise était trop large.

 Elle essaya la moyenne chaise, mais crac...la moyenne chaise n’avait pas l’air solide.

 Enfin elle s’assit sur la toute petite chaise, et la toute petite chaise était tout à fait juste.


Dans le conte original, celui que commente Bettelheim, c’est la chaise du petit ours qui se casse. Boucle d’or « doit convenir qu’elle est encore une enfant, mais qu’elle doit également sortir de son enfance, bien qu’elle n’en ait pas envie ». Mais là, non ! La petite chaise lui convient tout à fait. "L’histoire de Boucles d’or illustre très bien la signification du choix difficile que doit faire l’enfant : doit-il être comme son père, comme sa mère ou comme un enfant ? (…) Pour que l’enfant progresse, il faut que la constatation qu’il est encore un enfant s’associe à une autre prise de conscience : qu’il doit devenir lui-même." Soit ! Mais pour devenir soi-même, l’enfant va d’abord jouer à être un autre, et se définir par rapport aux autres enfants aussi. Boucle d’or s’identifie au Petit Ours, et veut faire tout comme lui. Un enfant qui désire être comme les autres enfants, jusqu’à vouloir en effet les mêmes jouets, les mêmes habits, les mêmes plats.
Elle goûta la soupe, mais, aïe! comme la soupe du grand bol était brûlante! 

Elle goûta la soupe du moyen bol, mais elle était trop salée. 
Enfin, elle goûta la soupe dans le tout petit bol, et elle était tout à fait à point.
Dans d’autres versions, c’est de la bouillie de gruau qui est servie dans les écuelles des trois ours, mais là c’est de la soupe, et la soupe… ça fait grandir, non ?
Boucle ouvrit une porte, et voici ce qu’elle vit : elle vit, bien rangés, l’un à côté de l'autre, trois lits : un grand lit, un moyen lit et un tout petit lit. 
Elle essaya d’atteindre le grand lit, mais il était bien trop haut. Le moyen lit ? Peuh ! il était trop dur. 

Enfin, elle grimpa dans le tout petit lit et il était tout à fait juste.



Cependant, les habitants de la jolie maison (…) entrèrent, et voilà : c’étaient trois ours un grand ours, un moyen ours et un tout petit ours.

Trois ours, un grand, un moyen, un petit, et pas forcément un papa, une maman, et un bébé, je trouve cela plus ouvert. Ce sont peut-être les parents et l'enfant. Mais pourquoi pas des grands frères ? ou symboliquement l'ours, moyen puis grand, que le petit va devenir. C’est la taille qui importe, et la voix qui va avec.
Pourquoi étaient-ils partis ? Rose Celli ne nous le dit pas. Alors que d’autres conteurs nous expliquent que leur repas étant trop chaud, ils étaient allé faire un petit tour en attendant que ça refroidisse. Parfois je rajoute cette information, c’est une bonne philosophie : on va faire une petite promenade en attendant que ça s’arrange !
Et tout de suite, le grand ours cria, d’une grande voix :
— Quelqu’un a touché à ma grande chaise!

 Et le moyen ours, d’une moyenne voix :
— Quelqu’un a dérangé ma moyenne chaise! 

Et le tout petit ours, d’une toute petite voix, dit
— Quelqu’un s’est assis dans ma toute petite chaise.
Puis le grand ours regarda son bol et dit :
— Quelqu’un a regardé ma soupe!

 Et le moyen ours :
— Quelqu’un a goûté à ma soupe! 

Et le tout petit ours regarda son bol et se mit à pleurer :
— Hi, hi, hi ! quelqu’un a mangé ma soupe!



J’ai toujours aimé Quelqu’un a regardé ma soupe! 

Comment l’a-t-il su, ce Gros Ours ? C’est son petit doigt qui le lui a dit ? Et puis, est-ce une bêtise de regarder sa soupe ?
(…) 

Le grand ours regarda son grand lit et dit :
— Quelqu’un a touché à mon grand lit!

 Et le moyen ours :
— Quelqu’un est monté sur mon moyen lit! 
Et le tout petit ours cria, de sa toute petite voix:
— Oh ! voyez ! Il y a une toute petite fille dans mon tout petit lit. 

À ce cri, Boucle d’or se réveilla et elle vit les trois ours devant elle. D’un bond, elle sauta à bas du lit, et, d’un autre bond, par la fenêtre.
Boucle d'Or par Gerda Muller
Les trois ours, qui n’étaient pas de méchants ours, n’essayèrent pas de la rattraper.
 Mais le grand ours lui cria de sa grande voix :
 -Voilà ce qui arrive quand on n’écoute pas sa maman! 

Et le moyen ours, de sa moyenne voix :
 -Tu as oublié ton bouquet de jacinthes, Boucle d’or! 
Et le petit ours, de sa toute petite voix, eut la bonne idée de crier aussi
 -Prends le tout petit chemin à droite, petite fille, pour sortir du bois. Boucle d’or prit le tout petit chemin à droite, et il conduisait bien vite hors du bois et juste à côté de sa maison.
 Elle pensa : Ce tout petit ours a été bien gentil. Et pourtant, je lui ai mangé sa soupe ! 

dimanche 22 septembre 2013

Trois petites créatrices de jeux… à être



Petites créatrices, mes petites voisines de Salon. 
Est-ce leur taille ? Elles sont toutes les trois plus grandes que moi, normal, la nouvelle génération nourrie de céréales a pris quelques centimètres de plus en 20 ans.
Leur âge ? La fragilité des débutants, et mon instinct maternel, ou vétéran, qui émerge malgré moi ? Peut-être l’entreprise elle-même, micro, mini, TPE dans un univers où l’industrialisation a pris le pas sur l’artisanat ? Voilà trois petites créatrices que j'ai rencontrées avec plaisir au dernier salon Maison et Objet.

Valérie a son stand presqu’en face du mien, Thalie et Orphée.  Elle a fait l’Essec, elle a travaillé à Pékin, à Singapour, dans l’industrie pharmaceutique, et voilà qu’elle crée des petits coffrets pour jouer à être parfumeur ou bibliothécaire. En marketing, elle peut tout m’apprendre. Mais pour les jouets, les normes, elle a dû faire des recherches, et grâce à ce blog nous nous sommes rencontrées. En mai dernier elle posait des questions sur les colles à utiliser pour les jouets en papier, et quelqu’un lui a répondu. Et là, maintenant les jouets sont faits ! Et d’autres en préparation. Trop bien !



Valérie partage son stand avec Sophie, qui a créé le jeu Le P’tit Toqué. En terme de mécanisme de jeu rien de révolutionnaire, cela ressemble un peu au 1000 bornes, mais au lieu de dévorer des kilomètres, on se prépare des menus à déguster aussi délicieux qu’équilibrés. Intéressant à tout âge. Pour la fabrication, Sophie s’est adressée à un fabricant de jeux de cartes, comme ça elle n’a pas eu à s’en soucier, des normes, des colles, des encres… Bien joué !



Un peu plus loin, dans l’allée F, voilà Coco d’en haut, et son théâtre d’ombres. Laurence, c’est lors d‘un précédent Salon que nous avions commencé à discuter, elle est scénographe, je joue des marionnettes, et nous aimons toutes les deux beaucoup les ombres chinoises et autres silhouettes. Son théâtre en bois, avec silhouettes découpées, est un objet d’art. Elle a fait des recherches de textes en bibliothèque pour sortir des sentiers battus et offrir aux futurs metteurs en scène de nouveaux contes. D’aucuns lui reprochent de ne pas proposer Le Petit Charon Rouge ou les Trois Petits Cochons, si faciles à vendre. Mais Laurence cherche la qualité, le conte authentique, la lampe qui permet d’avoir une image bien nette même quand la silhouette se rapproche de la source lumineuse, un système d’attache pour manipuler les personnages plus librement, et ranger le tout très facilement quand le jeu est fini. Juste ce que j’aurais voulu faire !



Jeu du montreur d’histoires, jeu du diététicien ou jeu du parfumeur, trois façons nouvelles de jouer à faire semblant, ce que mes enfants appelaient jouer à être, … par trois créatrices, pas si petites que ça, Laurence, Sophie et Valérie. 

Laurence Villerot
        
Sophie Besse

Valérie Righenzi