mercredi 6 janvier 2016

Janus aux deux visages

Janvier, c’est le mois de JANUS, dieu romain aux deux visages: l’un jeune, l’autre vieux, l’un homme et l’autre femme parfois, l’un regardant en arrière, l’autre regardant en avant, illustrant ainsi le passage. Passage à la nouvelle année, en se remémorant les temps forts de l’année qui vient de se terminer, janvier. Passage vers l’avenir, qui fait de lui le dieu des commencements. Passage entre deux lieux qui lui vaut d’être le gardien des portes, et des ports.



Janus et Bellona, Schönbrunn

Si on met un masque sur le visage, et un sur le crâne, le masque  de derrière, qui rend chaque geste étrange et à la limite de la monstruosité, est un masque aveugle. Ne serait-ce pas plutôt quand nous nous scrutons l’avenir que nous sommes atteints de cécité et les gestes mal assurés? 
Stage de masque, association Amlet


Janus regarde le passé et l’avenir, sans pouvoir s’arrêter au présent. Il ne regarde pas devant lui, plutôt à droite et à gauche. Ce qui est judicieux avant de traverser…

Voilà un masque de la Comedia del arte à trois faces qui regarde, lui, de chaque côté et devant. Souriant, mécontent, neutre, c’est plutôt rare.
Généralement, les masques double-face permettent d’exprimer des sentiments contradictoires, joie et peine, gentillesse et méchanceté, à l’image de ce que nous sommes, des personnes contrastées.

Masques de Venise. papier mâché. Quirao






Comme les marionnettes cuillères que j’aime faire avec les enfants, On prend une cuillère en bois à manche arrondi, et on lui dessine une face qui sourit (côté convexe) et une qui fait la vilaine figure (côté concave). Bien veiller à utiliser les mêmes codes couleur pour les yeux, le nez, la bouche, pour qu’on reconnaisse bien le même personnage d’un côté et de l’autre. On rajoute ”des cheveux” avec un brin de laine collé en bordure, encadrant le visage de face comme de dos, et voilà. En faisant tourner le manche de la cuillère rapidement dans la main, on passe très vite du rire aux larmes, de la colère à la bonne humeur. C’est facile à manipuler, c’est drôle.

Ça permet de reconnaître que personne n’est tout à fait gentil ou tout à fait méchant, et de sortir les enfants (les adultes aussi parfois) de situations où ils se sont enferrés.  Au lieu de dire ”tu es insupportable, tu as mauvais caractère, tu n’es jamais content” (ce qui cantonne l'intéressé dans le rôle de l'insupportable jamais content), mettre en scène  en deux coups de cuillère à pot (même pas) un gros râleur qui devient subitement souriant et de bonne humeur…

Eh oui,on a le droit de changer (surtout dans ce sens-là, du convexe vers le concave !). Avec mes enfants, nous avions tellement joué avec la cuillère double face qu’il suffisait parfois de prononcer le mot de cuillère pour ramener la bonne humeur dans la maison.