mardi 29 avril 2014

Quelques artistes joueurs dans un Budapest assez désenchanté


 Budapest au début du printemps : le soleil brille et les arbres sont en fleurs partout, mais les restaurants sont vides, et les immeubles de Pest, aux architectures si variées, si intéressantes, un peu à l'abandon. Touristes consciencieux, nous goûtons les pâtisseries, visitons avec plaisir les musées, trempons dans les bains chauds, cependant ce sont les hongrois créateurs de jeu à qui nous sommes venus rendre visite.

Au pays de Marbushka, rencontre de Beatrix et Laszlo. Pour arriver à leur studio, on prend le 22A jusqu’à Budakeszi, en banlieue de Budapest. Une pièce très claire dans laquelle Beatrix crée ses jeux, dessine, passant d’un petit pinceau, pour peindre un à un chaque visage des bonshommes de Splash, à son ordinateur et sa palette numérique, tandis que Laszlo gère fournisseurs et clients, au milieu d’une montagne de jeux, et en compagnie de deux chiens, joueurs eux aussi.

Nous découvrons les nouveaux jeux, les Bugs, dont nous avons fait la traduction en français. Les Bugs sont des bestioles que Beatrix a inventées, ils ont chacun leur particularité, leur personnalité, bien sympas tout insectes qu’ils sont. Dans le Jeu, ils se font prendre par le Professeur Bugsy qui les attrape dans sa boite d’allumettes. Pour tenir dans la boite d’allumettes, les Bugs ne peuvent pas mesurer plus de 4 cm, Beatrix créé donc un Mémory, avec les mêmes dessins en plus grand, pour son plaisir, et pour le nôtre, car ils méritent d’être regardés de près. (Mais pas facile, le Mémory !)

C’est en famille que les Marbushka inventent leurs jeux, avec leur fille qui déborde d’idées. C’est elle, nous dit Beatrix, qui a imaginé les deux chemins à choisir dans le jeu Circus, donnant ainsi aux joueurs l’initiative et corsant les enjeux. Une petite famille très créative, trois jeux ont été édités à l’automne 2013, début avril déjà deux jeux et quelques projets bien avancés dont Beatrix et Laszlo nous parlent avec enthousiasme. Emma, la poupée à la tête de bois pour laquelle Beatrix a peint avec finesse une dizaine de visages, et choisi de jolis tissus. Les tampons encreurs transparents, pour jouer aux portraits robots. Et les ravissants tableaux dans l’inspiration du jeu Circus.

Comme nous lui parlons de notre passion pour les marionnettes, Beatrix nous recommande Manufaktor. Et nous voilà dans une mini échoppe de Pest, avec Eni et Richard. Difficile de tenir à plus de 4 dans ces 6 m2, entourés de marionnettes et de jeux de papier, théâtre d’ombres, opéra en trompe l’œil, jeux d’illusions optiques. Un régal. 
Tout est encore fait main, et en famille, les mamans de Eni et Richard les aident à assembler les marionnettes, dans les 6m2 à l’étage au dessus, où sont rangés les tiroirs de bras, de jambes, de têtes, de corps et de tissus. Heureusement, car nous ne pourrions pas tenir à 6 dans cet atelier de poupée, elles sont à Schönbrunn, pour un  marché de Pâques, très populaire. Nous admirons toutes leurs créations, nous nous demandons comment en faire profiter nos clients de France, et rions de notre philosophie commune, le plaisir de la création, le jeu d’abord.


En sortant de cette petite pépite ludique, dans une rue un peu triste, pas très entretenue, nous rencontrons un cortège improbable, aux costumes magnifiques. Comédiens ?

Des jeux aux marionnettes, des marionnettes aux théâtreux, il nous manquait la musique. C’est à Buda qu’un soir nous nous retrouvons dans un lieu chaleureux, des livres plein les étagères, pour écouter du jazz avec une basse, une batterie et un Cymbalum. Pinçant les cordes ou les frappant avec un maillet, Lukàcs Miklos se joue de son instrument, qui sonne comme un piano, et s’en amuse. Quel plaisir, et quelle force, quand les artistes sont joueurs ! 

mardi 1 avril 2014

On connaît la chanson, mais laquelle ?


Laisse tomber les filles Laisse tomber les filles
Un jour c´est toi qu´on laissera
Laisse tomber les filles Laisse tomber les filles
Un jour c´est toi qui pleureras

Tout le monde connait la chanson. Pour moi, c’est évidemment un coureur à qui une de ses conquêtes reproche de laisser tomber toutes les filles, je n’avais jamais imaginé que cette chanson de Gainsbourg ait un autre sens. Par hasard, j’ai découvert que pour d’autres, c’est évidemment une femme délaissée qui demande à son homme de laisser tomber les autres filles. Et pour vous ? C’est comme Carmen :
Et si je t´aime prends garde à toi 
J'avais toujours pensé que ce Si, c’est même si : même si tu ne m’aimes pas, moi je t’aime. Et si (=comme) je t’aime, tu vas me le payer si tu ne m’aimes pas !
Mais pour Esther c’est une relation de cause à effet : je t’aime si tu ne m’aimes pas (et si tu m’aimes, je ne t’aimerai pas). Cela m’a étonnée au premier abord, mais finalement, je me demande si elle n’a pas raison, car la suite confirme la difficulté, voire l’impossibilité d’un amour partagé :
L´oiseau que tu croyais surprendre Battit de l´aile et s´envola
L´amour est loin tu peux l´attendre Tu ne l´attends plus il est là

Quand on est enfant, on retient une foule de chansons dont on ne comprend pas forcément les mots ni le sens. Durant les grands voyages que nous faisions entassés dans la Versailles, nous chantions tous ensemble, avec notre père au volant, mes frères et mes sœurs. Je me souviens que je chantais avec entrain Le Général à Vendre de Francis Blanche, sans rien comprendre à l’épilogue : « le général au bistrot – avait planté un drapeau – pour la patrie j’ai payé la facture ». Et dans la Piémontaise, une chanson traditionnelle française, il y avait ce sélébridé qui m’intriguait. Les paroles sont : ton cheval est à l’écurie, scellé, bridé, prêt à partir.
Parfois aussi on change des mots, inconsciemment, parce qu’on ne veut pas de la version initiale. Ainsi l’un de mes enfants chantait Trenet : Je chante, je chante soir et matin… par cœur et sans faille, sauf à la fin.
Ficelle, Sois donc bénie
Car, grâce à toi j'ai rendu l'esprit,
Je me suis pendu cette nuit
et depuis... Je chante !
Que le chanteur se pende devait lui être insupportable, mon fils chantait « je me suis sauvé cette nuit ».

On peut nous entendre chanter en chœur, le soir du 24 décembre, « c’est Noël, c’est Noël, c’est Noël » sur le « Sail away, sail away, sail away » d’Enya. Cette chanson passait à la radio, un matin de Noël, et j’avais commenté : «On dirait qu’ils chantent C’est Noël !» et c’est entré dans les annales familiales ! Depuis, j’ai découvert que je n’étais pas seule à entendre ce cri de joie, mais d’autres saisissent « c’est loué, c’est loué » sur le même Sail away. Tout dépend du contexte. On appelle cela des hallucinations auditives, et c'est assez ludique, et décomplexant, d’inventer des paroles françaises, phonétiquement proches de la version initiale en anglais. Souvent de très mauvais goût, elles sont tout de même drôles. 
Quand Elton John chante Sad songs say, certains entendent «ça sent l’ WC»…



De ces ressemblances phonétiques, Bobby Lapointe a fait un petit chef-d'oeuvre : 
Andrea c'est toi  (Entre et assieds-toi)
L'amante la plus belle (là, monte la poubelle)
 Dis à m'aimer consens, va (Dis à mémé qu'on s'en va).