samedi 9 octobre 2010

Halloween, pour se jouer de la peur.

Halloween, c’est fin octobre, c’est une très ancienne tradition celte, de retour en Europe après avoir dégénéré en fête commerciale en Amérique du Nord. Et c’est le moment de se déguiser en sorcière, monstre  ou squelette, et de décorer la maison  avec des toiles d’araignées et des citrouilles. Tout le monde sait ça.

D’aucuns se réjouissent à l’idée du déguisement qu’ils vont se confectionner,  mais nombreux sont les détracteurs, ceux qui rejettent cette fête trop commerciale, de très mauvais goût, bref trop américaine !

Si je désapprouve comme eux l’exploitation commerciale intense de cette tradition, comme des autres fêtes, je suis pro Halloween pour  trois raisons (ou quatre…)

D’abord c’est  une fête laïque et universelle.
Universelle car à  quelques jours près, on fête les morts dans tous les pays de l’hémisphère Nord, à l’approche de l’hiver. Certains avec gravité, comme la plupart des catholiques, certains en musique, comme au Mexique.
Laïque car elle a sa tradition bien à elle, et sa date propre : le 31 octobre, alors que chez les catholiques la Toussaint est célébrée le 1er novembre, suivie, dans le calendrier, de la fête des morts le 2.

Comme c’est le 1er qui est jour férié en France, c’est ce jour-là que l’on fait le tour des cimetières pour se recueillir sur les tombes des siens.
Les cimetières sont recouverts de chrysanthèmes et parfois de bougies, en Pologne par exemple, « symbolisant la vie heureuse après la mort » peut-on lire dans Wikipedia.  Symbole de la lumière plutôt, ces cierges et ces « fleurs d’or » (d’après l’origine grecque de ce mot, chrysanthème). Comme les lanternes que chacun fabrique en creusant sa citrouille. Car il s’agit bien du passage de la lumière à l’ombre, l’équinoxe est passée et voilà les nuits qui rallongent.
Les esprits des morts reviennent quand la lumière s’estompe. La nuit l’emporte peu à peu sur le jour. La nuit descend, l'ombre s'étend. C'est pas du tout rassurant , comme le chantaient les frères Jacques *. 
Qui dit nuit dit ombre, qui dit ombre dit PEUR.

Une fête pour se jouer de sa peur en revêtant des oripeaux qui évoquent les mauvais esprits, les défunts revanchards, les vampires assoiffés de sang… Brrr ! c'est une façon comme une autre de se battre contre le malheur. 

On pourrait tout aussi bien se déguiser en anges et en magiciens pour faire fuir les choses qui nous font peur.
Cela évoque pour moi une double page bien kitch de l’album Le roi Babar : le malheur s’acharne sur les proches de Babar, sous forme de monstres qui ont nom Paresse, Ignorance, Bêtise, Peur, Découragement, mais se font chasser par un groupe d’éléphants anges - Bonté, Patience, Espoir, Courage,… Bien  kitch, mais  efficace ! Et où l’enfant que j’étais, comme la plupart des lecteurs je suppose, prenait surtout plaisir à regarder en détail les vilains personnages, beaucoup plus drôles que les anges. Même pas peur !

Bref ! Il s’agit de faire front contre la peur et la mort, et la peur de la mort. Quoi de plus fort que de la narguer ensemble, en la singeant, en la ridiculisant, en défiant le tabou qui interdit de la regarder en face. Et de l’évoquer de peur de la provoquer.
Une fête pleine d’invention.
On se déguise, ou on se masque, on sort de nulle part des chapeaux informes, des habits déchirés, des bandelettes de tissu, un vieux balai par ci, un drap avec deux trous percés pour les yeux par là… On n’a pas besoin de dépenser beaucoup d’argent ! Mais il faut faire preuve d’imagination et de créativité. 


Pour la déco, il suffit de se laisser entraîner par les cucurbitacées (rien que le nom, déjà, m'amuse), à découper, à éclairer, ou à aligner comme au château de Villandry.

Je me suis trouvée il ya quelques années à New York le jour d’Halloween, et chaque vitrine de magasin était  décorée, mais pas avec une bête citrouille ou une vulgaire tête de mort, chacune rivalisait d’invention et d’originalité, sur ce thème finalement très riche. Même les mannequins dans les vitrines des grands magasins avaient, ce jour-là, quelque chose d’étrange et d’inquiétant, grimés, hagards, et parfois une main seule, ou un corps sans tête, s’animaient.
Je me souviens d’une carte que nous avions trouvée, et envoyée à nos enfants : Happy Halloween from Mummy and Dead. Des messages grinçants mais inventifs comme celui-là, il y en avait plusieurs. Un peu d’humour face à l’angoisse, ça ne peut pas faire de mal !

Avec B. nous étions invités chez des amis américains, mais nous n’avions pas réalisé en faisant nos bagages, que nous arriverions pour Halloween. Pris au dépourvu, et fauchés, nous nous sommes costumés en momies, avec le papier toilette de l’hôtel, et avons eu notre petit succès !
Devant chaque maison, en dehors de Manhattan, chaque jardin était décoré, éclairé par des citrouilles bien sûr, mais aussi « habité » par de curieux personnages « faits maison » genre épouvantails ou bonhommes de neige, un chat noir quelque fois, des araignées sûrement, le tout dans un joli amas de fleurs et de feuilles d’automne.  Une création familiale plus ludique que commerciale. J’aimerais bien que cette tradition d’Amérique envahisse nos contrées européennes !