lundi 26 décembre 2022

Donald Duck, une tradition suédoise pour Noël

J'ai découvert récemment, grâce à une amie de l'école suédoise à Paris, que tout s'arrête en Suède le 24 décembre à 15h. Que se passe-t-il ? Chacun est devant sa télévision et regarde Donald Duck. C'est le temps de `Kalle Ankas Jul´ (Donald Duck Noël) ou plus simplement `Kalle Anka´, pour 3 millions de Suédois.



Le programme  `From All of Us to All of You´ est diffusé depuis 1960, connu sous le nom Kalle Anka och hans vänner önskar God Jul" (Donald Duck et ses amis vous souhaitent un Joyeux Noël).

Une voix off commente le film,  ce fut longtemps celle de Bengt Feldreichet, décédé en 2019. Vous pouvez regarder ici le programme, présenté par un monsieur très sérieux, représentant Disney en personne, que regardent les enfants et les adultes, parents, et grands-parents.

Une heure entière, une fois par an, toute la famille se réunit pour regarder Kalle Hanka, une série d'extraits de vieux cartoons. Personne ne fait rien d'autre, pas même la cuisine. On n'entend pas un mot, sinon les répliques connues par coeur qu'on se complaît à réciter.

"Ce n'est pas vraiment que les films soient bons, dit Charlotte Hagstrom, professeur en ethnologie à l'Université de Lund, c'est un rituel, s'asseoir avec sa famille chaque année à la même heure et regarder les mêmes films". Une tradition de plus de 60 ans. Continuera-t-elle avec les enfants  d'aujourd'hui ?




lundi 21 novembre 2022

Les "matérionnettes" de Barbara Mélois

Barbara Mélois  n'est pas une marionnettiste traditionnelle. Et la plupart de ses créations sont éphémères.

Son truc, c'est de créer des personnages, un univers, une histoire avec un matériau qui n'est pas fait pour ça, papier kraft ou papier d'alu, et, pour le spectacle que nous avons vu dimanche, papier cristal, celui dont les fleuristes se servent pour envelopper leurs beaux bouquets.

Plié, froissé, découpé, et puis manipulé, le papier devient fée, poisson, carrosse, château… parfois source claire ou larmes inconsolables, grâce aux projecteurs qui le magnifient, lui donnent des couleurs rouges, bleues, chatoyantes. 

Peu importe l'histoire, en l'occurence inspirée de Cendrillon,  on est emporté par le foisonnement d'idées, d'images, d'émotions qu'elle crée avec… rien…

Un peu de papier transparent et brillant au cœur du château de Pierrefonds, dans l'Oise, comme un enchantement.



vendredi 24 juin 2022

Ludique, vous avez dit ludique ?

Selon vous, le jeu est-il toujours ludique ? 

Telle était la question posée lors de l’épreuve de français du Bac Pro 2022. Drôle de question, qui en a laissé plus d’un perplexe ! Si ludique = avec du jeu, ça sent son pléonasme. Ou son syllogisme (enfin, presque) : ludique c'est du jeu, donc tous les jeux sont ludiques.

Et sinon, c’est quoi, ludique ? Un jeu d'enfant, cette dissert !


Fun ? Amusant ? Distrayant ? 

Le ludique, on le met à toutes les sauces, il est de tous les projets : activité ludique, parcours ludique, présentation ludique, design ludique, spectacle ludique, approche ludique… Le ludique fait avaler bien des pilules : la pédagogie, les mathématiques, l’apprentissage, l’endurance, le sport… Mais parle-t-on jamais d’un ”jeu ludique” ? 


L'attitude ludique

Lorsque j’ai commencé à m’interroger à propos du JEU, sous la joyeuse influence du professeur Jacques Henriot (le philosophe, pas le fabricant de bols bretons), le mot ”ludique” n’était pas encore à la mode. À la lecture de son livre Le jeu*, on comprend que définir le jeu, le fait de jouer, n’est pas si simple ; on découvre l’importance de ce qu’il appelle l’attitude ludique : si je décide, si je sais que je joue, alors il y a jeu. En quelque sorte, le ludique qualifie non pas le jeu mais le joueur, toujours. 


Ludo, ludus… 

En latin, ludus se traduit aussi bien par ”jeu” que par ”école”.  Du coup, ludique n'est pas seulement amusant, c'est enrichissant aussi, ça t'apprend les choses de la vie, comme le dit Winnicott dans l'extrait donné pour l'épreuve de français :Jouer, c’est une  expérience, toujours une expérience créative […] une forme fondamentale de la vie”.


La question était : le jeu est-il toujours ludique ? Les candidats pouvaient s'appuyer sur deux documents montrant enfants et adultes en train de jouer.

Ludiques ou pas, les jeux d'équilibre présentés dans le tableau de Jacques-Laurent Agasse La place du jeu ? Piaget aurait dit : ce sont des jeux d'exercice.

Ludique ou pas, le jeu de cache-cache qui ne se déroule pas ”dans les règles” (extrait de Chanson douce, de Leïla Slimani) ? Un jeu dévié, un peu sadique.

Jeux d'exercice ou jeux déviés, un brin sadiques, comme souvent les jeux des ados.

Le jeu n’était pas facile, d’ailleurs ce n’était pas un jeu…


  • HENRIOT (J.) Le jeu, Paris, Synonyme SOR, 1983.  

vendredi 18 février 2022

Se déguiser, et le regard des autres

En cette époque de Carnaval, on se déguise pour parader, défiler, se lâcher… On est un autre pour la galerie, on peut se permettre de dire des bêtises, de faire des choses incongrues. On déploie des trésors d'imagination pour créer un costume loufoque ou magnifique, faire rire ou rêver.


Tête et queue, chien et ours, création Oskar &Ellen, chez Aêtre

Dans le quotidien des jeunes enfants, on n'a pas besoin du regard des autres pour se déguiser. Au contraire, ce regard gêne. Celui qui observe les joueurs, à moins qu'il ne sache se montrer très discret, ouvre une brèche dans le jeu. Il suffit de quelques accessoires pour être un  autre, pirate ou naufragé, ours ou chien, et le couffin devient bateau… Le jeu risque de se briser si un adulte, admiratif de tant de liberté, prend les joueurs en  photo. Conscients d'être observés, ils feront alors semblant d'être, non un ours et un chien dans un bateau, mais des enfants qui jouent à être un ours et un chien.

Souvent, pourtant, les enfants font appel à de plus grands pour se déguiser. Ils ont besoin d'un coup de main pour attacher un costume, trouver des accessoires, ils ont besoin d'encouragements, de complicité bienveillante. Ils se voudraient Aladin ou Reine des neiges et ne savent pas comment s'y prendre. Entre pairs, pas de souci, ils s'entraident et la phase de déguisement est vite dépassée, l'aventure ludique commence. 

En revanche, le rôle d'accompagnateur n'est pas facile. On s'amuse à habiller l'enfant selon son désir, qu'on soit bon en couture ou capable de fouiner et de transformer cartons et tissus en matériaux de rêve. Mais jusqu'où l'accompagner ? "Te voilà déguisé, maintenant joue !" ou, pire, "maintenant joue, je te regarde". Nous avons beau y mettre toute notre tendresse, toute notre admiration, le jeu de faire-semblant se perd. Le jeu narcissique prend sa place. On court se regarder dans un miroir. Et la séance de déguisement se termine en photos sur un smartphone.