mercredi 30 décembre 2009

Comment ai-je pu croire au Père Noël?




Comment ai-je pu croire au Père Noël ? * C'est le titre d'un livre que le Père Noël m'a offert cette année, sacré Père Noël !
Il devait se douter que je ne serais pas complètement d'accord avec l'auteur.


Je le suis quand il s'interroge sur la jeunesse de ce vieux monsieur le Père Noël - un vieux monsieur qui semble être né vieux. Quand il se demande comment il peut bien faire pour être partout à la fois et distribuer 23 148 cadeaux à la seconde. Et même quand il écrit "Le Père Noël est un dieu pour enfants, et Dieu, un Père Noël pour adultes"-  l'un et l'autre personnage joufflu, âgé (il parle là du Dieu des chrétiens), bienveillant, omniprésent et doté de pouvoirs magiques.

Mais, quand il associe le fait de croire au Père Noël à la naïveté, en écho à la formule "tu crois au Père Noël !", quelque chose me gène : un certain mépris pour cette naïveté. Tout comme si on méprisait la poésie, le rêve, l'utopie. Croire au Père Noël, quelle force au contraire, quel optimisme !

Et puis il fait du Père Noël un garant de l'ordre, un adjuvant à la parentalité : pour faire respecter les règles de vie, les parents s'en remettraient à lui, on obéirait, on serait sage, à cause du Père Noël. Absurde ! Oui, les parents menacent : "si tu n'es pas sage, tu n'auras pas de cadeaux". Mais peut-on vraiment imaginer que ce gentil monsieur ne dépose aucun cadeau à un enfant qui l'attend avec impatience. Lui qui est la générosité-même, le donateur anonyme qui ne demande rien en échange, il aurait la mesquinerie de priver un enfant de cadeau à cause d'une bêtise ? Il se ferait le messager des parents ? Quelle naïveté de la part de ces adultes !

*Comment ai-je pu croire au Père Noël ? Philosopher au quotidien, de Gilles Vervisch, Max Milo 2009.

mardi 22 décembre 2009

L’Entre-Noëls ou Cycle des douze nuits

Noël, fête des enfants, des fous et de l'âne



Je ne résiste pas au plaisir de vous parler de la fête de l’âne,  non seulement symbole de fertilité  et de plaisir charnel, mais surtout héros qui a sauvé l’enfant Jésus en le portant jusqu’en Egypte avec Marie et Joseph.  C’est au cours de la messe des vêpres, le jour de Noël, qu’il avait son heure de gloire, au Moyen-âge. Revêtu d’une belle étoffe, chevauché par la plus belle fille  du village portant un enfant dans ses bras, il était accompagné en cortège dans la cathédrale de Beauvais, ou Autun, ou Rouen, et reçu par les chanoines le verre à la main. La messe commençait par ces mots : « Des pays de l’Orient est arrivé un âne beau et puissant, de tous le plus apte à porter les fardeaux ». Pendant l’office, toutes les prières, au lieu d’être ponctuées d’ « Amen » se terminaient par des « Hi-Han !».


De Noël au 6 janvier,  l’Entre-Noëls est une période où les rites folkloriques, toujours étroitement liés aux saisons, mettent en scène les enfants et les fous, en rapport étroit avec la mort.


En pays germanique,  autrefois, c’est le temps de la Chasse Sauvage. Le dieu Wotan, dieu du vent et des morts, conduit la chevauchée des Walkyries, monté sur son cheval blanc. Il est suivi par un cortège de morts, et par Hérode et ses guerriers, en faisant un grand vacarme.

Dans Le Père Noël supplicié,  Lévi Strauss montre que dans nombre de civilisations les enfants, symboles de vie, sont du même coup étroitement liés à la mort. Ils sont comme la plante qui semble morte et qui reprend vie au printemps, comme le bulbe enfoui en terre en hiver et qui deviendra une superbe tulipe. De même qu’on navigue entre fêtes des ombres, comme Halloween, et fêtes de la lumière, qui vont de paire, de même l’enfant est à la fois mort et naissance ou renaissance.

Ainsi les 3 petits enfants que Saint Nicolas sort du saloir du boucher, où ils ont « dormi » pendant 7 ans, le temps d’arriver à l’âge de raison.

Ainsi les Saints Innocents, dont la fête, le 28 décembre, s’appelle en Allemagne et en Autriche Pfeffertag, jour du poivre ou jour du diable.


Le Massacre des Saints Innocents attribué à Brueghel (XVIe)

Si le roi Hérode s’est affolé à l’idée d’être détrôné par un enfant, c’est « de la faute » des rois mages. Cette histoire est racontée par Matthieu dans l’évangile (II).  Ils arrivent à  Jérusalem et demandent : « Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? car nous avons vu son étoile en Orient et nous sommes venus pour l’adorer ».  Hérode, craignant d’être détrôné, les charge de jouer les espions à Bethléem et de lui rapporter tout ce qu’ils savent de cet enfant, sous prétexte de l’adorer à son tour. Mais avertis dans un songe des mauvaises intentions d’Hérode, les rois mages s’en retournent chez eux sans aller le voir. Un ange apparaît alors à Joseph et lui dit : « Prends le petit enfant et sa mère, fuis en Egypte, car Hérode cherchera le petit enfant pour le faire périr ». Ce n’est qu’après la mort d’Hérode que Joseph emmènera sa famille de l’Egypte vers Nazareth. Entre temps, Hérode, dans sa folie, aura fait massacrer 14 000 bébés de 2 ans ou moins.

Ces enfants sont morts pour qu’un roi garde sa couronne. Folie des adultes. Les fous ne sont pas ceux qu’on croit. Le 28 décembre, les enfants de chœur, à Nice, sont assis, couverts d’or, sur les stalles des chanoines. Aux Pays Bas, dans certaines régions, les enfants font la quête, reçoivent des cadeaux et peuvent se permettre d’interpeler les adultes, voire de  les fouetter avec de petites branches de gui. Investis de pouvoirs magiques, les enfants et les fous prennent quelques jours le pouvoir, jusqu’à la fête des rois.
En France au Moyen-âge on célébrait la fête des fous dans les huit jours suivant Noël. Cette fête réunissait des religieux et des laïcs, portant des masques ou des habits sacerdotaux déchirés, mis à l’envers, qui mettaient en scène, par des chants, des danses, des gestes paillards, une grande satire de l’Eglise et du Royaume. Comme nous sommes devenus sages ! Quels ânes !






Bonhomme de neige

Les enfants du village ne savent pas faire de bonhomme de neige, on ne les laisse pas sortir dans le froid. Quel dommage !


Pour faire un bonhomme de neige, digne de ce nom, le plus simple c'est de rouler la neige comme on roulerait un tapis, jusqu'à ce que la boule soit suffisamment grosse pour faire le ventre. Ensuite on fait la tête, en roulant toujours, et on la pose sur le ventre du bonhomme. Reste à faire les bras et enfin les yeux, le nez, la bouche, puis "accessoiriser" (comme on dit dans le Elle) avec les moyens du bord. Moi qui n'aime ni le froid ni les glissades, ce bonhomme-là me réconcilie avec la neige.



Avec le redoux, celui qui se tenait bien droit devant la maison a pris aujourd'hui un petit air penché, eh oui, c'est la vie.



Raymond Briggs a écrit le très joli livre Sacré Père Noël, qui montre un père Noël (LE Père Noël) très sympathique, s'activant, peinant, jurant même, pour que tous les enfants aient leurs jouets à temps, en n'oubliant ni le chat, ni le chien, ni les rennes dans sa distribution de cadeaux.

Il a aussi créé Snowman, le Bonhomme de neige, un livre et surtout un film d'animation plein de tendresse. A regarder avec les enfants, quand il fait trop froid pour les laisser jouer dehors.




Snowman, 3 parties sur Youtube
http://www.youtube.com/watch?v=PeVaj4zkWy0
http://www.youtube.com/watch?v=P4AV9BrWpMc
http://www.youtube.com/watch?v=LE78XSQKMxI

dimanche 13 décembre 2009

De la difficulté d'offrir des jouets

Jouer est vital pour un enfant. Pas autant que manger, sans doute, mais quand même (1).

On n’a pas forcément besoin d’un objet appelé jouet,  pour jouer : un morceau de bois, un élastique, une feuille de papier, font l’affaire. Même rien parfois, puisqu’on répond « Je joue à rien » quand on vous demande : « à quoi tu joues ? ». 

On n’a pas forcément besoin d’un jouet, mais quand même !

À un ami, qui demandait ce qui ferait plaisir à sa toute petite fille, le papa répondit : « Vous savez, à cet âge, on joue avec tout, un bout de ficelle par exemple… ». Et Nicole, du haut de ses 3 ans, d’ajouter : « une ficelle, oui, mais avec un petit jouet au bout ».  Elle a reçu quelques jours plus tard un petit âne en bois à traîner avec une cordelette, ravie.
Imaginons que ces grandes personnes aient parlé nourriture.
"L’ami : qu’est-ce qui lui ferait plaisir ?
"Le papa : À cet âge, ce n’est pas difficile, des nouilles par exemple….
"La petite fille : des nouilles, oui, mais avec des petits morceaux de jambon et du fromage râpé dedans."

J'aime bien faire l'analogie entre le jouer et le manger. 

Imaginons que l'ami ait choisi, pour faire vraiment plaisir à cette petite fille, un plat qu'il aimait, lui, beaucoup, avec une sauce au vin, des grains de poivre, des cèpes... la petite fille n'aurait pas voulu manger, le papa se serait fâché parce qu'elle était impolie avec son ami, le drame...
L'ami aurait pu aussi, par gentillesse, lui apporter en plus de ses nouilles au jambon et au fromage, des frites, du riz, de la pizza, enfin, tout ce que les enfants aiment à cet âge. Non, car chacun sait qu'on ne peut pas manger tant de choses à la fois.

Mais revenons au jeu. Et à la quantité de jouets qui vont s'accumuler, souvent, au pied de l'arbre. De quoi avoir une indigestion ! Sacré Père Noël, il est anonyme, mais il ne voudrait pas paraître moins généreux chez Mamie que chez Mémé ! Ce n'est pas même une question de "paraître", c'est une question d'amour. Rien n'est trop beau pour cette petite fille, on voudrait encore et encore lui faire plaisir. C'est difficile de se limiter !

Et puis l'âge... Il y a bien une indication sur la boîte, mais elle n'est là qu'à titre indicatif. Il faut plutôt regarder l'objet de plus près : comment on joue avec ça, est-ce que l'enfant que je connais saura s'en servir ? C'est comme un bébé qui n 'a pas encore de dents : on va lui donner de la purée. Au lieu d'indiquer un âge, il faudrait indiquer sur les jouets : "quand il commence à marcher", ou "s'il sait lire", ou "s'il arrive à sauter à cloche-pied".

Sans oublier le goût. Accueillant à la maison un petit garçon que je ne connaissais pas bien, je demande à mes enfants de me faire un menu idéal que tous les enfants aiment. Réponse : carottes râpées, poulet frites, glace. On peut faire la même chose avec les jouets et les jeux, il y a les classiques, la girafe Sophie, la maison à formes avec ses 4 clefs, les Play-Mobil, le jeu Uno ou Monsieur Patate...  Le problème c'est que, contrairement au poulet frites, on ne les mange pas, donc, puisque ce sont des classiques, il y a de grandes chances que l'enfant les ait déjà.

Ensuite, il y a la mode : Barbie, par exemple, si vous n'offrez pas la Barbie 2009 ou 2010, quelle déception !
Et puis il y a le goût de l'enfant et le vôtre, ou plutôt vos convictions. D'accord pour les frites, mais quand même pas un Macdo. Jusqu'où va-t-on aller pour lui faire plaisir ? Tiens, plutôt qu'une Barbie, j'ai trouvé une poupée qui ressemble à une petite fille... D'accord pour la panoplie, mais le revolver hyper réaliste...

Les carottes râpées tous les jours, ça ne va pas non plus. Il faut goûter autre chose. Faut-il amener les enfants, qui ont plaisir à la répétition dans le jeu, et qui aiment ressembler à leurs pairs, à découvrir d'autres jouets et jeux ? Et comment faire ?

La présentation, ça compte. Même chez Macdo, on soigne la présentation, on vous apporte le menu enfant dans une boîte en forme de maison. Au self vos prenez votre plat sur une étagère, au restaurant on vous l'apporte, la table est mise, le chef a fait de la déco dans l'assiette parfois. Si le garçon est capable de vous mettre en appétit en vous racontant où le poisson a été pêché et quelles sont les petites herbes qui donnent ce goût subtil à la garniture, quel plaisir !
Sauf s'il vous a trop fait rêver et que dans l'assiette les portions sont congrues. De même, si la boîte du jouet est grande et prometteuse mais qu'il n' y a pas grand chose dedans.

Fast-play ou jeu à savourer ? On peut se servir dans une grande surface de jouets, ou alors chez un professionnel qui prend le temps d'écouter pour connaître l'enfant, et de vous conseiller. De même sur les sites de vente de jouets, certains se contentent d'une référence, d'autres vous parlent des objets qu'ils proposent.
La ludothèque est le lieu idéal pour aller à la découverte de nouveaux jouets et jeux, et pour laisser l'enfant faire ses choix, en prenant son temps. Mais certaines d'entre elles, victimes de leur succès peut-être, deviennent trop grandes et anonymes, on consomme on consomme, on a tous les jouets, tous les jeux, mais le plaisir ? Vivent les "niches", petit magasin, boutique en ligne ou ludo de quartier, lieux d'échanges entre une ou deux personnes passionnées par le jeu, et ceux qui s'apprêtent à partager le plaisir du jeu avec elles.

Alors, à la  maison, chacun arrange le jeu à sa sauce, enrichie de toutes les histoires qui font qu'on a envie de jouer à ce jeu-là, à ce moment-là. Et c'est bon.



l'enfant et le crocodile

(1) Même dans les situations les pires, dans les camps de réfugiés par exemple, les enfants ont besoin de jouer pour reprendre pied, comme en témoignent Claude Frigiotti ou Nicole Dagnino.


dimanche 6 décembre 2009

Le jeu du Père Noël


D'où vient le Père Noël ?
C'est toute une histoire, passionnante, quand on se plonge dans Les Bibliographies du Père Noël de Catherine Lepagnol, mais qui me laisse perplexe. Enfant, on se demandait d'où il venait, du Ciel ? du Pôle Nord ? de Scandinavie ? Grand-mère, je me demande encore d'où il vient. D'Amérique, certes, rouge et joufflu sur les étiquettes de Coca (Coca Cola le gratifiant d'une publicité gratuite outre Atlantique en 1931 en utilisant son image pour inciter les enfants à boire du Coca même en hiver), mais avant ? D'après Claude Lévi-Strauss, le Père Noël, né aux Etats-Unis en 1822, aurait gagné une forte emprise sur le sol européen dans les années d'après-guerre, à l'époque du Plan Marshall.

C'est peut-être un Saint Nicolas laïcisé, qui a perdu sa mitre et sa crosse d'évêque, pris du ventre et des joues, allumé une pipe, qui a troqué son âne contre un troupeau de rennes et adopté la couleur rouge.
Issu d'une nombreuse famille de donateurs, dont Saint Nicolas est en effet, chez nous, le plus célèbre, qui revenaient, à chaque solstice d'hiver, les bras ou le dos chargés de cadeaux depuis les Saturnales... Parmi ses ancêtres, Saturne, dieu des semailles, symbolisant l'abondance (et on fait ripailles depuis l'époque romaine). Les petits souliers remplacent la corne d'abondance, et à leur tour sont remplis de cadeaux.

Et puis, Odhin, ou Yule pour les Scandinaves, représenté comme un vieillard bienveillant à la barbe abondante, vêtu d'une houppelande rouge. Dieu du feu domestique, il luttait tout l'hiver contre les démons de la glace et de la neige. On le vénérait devant la cheminée où flambaient de belles bûches. Yule qui visitait son royaume à ski, ou sur un char traîné par des rennes ou des cygnes. Dans sa hotte ou son traîneau, il transportait les dons qu'il destinait à ceux qui le priaient. 

De Rome à la Scandinavie, une famille nombreuse et très européenne, qui accueille à bras ouverts le Père Noël, leur descendant d'Amérique. Tout le monde l'adopte, et bien avant guerre.


Les enfants éléphants en rêvent déjà dans Babar et le Père Noël paru en 1941Dans cet album de Jean de Brunhoff, on voit le Père Noël dans son entrepôt, aidé par ses petits lutins, dans un domaine couvert de neige, la famille réunie autour du sapin, les enfants qui suspendent des chaussettes au pied de leur lit à la façon anglo-saxonne. Le père Noël y est conforme au poème de Clement Clarke Moore, intitulé "A Visit From St. Nicholas", publié pour la première fois dans le journal Sentinel, de New York, le 23 décembre 1823. 
On voit qu'il est déjà célèbre, le Père Noël, car dans sa quête du Père Noël, Babar rencontre un Père Noël en carton dans un grenier, et un vieux monsieur barbu que tout le monde appelle Le Père Noël.


En fait, le Père Noël, trop occupé, charge Babar de le remplacer auprès des enfants éléphants. Babar vêtu d'un manteau rouge s'envole au-dessus de Célesteville.
Et Babar joue au Père Noël, comme nous pouvons le faire, quand nous avons la chance d'être entourés d'enfants à Noël.

Le Père Noël, c'est un adulte qui joue à être le Père Noël. Qui apporte des cadeaux, oui, mais pas en son nom propre. Un personnage généreux et magique mais surtout anonyme. Voilà pourquoi les parents sont entraînés dans un conte : ils ne peuvent pas dire que le Père Noël, c'est eux, ce ne serait pas de jeu ! Et les enfants sont attachés à ce jeu comme à un jeu de cache-cache. Dans les familles recomposées, les enfants qui vont d'arbre de Noël en arbre de Noël, découvrir les cadeaux que le Père Noël a apportés, sont-ils dupes ? Sans doute pas, mais la règle du jeu est claire : "on dirait que ce serait le Père Noël qui serait passé", et tout le monde l'accepte avec plaisir. 

Les ethnologues l'ont montré, le don entraîne un don en retour, et peut devenir très pervers, comme dans la tradition indienne du Potlach, où chaque donateur, à son tour, doit être plus généreux que le précédent, jusqu'à se ruiner. L'anonymat du Père Noël le sauve de ce cercle infernal. Il donne, il ne demande rien en retour. Et comme on l'aime, pour cette générosité désintéressée !

Les Pères Noël que l'on rencontre dans la rue sont des faux Pères Noël, les enfants le savent bien, qui se tortillent mal à l'aise sur les genoux du monsieur déguisé avec qui on va faire une photo, mais les adultes qui surenchérissent à celui qui offrira le cadeau le plus beau, le plus gros, le plus merveilleux en oubliant de se cacher (en pensée) derrière sa barbe blanche et son bonnet rouge, ne jouent pas le jeu non plus. 
Qu'il passe le jour-même ou un peu plus tard, que les chaussures soient au pied de l'arbre ou devant la cheminée (si on n'a pas la possibilité de laisser ses chaussures, on peut laisser l'empreinte de son pied dessinée sur une jolie feuille de papier), le Père Noël mettra ses cadeaux en cachette dans les souliers 
On aura pensé à lui laisser une clémentine ou un morceau de chocolat, avec un petit verre d'armagnac ou de... coca cola, avant d'aller au lit, et le matin venu la mandarine aura été épluchée, le chocolat croqué, le verre bu. 
La preuve qu'il existe !

Sociologie et anthropologie, de Marcel Mauss, PUF, 1950
Biographies du Père Noël, de Catherine Lepagnol, Hachette, 1979
Le Père Noël supplicié, article de Claude Lévi-Strauss, publié en mars 1952, dans la revue les Temps modernes ; réédité aux Éditions sables (1996).



jeudi 3 décembre 2009

Noël : une fête laïque


C’est bientôt Noël, personne ne peut l’ignorer, les catalogues de nourriture, de jouets, de cadeaux envahissent les boîtes aux lettres, les pubs insistent, les rues et les pavillons s’illuminent, à qui aura le plus de guirlandes et clignotera le plus, les Pères Noël racolent ou s’accrochent aux murs des maisons.
C’est bientôt Noël, les vacances de Noël, la trêve de Noël et pour les plus démunis la « prime de Noël » instaurée en 1998.
C’est bientôt Noël, et les hypermarchés débordent de confiseries et de calendriers de l’Avent devenus calendriers de l’Avant… avec un chocolat de mauvaise qualité à croquer chaque jour du 1er au 24 décembre.

Pourtant je rencontre très souvent des familles qui ne fêtent pas Noël.
Je demande à N. ce qu’elle va offrir à sa fille de 4 ans pour Noël, et elle me répond qu’elle n’a pas le droit de fêter Noël, que c’est interdit « chez elle », parce que c’est une fête chrétienne…

Pas même un sapin ? Mais qu’est-ce que le sapin a de chrétien ?

« Noël ! » est un cri de joie ! Au Moyen âge on disait « Noël ! » pour annoncer une fête, quelle que soit la date. Et c’est bien avant l’ère chrétienne que les gens se réunissaient pour faire la fête aux alentours du 25 décembre. Chez les Romains – qui nous ont un peu colonisés et beaucoup influencés -, les Saturnales, fêtes du dieu des semailles, se déroulaient du 17 au 24 décembre, et la fête du dieu Mythra, le soleil invincible, ou fête des fous, avait lieu le 25 décembre.

On a fêté la naissance du Christ chez les chrétiens le 6 janvier, jusqu’en 354.
Récupérant l’esprit de liesse des fêtes romaines, les chrétiens ont en fait im-posé leurs rites sur des traditions festives beaucoup plus anciennes.

Mais que fête-t-on à Noël ?
Souvenez-vous, il fut un temps sans électricité, où le plupart des gens vivaient dans les campagnes au rythme des saisons. Lorsqu’arrive Noël, la nuit est si longue… Quand les nuits vont-elles raccourcir, les jours s’allonger ? Quand la nature va-t-elle reverdir, les animaux se reproduire, la vie reprendre ? C’est cet espoir de renaissance que tout le monde fête depuis toujours, chacun à sa façon, dans l’hémisphère Nord, à peu près aux mêmes dates.

La lumière, la verdure
Lorsque les jours deviennent plus courts que les nuits, arrivent les fêtes de la lumière. Fête des lanternes en Allemagne le 11 Novembre, fête de la Sainte Lucie en Suède le 13 décembre, où les jeunes filles portent sur leurs cheveux une couronne de bougies. 
Dans les pays du Nord, on utilise un chandelier avec 4 bougies : on en allume 1 chaque dimanche avant Noël.
C’est pour mettre de la lumière dans la vie d’hiver qu’on allume aussi les bougies dans le sapin (aujourd’hui remplacées par les guirlandes électriques). Et la bûche (qu’on mange maintenant, glacée, décorée de houx et de petits lutins), c’est une énorme pièce de bois qu’on mettait dans la cheminée le soir du 24 décembre et qui brûlait la nuit entière, éclairant la pièce où tous se retrouvaient à la veillée, et brûlait encore les jours suivants, jusqu’au 6 janvier, jour des rois, le plus souvent.
Décorée de houx ? Eh oui, les feuilles qui sont vertes en hiver, comme les épines du sapin, « qui garde sa verdure ». Les fruits rouges, comme les fruits du gui, symboles de vie.
Fruits colorés dont on décorait aussi le sapin, fruits rares – la fameuse orange, seul cadeau de Noël des enfants d’autrefois – venus de très loin, là où brille le soleil, preuve qu’il n’est pas perdu…

Petits jeux pour faire renaître la nature : les lentilles et le cerisier de Noël. À faire avec les enfants dans l’attente de la fête.
Si vous allez à la campagne, coupez un rameau de cerisier, plongez-le dans l’eau et vous aurez à Noël une belle branche fleurie annonçant le printemps avant l’heure.

Dès les premiers jours de décembre, posez les lentilles dans une assiette sur un coton humide, que vous arroserez un petit peu chaque jour. Le 24 décembre, vos aurez un petit gazon à décorer sur la table de Noël ou dans la crèche si vous en faites une… 

La naissance, les enfants
Justement, la crèche. Le 25 décembre on fêtait donc le dieu Mythra, le Soleil Invincible (Sol Invictus). Ce culte d’origine perse, était pratiqué chez les Romains au début de l’ère chrétienne, et cela se passait autour d’une grotte, le soleil apparaissant sous la forme d’un nouveau né.
Noël viendrait du gallois noio : nouveau (breton neuez, grec neos) et de hel : soleil (breton hed, grec helios) : il signifierait donc nouveau soleil et correspondrait à la renaissance du soleil au moment du solstice d’hiver.
La crèche dans les maisons, avec les santons de Provence, est une coutume qui date du XIII eme siècle. Cette représentation de la naissance de l’enfant Jésus a été suggérée par l’église, au Moyen-âge, aux paysans qui se plaisaient à jouer des scènes de théâtre burlesques, voire paillardes, afin de canaliser leurs dons pour le théâtre à des fins religieuses. On jouait la crèche avec des personnages vivants, un vrai âne (symbole de fertilité) et un vrai bœuf (symbole de pureté).

Le jeu de la crèche
Si je pars de l’idée que nous fêtons la naissance ce jour de Noël, et tous les enfants, pourquoi ne pas "jouer à la crèche"? C’est une belle histoire, cet enfant qui naît juste à minuit, et que tout le monde vient voir, hommes et bêtes.
Chez nous, la tradition était de fabriquer nous-mêmes les santons, en terre. Cela nous occupait plusieurs jours avant Noël, on travaillait la terre, puis, les santons une fois secs, on les peignait, on décorait l’ensemble, toute la famille s’y mettait. Traditionnellement c’est mon père qui sculptait Marie, et chacun y allait de son commentaire sur la taille de son ventre, puisqu’avant minuit l’enfant n’était pas né ! Moutons, chats, chiens, oiseaux, serpents, tous les animaux étaient les bienvenus, au gré de l’invention de chacun. Nous n’étions pas chrétiens, nous fêtions un bébé. Je connais aussi des familles plus traditionnelles, qui mettent en scène des santons de Provence, mais où chaque mouton représente un enfant de la famille. Selon la façon dont s’est passée la journée, on a le droit de faire avancer son mouton ou non… comme dans un jeu de parcours ou de « 1 2 3 Soleil ! ».












Parler du jeu

Je travaille "dans le jeu" ("vous jouez toute la journée alors ?"), je forme des ludothécaires ("c'est quoi ça ?"), j'ai un DESS en Sciences du jeu ("ça existe, sans blague ?" :-), je suis éditrice de jouets ("vous voulez dire de livres ?"), je crée des marionnettes ("ah oui, pour les  enfants ?"). 


Je crée mon blog pour parler de jeu, de jouer, de jouets. Y a pas de quoi en faire une histoire...