mardi 18 décembre 2012

Jouets toxiques : nouvelles normes européennes en 2013


Jouets dangereux, toxiques, cancérigènes, le sujet est récurent à Noël. Et les informations arrivent en vrac dans les magazines et les émissions grand public, nous laissant une impression désagréable de gâter nos enfants (au sens propre), et d’être dépassés par la question, voire de nous faire berner.

Peut-on faire confiance au CE ?
Le sigle européen CE, que nous trouvons appliqué sur tous les jouets mis sur le marché, garantit que le jouet a été soumis à des tests de conformité aux normes de sécurité européennes (Voir mon post de janvier 2010). On lit souvent que l’on ne peut pas s’y fier, le fabricant appliquant lui-même ce marquage. Mais il est a priori impossible d’importer des jouets en Europe sans les accompagner d’un certificat de conformité établi par un laboratoire, et comme plus de 80% des jouets en France viennent d’Asie, il a bien fallu franchir la frontière et présenter leurs certificats aux autorités. On nous montre d’ailleurs souvent, aux infos, des douaniers qui prélèvent des jouets et font des contrôles surprises, et bien sûr le sujet est plus télévisuel s’il révèle une fraude et nous permet de nous indigner. Mais quelle est la proportion de produits non conformes, saisis ou  détruits ? Voilà l’information que nous aimerions avoir. Suis-je très naïve ? Des fraudeurs, il y en a forcément, mais des contrôleurs aussi, et même des fabricants scrupuleux.

Les nouvelles normes européennes : plus permissives ou plus strictes ?
Depuis plus de 20 ans que les normes européennes ont été établies, des jouets tout à fait nouveaux sont apparus, avec une majorité de jouets numériques, et les recherches physiques et chimiques ont permis de développer de nouveaux matériaux et parallèlement les connaissances que l’on a sur la toxicité de certains produits. Il faut donc en permanence faire évoluer les normes. En juillet 2013, les normes chimiques changent. De nouveaux composants chimiques, surtout des métaux lourds, vont être soumis aux analyses (une manne pour les laboratoires ?) d’une part, et d’autre part les seuils de tolérance ont été modifiés. Plus stricts ? Non, plus hauts. Par exemple pour le plomb, la nouvelle valeur limite, fixée à 160 milligrammes par kilogramme, est deux fois plus élevée que celle de la directive précédente. 

Mais pourquoi ? Alexander West, ingénieur chimiste, que nous pouvons voir mardi 18 décembre 2012 sur ARTE explique : « L’ancienne directive européenne et la nouvelle s’appuient sur des principes différents. La première prenait comme postulat que toutes les substances libérées par les jouets peuvent théoriquement être absorbées par notre organisme. Tandis que selon la nouvelle directive, toutes les particules nocives ne sont pas assimilées par le corps. Cette hypothèse s’appuie sur un modèle de calcul plus complexe, qui se rapproche certainement davantage de la réalité. »

                                                    
On n’y comprend rien !
Les normes, pas faciles de les trouver, et ensuite, pas facile d’y comprendre quelque chose. Vous voulez un exemple ? Voici un extrait (choisi avec délectation!) de la directive 2009/48/CE relative à la sécurité des jouets :
Composés organostanniques Peintures
Ne peuvent être mis sur le marché en tant que substances et composants de mélanges destinés à être utilisés en tant que biocides dans des peintures à composants non liés chimiquement.
Les composés organostanniques trisubstitués tels que les composés de tributylétain (TBT) et les composés du triphénylétain (TPT) ne peuvent être utilisés dans les articles où leur concentration dans l’article ou dans une partie de l’article dépasse l’équivalent de 0,1 % en poids d’étain.
Les composés du dibutylétain (DBT) ne sont pas utilisés après le 1er janvier 2012 dans les mélanges et les articles destinés à être délivrés au public lorsque leur concentration dans le mélange, dans l’article ou dans une partie de l’article dépasse l’équivalent de 0,1 % en poids d’étain.
95À titre dérogatoire, les dispositions des points a) et b) ne s’appliquent pas avant le 1er janvier 2015 aux articles et mélanges suivants destinés à être délivrés au public: mastics (RTV-1 et RTV-2) et adhésifs de vulcanisation à température ambiante monocomposants et bicomposants, — peintures et revêtements contenant des composés du DBT en tant que catalyseurs en cas d’application sur les articles, — profilés en chlorure de polyvinyle souple (PVC), seuls ou coextrudés avec du PVC dur, — tissus revêtus de PVC contenant des composés du DBT en tant que stabilisants en cas d’utilisation à l’extérieur, — descentes d’eaux pluviales, gouttières et accessoires extérieurs, ainsi que matériau de couverture pour toitures et façades.
À titre dérogatoire, les dispositions des points a) et b) ne s’appliquent pas aux matériaux et aux articles régis par le règlement (CE) no 1935/2004.

Bon, alors, on fait confiance aux associations de consommateurs, aux labos, aux commissions de l’UE, à nos représentants européens ? Comment faire autrement ? Mais on reste vigilant !

Vigilance, mais ne pas tout mélanger, comme l’éthique et la sécurité

Les articles sur la sécurité des jouets se concluent en général par un appel à la vigilance des parents. Et hop ! On plonge dans les clichés, les formules qui mélangent tout : Fabriqué en Chine  = fabriqué à moindre coût sans respect des normes = fabriqué par des enfants = danger pour nos enfants. Ou bien fabricant = industriel sans scrupules = pollution = jouets toxiques. Soyons donc également vigilants sur les amalgames, chimiques comme médiatiques.

Mais j'ai une suggestion à faire, le jouet de l'année 2013 : Un coffret de petit(e) chimiste qui permettrait de tester soi-même ses jouets. On pourrait même le prêter à ses parents.

jeudi 13 décembre 2012

Fête de Sainte Lucie, fête de la lumière


Aux jours les plus courts les lumières en fête
Il fait encore nuit, il fait déjà nuit…
Décembre et ses jours de plus en plus brefs.  Décembre et ses fêtes de la lumière.

Santa Lucia de Syracuse à  Göteborg

C’est grâce à Hélène et Etta, venues étudier le français à Paris, que j’ai découvert cette jolie fête. Le 13 décembre, une procession de jeunes gens et de jeunes filles vêtus de blanc, les garçons avec des chapeaux pointus couverts d’étoiles, les filles avec de couronnes de bougies, posées sur leur longs cheveux,  chantant Sankta Lucia, à l’Église Suédoise. Vin chaud et gâteaux au gingembre pour tout le monde, en plus. Une bien jolie chanson.




En Italie comme en Suède

Sautant pour je ne sais quelle raison par dessus la France et quelques pays alentour, la tradition des couronnes de bougies et des chapeaux étoilés se transmet de générations en générations en Italie -particulièrement en Sicile, dont Sainte Lucie serait originaire- comme dans tous les pays scandinaves -et surtout en Suède. Dans chaque famille, le 13 décembre au matin, tous les enfants sont habillés de blanc, une ceinture rouge à la taille des filles, et la plus jeune, la couronne allumée sur la tête, apporte une tasse de café à chacun, en commençant, dit-on, par les hommes. Une bien jolie histoire est sûrement à l’origine de si jolies pratiques.

Des histoires à ne pas raconter aux enfants

En réalité, la légende de Sainte Lucie, ou plutôt les légendes, car il y a de multiples variantes, est une histoire terrifiante de vierge se refusant à son amoureux. Il y a une mère malade, une guérison, l’intervention de Sainte Agathe. Il y a un fiancé très déçu car la dot de Lucie lui échappe quand elle décide de tout donner aux pauvres. Il y a la société qui s’en mêle et n’admet pas qu’elle rompe ainsi ses engagements. Elle sera punie et livrée à tous les hommes comme une prostituée. Sauf qu’elle devient si lourde qu’on n’arrive pas à la soulever, alors elle sera brûlée, mais le feu ne prend pas…
On raconte aussi que son fiancé la supplie, ne comprenant pas pourquoi elle le rejette. Qu’aimes-tu donc chez moi ? dit Lucie. –Tes yeux, j’aime tes yeux. Alors Lucie s’arrache les yeux, et les jette à la mer. En Sicile et en Corse on trouve de jolis coquillages qui s’appellent Les Yeux de Lucie.


Pourquoi donc ces bougies ? Pour symboliser le feu qui ne prend pas, disent les uns, parce que Lucie, même aveugle, y voit encore et reste auréolée de lumière, disent les autres… Mais la chanson parle de la lourdeur de la nuit, des menaces de l'ombre. Les fêtes de décembre tournent depuis toujours autour de l’angoisse des jours de plus en plus courts, du soleil de moins en moins présent, de la nature endormie. C'est Lucie, dont le nom signifie lumière, que l'on fête, et non la sainte, vierge et martyre, Lucie dont la fête tombait le jour du solstice d'hiver avant la réforme du calendrier grégorien.
La nuit avance à pas lourds
Autour de la cour et de l'âtre
Alors que le soleil quitte la terre
Les ombres menacent.
Là, dans notre maison sombre
Marchant avec des bougies allumées
Sainte Lucie, Sainte Lucie !

Fêtes païennes et religieuses 

Une fois encore se mêlent dans une fête traditionnelle le païen et le religieux. Comme les bougies dans le sapin, la bûche qui brûle toute la nuit de Noël, la galette des rois qui représente le soleil revenu. Ou même Hanoukka avec son chandelier à 8 branches. Au-delà des symboles religieux, les cierges, les lampes à huile, le feu, les étoiles, tout ce qui peut remplacer le soleil. La lumière, c’est si joli, et elle nous manque tant en décembre. 


Une fois de plus les rites qui se font écho d'une maison à l'autre, d'un pays à l'autre, s'apparentent à des jeux dont tous connaîtraient la règle et partageraient le plaisir.

mardi 4 décembre 2012

Abondance de jouets sonores. Jeu = bruit, bruit = jeu ?


C’est un paradoxe, les adultes trouvent les jeux des enfants trop bruyants, les prient d’aller jouer ailleurs, plus loin, pour ne pas les entendre, mais, lorsqu’il s’agit de leur offrir des jouet, se laissent séduire par la surenchère de gadgets sonores.
C’est comme s'ils posaient cette équation :
Jeu = Bruit, donc Bruit = Jeu

La plupart du temps, les illustrations sonores, bruitages, onomatopées ou phrases toutes faites, n’apportent rien au jeu. Petites merveilles technologiques, elles amusent et fascinent par leur « magie », mais, prenant la parole à la place du joueur, elles l’en privent aussi. Mieux vaut faire soi-même « broum broum » et « tut tut » en poussant sa petite voiture, et faire pour de faux aboyer ou miauler son animal en peluche.

Pour jouer à la poupée,  a-t-on besoin qu’elle parle ? Au banc d’essai de Parents une sélection de « poupées interactives pour les petites filles de 3 à 6 ans ».





Ce n’est plus aux enfants (en passant notons qu’il ne s’agit ici que de jeux conseillés aux seules petites filles) d’inventer leur histoire, le scénario est intégré à la poupée. Celle-ci  réclame son biberon ou des bisous, en français, anglais ou italien (Lia de Corolle), celle-là a de la fièvre et « la maman » va lui donner un médicament, ou lui faire une piqure  pour qu’enfin elle s’endorme (Ciccio Bello de Giochi Preziosi, le Coup de cœur de Parents), celle-là invite sa maman à la dînette, et lui explique « pour jouer, il faut mettre la table » (Little Sunshine de Zapf), une autre fait ses premiers pas en promenant son chien. Des capteurs sur le ventre des poupées permettent de les faire réagir aux chatouilles. Rires d’enfants, bruits de succion, petit rot après le biberon, pleurs du bébé malade, cris lors de la piqure, tout est prévu. Sauf que la poupée réclame le pot mais, ayant un corps en tissu, semble garder son body pour faire pipi, et que jamais un bébé ne fait caca ou n’a besoin d’être changé. Scénarios tout faits, donc, mais qui mériteraient d’être analysés, bien gentils et bien proprets. 
La journaliste Christine Avellan remarque néanmoins que plus il y a d’accessoires plus il y aura de possibilités de jeu, sans bruits préfabriqués, donc, et qu’il y a un bouton d’arrêt pour Ciccio Bello, le bébé malade, ce qui ne semble pas le cas pour les autres poupées. Appuyez sur Off, vous pourrez enfin jouer comme vous le voulez avec votre poupon.  

Et je coupe le son
Voilà une bonne question à se poser : est-ce qu’on peut diminuer ou couper le son ? Ce n’est pas toujours possible, d’autant moins que les piles et les mécanismes électriques, pour des raisons de sécurité, ne doivent pas être accessibles. Déjà en octobre 2004 une équipe canadienne, en relation avec un audiologiste, attirait l’attention des consommateurs sur les dangers d’un volume sonore trop élevé pour les jouets. Depuis le nombre de jouets sonores a très nettement augmenté, mais le nombre de décibels ne semble pas avoir baissé, bien que les nouvelles normes, annoncées en 2010, soient maintenant entrées en vigueur.

Combien de décibels ?

D’après 60 Millions de Consommateurs, dans un article intitulé Ces jouets qui nous cassent les oreilles, les limites fixées par les normes européennes en vigueur sont 115 décibels (dB) pour un jouet standard, 80 dB pour un jouet « à mettre près de l’oreille » (un faux téléphone, par exemple). Une proposition de loi au Sénat fixerait un maximum de 85 dB pour les jouets musicaux, mais c’est déjà énorme : la voix d’une personne qui hurle atteint entre 80 et 90 dB. Et 115 dB c’est entre le moteur d’un TGV et celui d’un avion. Autant ne pas normaliser si c’est pour atteindre la limite du supportable.

Écoutez voir
60 Millions de Consommateurs a étudié une vingtaine de jouets sonores qu’il est possible d’écouter sur le site.


Un trousseau de clés, par exemple, le jouet classique des petits, qui aiment sans doute autant le cliquetis des clés qui s’entrechoquent que la connotation symbolique. Vous êtes dans une salle d’attente avec un jeune enfant, vous n’avez pas prévu de quoi le faire patienter, vous sortez vos clés, c’est gagné, le voilà occupé pour un bon moment. Clés de la maison, clés de la voiture, clés de la prison, bref clés pour un jeu imaginaire improvisé. Broum, je démarre, Clic clac, je te libère. Pourquoi donc ajouter des sons ? Des bruits de moteur, de klaxons, de nuisances urbaines ?

Sur France Inter une émission au titre prometteur : Les meilleurs jouets du moment, le 28 novembre dernier, nous fait entendre les gémissements d'une peluche Fluffings. Certes c’est une sélection pour la radio, il faut bien que ça s’entende, mais heu… Quant à Diane Mottez de Femme actuelle, elle met en garde les parents contre les jouets trop bruyants, mais elle écrit « Les tout-petits en raffolent, les parents ont du mal à les supporter. » Je me demande si ce n’est pas le contraire…