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samedi 11 mai 2013

La fête des mères, quelle ambiguïté !



   En voilà une qui est controversée et pour laquelle nous avons pas mal d’idées reçues ! Un petit tour du monde et un peu d’histoire s’imposent. La fête des mères est fêtée en Europe depuis l’époque romaine, et bien des pays ont un jour particulier pour fêter les mères, mais pas tous à la fin du mois de mai. En France, cette fête prend des airs officiels dès 1906, célébrant les mères de familles nombreuses. Pétain, on le sait, met cette fête à l'honneur, mais c’est en 1950  que la République Française, par une loi, "rend officiellement hommage chaque année aux mères françaises au cours d'une journée consacrée à la célébration de la Fête des mères".


                                          


Mais pourquoi parler de la fête des mères dans mes Histoires de jouer ? Ce n’est pas vraiment un jeu de réciter sa poésie ou de fabriquer le cadeau traditionnel (conventionnel ?). Si on prend plaisir à préparer une surprise, la maman feignant de ne pas être au courant, le jeu s’arrête souvent là. Parfois même l’enfant maladroit, convaincu que son cadeau n’est pas aussi bien fait que celui de ses copains d’école, se trouve malheureux d’offrir « ça » à sa maman. Sans parler de la souffrance de celui ou celle qui n’a pas de maman à fêter. Et de celles qui ne sont pas mamans, que ce soit leur choix ou non.
Dans le contexte actuel, faut-il fêter les mères supposées être toutes bonnes, supposées irremplaçables, indispensables ? Faut-il fêter la maternité -la natalité, comme après guerre, dans une planète surpeuplée ?
Comme pour moi tout est prétexte à des jeux -des jeux pleins de tendresse en plus, ça ne se refuse pas-, j’ai tout de même envie de cette fête, sans pour autant lui donner trop d’importance, et sans tomber dans le piège de la consommation.
J’ai beau avoir un certain âge, et quatre enfants, je ne pense toujours pas à la fête des mères comme MA fête, mais comme celle de ma Maman. Et j’éprouve comme une gêne d’usurpatrice à être fêtée éventuellement ce jour-là, depuis que ma mère a disparu. 
On n’en faisait pourtant pas des tonnes, dans ma famille, ce dimanche-là, je crois que l’ombre du maréchal Pétain, que nous tenions comme l’instigateur de cette journée solennelle, en ternissait un peu la couleur. C’était comme si nous avions le sentiment, enfants déjà, de nous faire peut-être récupérer, manipuler. Et la meilleure défense que nous avions, qui vaut toujours aujourd’hui, c’était d’éviter les achats obligés, et d’inventer notre fête à notre façon. Il y avait toujours un bouquet de fleurs pour ma mère, mon père y tenait, mais si nous pouvions trouver le temps d’aller les cueillir nous-mêmes, c’était bien mieux. S’il y avait un cadeau, un dessin souvent, c’était pour la joie de la voir le déballer, mais ce que j’aimais, ce dimanche-là, c’était lui interdire l’accès à la cuisine et bricoler en famille le repas dominical. J’avais déjà un livre de cuisine qu’il m’arrive d’utiliser encore, La cuisine est un jeu d’enfant, de Michel Oliver. Je me souviens du poulet cuit dans le gros sel qu’il avait fallu casser avec un marteau. Doré, craquant et tendre à la fois, salé à point, et si ludique !
Nous inversions les rôles et la servions à table, et, petite, je vivais ça comme un jeu, comme ces moments de Carnaval où les puissants se mettaient au service de leurs domestiques. Comme dans un jeu c’était exagéré : nous faisions jouer à notre mère le rôle de la femme au foyer, cantonnée en temps normal dans sa cuisine, même si nous savions bien que sa vie ne se limitait pas à nourrir son petit monde. N’empêche qu’elle le nourrissait quotidiennement son petit monde, en plus du reste, et que nous avions envie de l’en remercier. Voilà sans doute pourquoi cela ne peut pas être MA fête, quelles tâches domestiques pourraient-ils bien faire à ma place, mon compagnon, mes enfants, qu’ils ne partagent déjà ?
Comme le 8 mars, journée de la femme, où exceptionnellement les hommes sont supposés s’occuper une fois l’an, de la maisonnée, la fête des mères serait-elle celle de la ménagère ? Celle où l’on offre le mixer ou le fer à repasser dernier cri ? Voilà bien le hic (« Voilà le X » disait mon voisin Jacques quand il avait bu un coup de trop). Ce serait enjoliver cette image obsolette de la mère maîtresse de maison, mais c’est aussi reconnaître que la majorité des tâches ménagères incombent encore aux femmes dans les familles françaises, et les en remercier.

                                      

Google sort un clip  pour la fête des mères qui a lieu aux USA le deuxième dimanche de mai. Des mères modernes, de l’accouchement à un âge avancé, joyeuses, tendres, consolantes, parfois dans leur cuisine, mais pas « en service », parfois derrière un bureau, mais à la maison. Des mères très desperate housewives, et puis une série de vignettes montrant des mères de tous les pays. « Tu as toujours été là. Je veux te dire merci ». Le message d’un adulte, qui se souvient de sa maman, plutôt que celui d’un enfant. Le message que toute mère « normale » (ah ! ah !) entendrait avec plaisir, sauf qu’il y a des moments de la vie où l’on se dit peut-être qu’on n’a pas été présente, ou pas à la hauteur. Combien de mamans toujours courant ne se sont-elles pas entendu dire par leur ado : « de toutes façons, tu n’es jamais là » ? Le message d’une société qui dit aux mères : vous devez être toujours là. Culpabilisant, presque. 

En plus d’être « toujours là » elle doit être aussi la plus jolie, comme on peut le lire dans de nombreux messages pré-écrits à son attention. 

                                      

« Tu as toujours été là. Je veux te dire merci ». Le message qu’on voudrait aussi bien envoyer à son père, à un ami, à son amoureux, à ses frères et sœurs, à chacun de ses enfants. Histoire de ne pas oublier de dire à ceux que l’on aime qu’on les aime.
Mais comment se termine le clip de Google ? Avec le Père Noël, dans un centre commercial : allez, on fait la fête, c’est juste un jeu !