vendredi 30 décembre 2011

La galette des rois de la triche.

« Tu peux me faire confiance, je ne te mentirai jamais.
Mentir, c’est mal. 
Ne me mens pas, sinon le Père Noël ne passera pas! »
Entre 3 et 6 ans, les enfants affabulent beaucoup. Mais  nous, sous prétexte de les faire rêver, de les aimer, que faisons-nous ?
Si je ne me posais pas cette question fondamentale, la confiance, j’adorerai Noël et toutes ses traditions, sans conditions. Magnifique période de jeux collectifs où depuis un siècle nous jouons tous (ou presque) en même temps au jeu du Père Noël, et dix jours plus tard à la galette des rois. 
A l’approche de l’Epiphanie, m’est revenue en mémoire la bêtise que j’ai faite l’année dernière, alors que, toute la famille réunie, nous tirions les rois. Je l’avais pourtant écrit, qu’il ne fallait pas tricher, ou, si on trichait, qu’il ne fallait pas se faire prendre*. Et voilà que j’ai foncé tête baissée. La plus petite était sous la table, sa grande soeur et son cousin, des grands déjà complices des adultes à propos du Père Noël, attendaient la distribution, leur chance. La fève était apparue à la découpe, et voilà que je prends la part avec la fève et la pose sans scrupules sur l’assiette de la petite, juste comme ça , pour lui donner le plaisir d’être reine… « Gloups » font les autres enfants, mais ils ont la délicatesse de ne pas broncher, pour ne pas gâcher la joie de la petite reine. Et moi je sens leur regard, leur interrogation, leur déception, mais il est trop tard. Deux fois nulle la grand-mère, prise en flagrant délit de tricherie, et qui ne leur a pas donné leur chance 
De toute façon, avec la galette, chacun y va de sa petite tricherie. Celui-là soulève la pâte pour voir s’il a la fève, celui-ci y plante sa fourchette. Celle-là, timide, l’avale ou la cache pour ne pas se distinguer, et cette autre, une fois la fève trouvée, laisse sa part de galette sur le bord de l’assiette, sans la manger. 
C’est pourtant bon, une bonne galette, mais hors la période de jeu, là, début janvier, qui aurait l’idée de manger ce gâteau, sans fève ? 
« Tu as la fève ? C’est quoi ? Montre ! » Pas toujours facile à identifier, la fève se compare avec les précédentes, passe de mains en mains, et finit souvent dans une boîte à collection. 
Ce qui est bon dans la galette des rois, c’est le jeu. Tous autour d’une table, on coupe des parts égales pour chacun des joueurs, sans en laisser, et puis on distribue comme on distribue les cartes. Et chacun tente sa chance, même celui qui n’aime pas trop ce gâteau. 
Alors, non, cette fois on ne trichera pas !
Si le plus jeune n’a pas la fève, il aura la gloire d’être celui qui a désigné le roi ou la reine, aux souverains de le remercier, de lui rendre hommage, de le nommer prince ou écuyer du roi. 
Parce que si on apprend en jouant, si le jeu est une petite parenthèse « comme dans la vraie vie » où les enfants s’initient aux règles de la vie en communauté et aux aléas, autant apprendre à respecter les règles du jeu.
On ne peut pas toujours être le roi ou la reine, oui, c’est dur, mais aux autres joueurs de trouver des consolations, donner un gage au roi par exemple, lui faire chanter une chanson, enchaîner sur un autre jeu collectif.
A Noël, cette année, nous avons joué aux Ambassadeurs. C’est un jeu de mime qui ne nécessite aucun matériel, mais un peu de monde. On forme deux équipes. Dans chaque équipe, chacun à son tour devra faire deviner un mot à ses équipiers sans prononcer une parole, juste par le mime. Ce mot lui a été attribué par l’équipe adverse, on aura donc tenu compte des connaissances du joueur, de sa capacité à mimer ce mot, on aura donné aux adultes un mot plus difficile, mais connu des plus jeunes. Parfois ce sont des métiers qu’il faut deviner, parfois des personnages, parfois des concepts… Cela dépend des joueurs et de leurs compétences. En général on rit beaucoup, et on ne se soucie pas de savoir qui perd ou qui gagne, plutôt de voir comment celui qui mime va s’y prendre.


J’imagine que le roi et la reine de la galette auraient à se faire comprendre par le mime auprès de la Cour. Pas facile de tricher à ce jeu-là...

lundi 12 décembre 2011

BABAR, un personnage magique, le succès de l’improbable.


En 1971, j’ai passé une année très agréable à étudier avec beaucoup de  sérieux, mais de bonheur plus encore, la littérature enfantine. J’étais en Master de Lettres Modernes et le sujet de mon mémoire était Analyse du récit et de l’idéologie dans les premiers albums de Babar.
Histoire de Babar le petit éléphant
1971 - 1931 (naissance de Babar) - 2011.

C’était l’année de ses 40 ans, il en a maintenant 80. Bien que d’aucuns se soient amusés, récemment, à faire de lui un grand-père (Il paraît que Flore a eu un enfant) il a bien de la chance de ne pas vieillir. Et comment a-t-il encore tant de succès auprès des petits enfants, qui pourtant ne le connaissent plus par les livres mais par les films, la plupart du temps ?

L'Art de Babar, Nicholas Fox Weber, Nathan Image 1989



Le succès des albums de Babar s’explique par le talent du peintre Jean de Brunhoff, magnifié par le grand format qui permettait de contempler les images comme de vrais tableaux, ses dons de conteur, l’art qu’il a de passer de l’écrit au dessin (presque une bande dessinée, quand ce genre en était à ses débuts). Et par les personnages forts, ceux qui l’entourent : Céleste, Arthur, Zéphir le petit singe, La vieille dame, Pom, Flore et Alexandre, et bien sûr Babar, l’enfant devenu roi.

Babar s’est depuis longtemps échappé de ces albums. Il reste un monstre sacré.

Qu’ont de commun les petits français de  1931 – 1971 – 2011 : ils ont BABAR. Avant de savoir dire éléphant ils savent que cet animal a un prénom, ils disent un Babar. Et puis, ils apprennent à faire la différence entre Babar et n’importe quel autre éléphant. Un éléphant debout en complet vert.

Dans La morphologie des contes, Vladimir Propp analyse la structure narrative commune aux contes, et les premiers albums de Babar, ceux qu’a écrit Jean de Brunhoff (le père de Laurent), suivent le schéma classique qui fait le succès des contes. Partant d’une situation initiale heureuse (Le petit Babar joue dans la forêt au milieu des autres éléphants), interrompue par un événement – la rupture ou le manque (Le méchant chasseur a tué la Maman), suivi d’un déplacement - le Voyage (Babar s’enfuit vers la ville), le héros se trouve confronté à des épreuves. Pour les dépasser, il reçoit l’aide d’autres personnages, magiques, les adjuvants (La vieille Dame qui lui donne son porte-monnaie, par exemple). D’épreuves en épreuves, le héros grandit, jusqu’au mariage – ou réparation, fonction qui s’apparente à la situation heureuse initiale. Babar devient roi et épouse Céleste.

Les autres albums de Babar par Jean de Brunhoff suivent le même schéma. Ainsi dans Babar et le Père Noël, tout va bien à Célesteville, mais les enfants – Pom, Flore, Alexandre, accompagnés d’Arthur et Zéphir- sont en attente du Père Noël, qui ne vient pas jusqu’au pays des éléphants (le manque). Babar part à sa recherche et rencontre bien des difficultés dans sa quête, aidé par les souris, les oiseaux, et un petit chien, jusqu’à ce que le Père Noël lui-même, touché par sa requête, lui délégue ses pouvoirs. Après le voyage et ses épreuves, retour à Célesteville et à l’harmonie initiale.

Héros de conte traditionnel, donc, Babar est le type même du personnage magique, lui si gros qui s’élève en ballon avec Céleste pour son voyage de noce, ou qui va jusqu’à voler en tenue de Père Noël avec, sur le dos, sa hotte de jouets pour les enfants éléphants. Merveille de l’impossible.

Si puissant soit-il, il n’a plus sa superbe dès qu’il se retrouve nu. Dans Le voyage de Babar, il perd sa couronne dans un accident de ballon dirigeable. Très vite, le voilà à la merci des humains, qui font de lui un vulgaire éléphant de cirque. Quoi de plus attachant qu’un personnage invincible et néanmoins doux et fragile comme un petit animal.

On remarque  presque à chaque page l’importance des vêtements dans les premiers albums de Babar, qui font de cet éléphant un personnage plus humain que les cannibales  qui ne savent pas s’habiller (Le voyage de Babar, à situer dans son époque : 1939). Entrant à 4 pattes dans le bâtiment où se trouvent les costumes, les éléphants ont fière allure quand ils ressortent, sur 2 jambes avec leurs habits. Et chaque événement est prétexte à faire la fête et à revêtir les tenues les plus extraordinaires. A fond dans le jeu symbolique.
Le roi Babar
L’enfant aussi marche à quatre pattes avant de se dresser sur deux. C’est peut-être pour cela que Babar appartient aux plus petits.
Babar est un des rares héros des petits enfants qui soit un adulte (j’allais écrire un homme).

Devenu «peluche », ce personnage magique, ce héros, ce roi, ce Papa, on le sert dans ses bras avec tendresse, on l’adopte peut-être comme doudou, même. Mais il reste roi : on ne joue pas à l’école ou au restaurant avec Babar au même titre que les autres jouets.
Devenu «figurine», il sera essentiellement manipulé tout seul, ou entouré de sa famille, mais il ne rejoint que rarement d’autres héros dans des aventures imaginaires, parce qu’il n’est pas de la même génération, pas seulement à cause de ses 80 ans.



PS. Sur le Grand Jury RTL/LCI/Le Figaro, le ministre de l'Éducation Luc Chatel a montré son ignorance en comparant Hollande à Babar  et Sarkozy à Astérix : « Il y a un personnage de bande dessinée qu'on connaît bien, qui s'appelle Babar. Babar, il est sympathique, c'est le roi des éléphants. C'est l'histoire qu'on raconte aux enfants pour les endormir le soir. (…) Moi je préfère Astérix, voyez. Astérix, c'est celui qui est courageux, celui qui est déterminé, celui qui est protecteur, celui qui sait prendre des décisions ». Tous ces qualificatifs conviennent parfaitement au Roi Babar. 

jeudi 24 novembre 2011

Que faire des jouets quand les enfants ont grandi ?



Tout le monde un jour se pose cette question, plus encore à l’approche de Noël, vider la salle de jeu pour la remplir à nouveau
Toys story 3 Une nouvelle vie pour les jouets d'Andy ?

Les vases communicants. On enlève des jouets, on en met d’autres, c’est toujours du jeu… Mais c’est une opération délicate. Sont-ils interchangeables, ces objets ?

Consommer, consommer, jusqu’à l’indigestion… et partager cette frénésie avec ceux qui n’en ont pas les moyens, cela part de bons sentiments, mais c’est ambigu, et même peu respectueux.

Un jouet en vaut-il un autre ?

Bon, alors, on va jeter ceux qui ne sont plus en bon état, se débarrasser de tous ceux avec lesquels il ne joue pas, supprimer ceux qui « ne sont plus de son âge ». Si on en avait le temps, on ferait ce tri avec les enfants, on essaierait d’en faire un jeu. En s'inspirant  de ces jeux télévisés où il faut toujours choisir entre plusieurs candidats et en éliminer : « et le nominé est… ». Ce serait l’occasion de parler des jouets avec les enfants, et un enfant en particulier, quels jouets aime-t-il, et pourquoi ?

En bons éducateurs, nous pourrions peut-être nous interroger sur cette attitude que nous induisons. Je consomme, et puis je jette. Mais plus encore, car il y a forcément de l’affectif dans un jouet, je t’aime, je ne t’aime plus, je te remplace.
Avec leurs doudous, les enfants ne se laissent pas faire, et nous donnent des leçons de fidélité. Je t’aime même usé, dégradé, sali, c’est toi que je veux et pas un autre. Ah ! Etre aimé comme un doudou ! Mais heu… vient le jour où l’enfant n’a plus besoin de  doudou… Pas même pour le garder « en souvenir ». Apprendre à tourner la page.

Un enfant en vaut-il un autre ?

N’empêche, Doudou, il est tellement vieux, personne d’autre n’en voudra. Il ne deviendra jamais le doudou d’un autre. Respect. En revanche, il est question de se séparer des autres jouets, et plutôt que de les apporter à la décharge, de les donner à d’autres petits. Parfois un moment délicieux : un enfant un peu grand qui offre son jouet à un plus petit, relais tendresse. Mais la plupart du temps le passage se fait dans l’anonymat, via un organisme caritatif, et quelque chose me chagrine un peu dans cette démarche.
C’est peut-être une déformation professionnelle : je voudrais que les jouets soient pris en main par des pros qui non seulement les remettent en état, mais surtout les connaissent, les conseillent, ne se contentent pas de les mettre sur des étagères. Pensent aux enfants qui vont les adopter.
Oui, les adopter ; je pense aux jouets et je n’aime pas qu’ils soient abandonnés au hasard, négligés.

Le film Toys story 3 montre la détresse des jouets mis en carton et récupérés dans une nursery, où ils passent de mains en mains et sont malmenés, c’est drôle et et c’est aussi très émouvant.

Vive les greniers !
Pas de ça pour les jouets, mais alors ? S’il faut bien accepter un  jour de ne plus être un enfant, il faut bien aussi se résoudre à s’en séparer. Quitte à les donner à un organisme, les donner à une ludothèque. Là ils seront dorlotés, réparés s’il le faut, chaque pièce répertoriée, et mis en jeu avec soin et respect.

A moins qu’il n’y ait encore quelque part un grenier où les ranger en attendant
Attendre que les enfants malheureusement grandis aient à leur tour des enfants. Qu’avec eux ils ouvrent le carton avec l’émotion des souvenirs d’enfance partagés.
Ou qu’ils envoient leur progéniture dans le grenier jouer les explorateurs à la recherche d’un trésor.
Jouets des années 50 au Nautilude
Ou qu’ils en fassent profiter d’autres enfants, d’autres adultes, le temps d’une exposition. 
Ainsi Laure et Dominique, à l’occasion de l’ouverture de la ludothèque Le Nautilude, rue Jules Verne à Paris, ont-elles ressorti leurs ours en peluche, leurs poupées – et les accessoires, les ustensiles de cuisine qui vont avec - du grenier de la vieille maison picarde. Une exposition modeste, bien sûr, mais à visiter avec elles : on saura le nom de chaque ours, et que Mich’ a été donné par la plus grande à sa petite sœur, tandis que Michette venait le remplacer.  Un jour la petite fille se marie. Trente ans plus tard Michette se retrouve dans une vitrine au côté de Martin, qui dormait, lui, dans le grenier de la grand-mère du mari de la petite fille… Objets retrouvés, instants d’enfance réapparus, échangés, histoires de jouets.


http://www.je-donne-mes-jouets.org/

http://www.engagement-solidaire.fr/gestes-solidaires/donner/jeux-jouets

jeudi 10 novembre 2011

Les nouveaux jeux éducatifs : les jeux sérieux, ou serious games.



Cette semaine, La Toile de l'éducation  (Le Monde de l’éducation) titrait : Le jeu à usage pédagogique avance ses pions. « Utiliser les jeux en classe ? Le débat est récurrent, mais il progresse. Le 4 novembre, le ministère de l'économie organisait un colloque pour dresser un premier bilan de l'appel à projets "jeux sérieux" (les Serious Game) ».

En fait, point de pions à avancer. Bien que le jeu d’échecs soit, me semble-t-il un jeu que l’on peut qualifier de «sérieux», il est hors catégorie.
On entend par Serious game « une application informatique dont l'objectif est de combiner des aspects d'enseignement, d'apprentissage, d'entraînement, de communication ou d'information, avec des ressorts ludiques et/ou des technologies issus du jeu vidéo. »
De plus en plus, lorsqu’on parle de jeux, dans la presse, on ne parle que de jeux vidéo, numériques, virtuels, électroniques. J’en veux pour preuve les mises en garde qui accompagnent légalement certaines pubs à la télévision pour des jeux en ligne : « Jouer est dangereux » (sic).

Ces jeux nouveaux, auxquels on joue sur console, sur son téléphone ou sur Ipad, comment les appeler ? On hésite encore, pour ce qui est des jeux de divertissement. On ne peut appeler « jeu video », par exemple,  un jeu classique comme le backgammon ou le scrabble numérisé. Mais le concept de «serious games» est né, lui,  qui désigne tous les jeux conçus pour faire passer une information, Advergames (Jeux pour faire de la pub), Edugames (Jeux pour favoriser les apprentissages) ou Political games (Jeux pour éfendre des valeurs politiques).

Récemment, mes fils ont retrouvé avec jubilation sur Ipad le jeu de leur enfance Pirates des Caraïbes. Vingt ans après, ils se souviennent du nom de chaque crique, chaque île ! Mais le but des créateurs de ce jeu n’était pas d’enseigner la géographie des Caraïbes, alors ce n’est pas un « jeu sérieux ». (Je confirme, ils ont beau être adultes, ils ne font pas très sérieux quand ils balayent leur Ipad avec frénésie !) (Mais, deuxième parenthèse, quel bonheur de les voir jouer avec autant de plaisir, tout adultes qu'ils sont, sans se prendre au sérieux !).
Je n’adhère pas à cette séparation entre les jeux « sérieux » et les jeux « divertissants ». Je peux me divertir avec un jeu dont l’auteur a l’ambition de m’instruire (sinon, je me lasse vite, et surtout il me semble que ce n’est plus un jeu). Je peux apprendre, m’éduquer, avec un jeu « pour s’amuser ».


Zoran Popovic, interviewé par Le Café pédagogique (7/11/2011), est directeur du Center for Game Science de l'université de Washington. On notera au passage qu’on appelle Science du Jeu à Washington ou au département de l’Université Paris XIII, deux approches du jeu bien différentes.
 " Les étudiants ont cette culture des jeux (…). En jouant ils franchissent des étapes importantes. Quand ils jouent, leurs erreurs ne les arrêtent pas. Ils en tirent les leçons et vont de l'avant. » affirme Zoran Popovic. Ne pourrait-on en dire autant de la plupart des jeux ?

Autrefois, on parlait de jeu instructif : depuis toujours utilisé pour rendre les apprentissages plus faciles, moins ardus, le jeu permettait d’initier les enfants à la lecture, au calcul, à la morale ou à la géographie.

Vers 1914, Nathan crée le concept de jeu éducatif.
Jeu en bois ou en carton comme le loto des animaux, le domino des chiffres et des couleurs, le puzzle des départements français. J’ai joué il y a quelques semaines, avec mes sœurs et beaux-frères (retraités), au Jeu de 7 familles des peintres, celui que nous avions quand nous étions petits, et nous nous sommes bien amusés, mais je n’ai pas beaucoup amélioré ma connaissance de Delatour ou de Caravage.


Se démarquant de ces jeux jugés désuets, l’informatique a fait évoluer le concept de « jeu éducatif » vers celui de « ludo-éducatif » que je définirais ainsi : un jeu vidéo (cette chose diabolique) qui cette fois peut être préconisé par les parents car il a pour but non de distraire les enfants mais de leur enseigner les apprentissages fondamentaux mine de rien, en les amusant. Combien de parents ne sont-ils pas venus me demander des DVD ludoéducatifs quand, à l’ouverture des Fnac Junior, je faisais fonction de conseiller en jeu dans le premier magasin rue Raspail.

Et maintenant, donc, on parle de « jeux sérieux ». 

Peu importe à quoi on joue, comment on joue, si librement on joue. Pourvu qu'on apprenne.

Au moment même où le concept de « jeu éducatif » était adopté par tous et remplaçait celui de « jeu instructif », on substituait au Ministère de l’instruction publique le Ministère de l’éducation nationale. (1932, gouvernement d'Édouard Herriot) *


Ce n’est pas un hasard, pour Jean-Marie Lhote, historien du jeu, (à qui, par chance, Libération rend hommage aujourd'hui), si ce passage se fait en période de crise économique.

Et voilà, en pleine crise, 80 ans plus tard, l’arrivée d’un concept nouveau, « le jeu sérieux ». Le Ministère de l éducation nationale sera-t-il bientôt rebaptisé Ministère du Sérieux National ?




*Voir Le Ministère de l’éducation nationale de 1789 à nos jours. http://www.education.gouv.fr/pid289/le-ministere-de-l-education-nationale-de-1789-a-nos-jours.html

mardi 11 octobre 2011

Marionnettes, un art majeur



Marionnettes sur table et cinéma d'animation
Le Teatro milagros, créé en 2005, souhaite développer un univers visuel singulier, en évolution permanente. Il a opté pour un théâtre où tout est possible, où le texte, la mise en scène, le jeu, la scénographie et l’artisanat sont en perpétuel dialogue. La marionnette leur permet de rassembler petits et grands autour de questionnements qui les rapprochent, en faisant appel tout autant à l’intelligence des enfants qu’à l’innocence des adultes.





La saison du Théâtre de la Marionnette à Paris débute lundi 17 octobre avec ce Manteau de Gogol. Les marionnettes : ni un divertissement réservé aux moins de 18 ans, ni un art mineur. On y joue tout au contraire, partout dans le monde, et à tous les âges, avec l'écriture, la sculpture, la voix, la mise en scène, la musique, les formes et les couleurs, l'imagination et les émotions. Et je n'ai pas fini de vous en parler !

lundi 3 octobre 2011

Playmobil et petits films d'animation



Un petit film d'animation circule sur Facebook en ce moment. C'est une école de Playmobil, avec des "Primaire" et des "Maternelle", des classes surchargées, des profs mal remplacés, des enfants handicapés, d'autres en difficultés... et ça va mal. Le vrai problème de l'éducation nationale, qui mieux que ces petits personnages dans lesquels tous les parents, tous les profs de moins de 45 ans, se sont projetés, enfants, pouvait en parler ?


En fait, les Playmobil se prêtent très bien au film d'animation. Alors, sous prétexte d'utiliser des outils pédagogiques, pour raconter l'histoire romaine, la révolution française, illustrer des contes, faire de la pub ou au contraire la critiquer en la parodiant, certains adultes ont trouvé le moyen de jouer encore aux Playmobil bien au-delà de l'âge indiqué sur les boites...Un jeu intergénérationnel en quelque sorte.



Comme le dit Baptiste (9 ans), dans le petit reportage du Musée des Arts décoratifs réalisé à l'occasion de l'exposition qui leur était consacrée l'année dernière, ils ne sont pas près d'être détrônés par les personnages de jeux vidéo, parce qu'on peut les toucher. Imaginer et prendre en main, dans tous les sens du mot, l'histoire que l'on s'invente...

Jusqu'à présent fidèles à leur vocation, qui se résume par leur slogan "En avant les histoires", les responsables marketing ont fait un écart récemment, en créant le concept du Playmobil à collectionner.

Je ne parle pas du collector, celui que personne n'a eu, trouvé dans un vide grenier, celui qui correspond à une autre époque, à la génération 70. Je ne parle pas du jeu, auquel se livrent de temps en temps, toutes générations confondues, les passionnés qui brandissent un petit bout de plastique, minuscule accessoire dont il faut deviner l'usage et l'univers auquel il se rattache - le sac roulé sur le dos du cheval version western, la poupée des enfants indiens, le tableau de la chambre des parents dans la maison belle époque...

Non, ces Playmobil à collectionner arrivent sous forme de pochette surprise, et on les échangera dans les cours de récré.


Extrait de La Revue du Jouet n°451, juillet 2011 :


"Collection, customisation, effet de surprise... Playmobil se lance à son tour sur la vague porteuse des phénomènes de cour de récréation en commercialisant sa nouvelle gamme intitulée Figures, soutenue du 12 au 30 septembre par une vaste campagne de communication télévisée.  
Business business...


Elle se compose de 24 figurines Playmobil, dont la moitié dans des thèmes filles (princesse, cavalière, rock star...) et l'autre moitié dans des univers garçons (chevalier, sportif, catcheur, justicier), conditionnés à l'unité sous sachet opaque (...) rose ou bleu.
Oh non, pas Playmobil !!!


L'originalité de cette gamme réside dans le fait que l'enfant va devoir assembler sa figurine ! D'abord l'unité centrale, où se trouve le système d'attache, puis le torse, la tête, les deux bras et les deux jambes. 
Un genre de Kindersurpise, en quelque sorte...

Le tout modulable à l'infini puisque tous les membres sont interchangeables entre les différentes figurines, pour créer des personnages étonnants aux multiples possibilités de look...
Ah bon, comment les collectionne-t-on alors ?  Je ne vois pas trop...
Ouf, c'est l'imagination qui devrait vite prendre le dessus.

En revanche, cette infinité de possibilités, c'est la bonne nouvelle pour les films d'animation. Playmobil, en avant les nouvelles vidéos !


Documents :
Films et jeux à base de Playmobil: http://www.playmoben.com/films.php



Historique: http://www.prodimarques.com/documents/gratuit/71/Playmobil-en-avant-histoire.php      Un encouragement pour les créateurs de jouets : pour la petite histoire, aucun succès auprès des professionnels pour ces trois premiers Playmobil présentés à Nüremberg en 1974. Tout le monde peut se tromper ! 



    





lundi 5 septembre 2011

Des jouets signés par des artistes, le bonheur.

« Le joujou est la première initiation à l’art », Charles Baudelaire

Telle est l’accroche du Grand Palais annonçant la future exposition
Des jouets et des hommes qui ouvre le 14 septembre prochain.

Inviter l’enfant par le jeu à ouvrir ses yeux, ses oreilles, son sens du toucher… à découvrir l’harmonie des couleurs, des sons, le plaisir des formes, des matières, on ne peut pas dire que ce soit le souci de la plupart des parents, ni des commerçants. Souvent on préfère le mièvre, ou le clinquant, ou le « rigolo » au design.

Pourtant, des artistes créateurs de jouets, chacun avec un style bien à lui, ça existe !
Le musée des Arts décoratifs présente en ce moment les jouets en plastique de Libuse Nikova, designer Tchèque (1934-1981), avec ses animaux en accordéon amusants mais aussi dessinés.

Oiseau de bain, Patrick Rylands, Trendon UK

Dans les années 70 (et oui !),
  Patrick Rylands (né en 1942) a donné au jouet en plastique ses lettres de noblesse. Créateur de l’oiseau de bain aux lignes pures, pour un éditeur de jouets anglais, Trendon (qui fabriquait aussi les poupées Sasha, dont je reparlerai une autre fois), Patrick Rylands a aussi dessiné de très nombreux jouets Ambi Toys aux Pays bas, de 1976 à 2002.
Joupii, Patrick Rylands, Naef, Suisse

Il a créé aussi pour Kurt Naef, en Suisse, de beaux jouets en bois, tel le Joupii cubique articulé sur un élastique, tandis que Ulf Hanses dessinait la voiture en bois pour Play Sam, éditeur de jouets scandinaves.
Magic man, Ambitoys, récemment réédité en Italie
Voiture Playsam, Suède, design Ulf Hanses

J’ai eu la chance de rencontrer ces créateurs, et de mettre ces objets dans les mains de mes enfants.
J’ai eu aussi la chance de rencontrer Cilou Zelkine, qui a créé pour AETRE la poule, l’éléphant, le sac pose-bébé et (avec moi, je suis fière de le dire !) le sac cheval. Travailler avec elle, c’est passionnant.
Eléphant de Cilou Zelkine, Aêtre, France

On me pose souvent la question : existe-t-il des jouets pour adultes ? Quand ce sont des objets d’art, oui, je le crois. Kurt Naef appelait cela des OBJOUETS.

Sac cheval Aêtre, création Cilou Zelkine
et Catherine Hardy
Pose-bébé Aêtre, design Cilou Zelkine
Et maintenant ? Le Salon Maison et Objet ouvre ses portes dans quelques jours, au Nord de Paris, espérons que les exposants du secteur Univers d’enfants sauront nous proposer des objouets magnifiques, et signés par de nouveaux créateurs.

mercredi 3 août 2011

POUCE ! Je ne joue plus ?

Poing fermé, pouce levé, voilà un geste courant, quasi universel, que chacun croit comprendre instantanément.

Signe de satisfaction, d’approbation, à diverses époques, dans divers contrées, mais avec des variantes qui peuvent mener à quelques malentendus… de " D’accord " à " Victoire, ça marche ! " en passant par " l like "(1), où le pouce levé remplace le cœur  " I love " devenu désuet.

« Tu es le meilleur !» dit le pouce levé en Chine.
« Fais moi une place dans ta voiture » dit le pouce levé de l’auto-stoppeur.
« On remonte » dit celui du plongeur.
« Laissez-moi passer » dit le pouce levé du piéton qui traverse une rue sans passage protégé.
« Meilleurs prix » indique celui d’un grand distributeur.
« Va au diable » dit le pouce « bilak » iranien.

Mais non ! POUCE ! signifie « je ne joue plus » ou, plus exactement « on arrête momentanément le jeu », « on fait une pause ».
Pas de coup de sifflet comme au foot, mais un simple geste compris de tous les joueurs. « Pouce ! » pendant une partie de Chat, et je peux passer devant le chat sans qu’il me touche, mais il faut une vraie raison (un besoin pressant par exemple) sinon ce ne serait pas du jeu. « Pouce ! » au beau milieu d’un jeu symbolique, qu’on reprendra tous ensemble, après le goûter. « Pouce !» le temps de relacer mes souliers, ou de demander une précision dans la règle du jeu. A la limite, « Pouce ! » prononcé d’un commun accord, en fin de journée, pour dire que le jeu, s’il s’arrête parce que c’est l’heure, n’est pas terminé pour autant. « Pouce ! » c’est « Pause ».

Dans la définition du jeu, entre la notion d’espace – temps et lieu - qui détermine le moment et le terrain de jeu. Tout jeu a un début et une fin. Je ne joue pas – je joue –  je ne joue plus. Le « Pouce ! » ouvre une parenthèse dans cet espace, il garde le jeu en suspend, il accorde un instant au réel (le besoin pressant, le goûter) mais un instant seulement, dans la réalité du jeu. Sans confusion.
Même si je dis « Pouce ! Je ne joue plus », cela ne veut pas dire "Je ne joue plus" tout court . « Pouce ! » introduit une nuance : "Là, maintenant,  je ne joue plus", donc, après, le jeu va reprendre.
Comme à Rome, finalement, quand le pouce levé gardait le gladiateur en vie : le jeu continue !

Dans mon enfance, j’aimais cette drôle de chanson – presque comptine, pleine d’optimisme, que nous chantions pouce levé.
Un p’tit pouce qui marche, un p’tit pouce qui marche,
Un p’tit pouce qui marche
Et ça suffit pour nous rendre gais !

Deux p’tits pouces qui marchent, deux p’tits pouces qui marchent,
Deux p’tits pouces qui marchent,
Et ça suffit pour nous rendre gais !

Dans les différentes versions que j’ai trouvées pour vous la faire écouter, le petit pouce parfois danse au lieu de marcher, il nous rend heureux au lieu de gais, ou bien il « suffit pour nous amuser ».
Toujours du jeu, en fin de compte.

(1) À propos du I like de facebook, j’aime la petite histoire autour du like de Basile