Jouets dangereux, toxiques, cancérigènes, le sujet est
récurent à Noël. Et les informations arrivent en vrac dans les magazines et les
émissions grand public, nous laissant une impression désagréable de gâter nos
enfants (au sens propre), et d’être dépassés par la question, voire de nous
faire berner.
Peut-on faire confiance au CE ?
Le sigle européen CE, que nous trouvons appliqué sur
tous les jouets mis sur le marché, garantit que le jouet a été soumis à des
tests de conformité aux normes de sécurité européennes (Voir mon post de janvier 2010). On lit souvent que l’on ne peut pas s’y fier, le
fabricant appliquant lui-même ce marquage. Mais il est a priori impossible
d’importer des jouets en Europe sans les accompagner d’un certificat de
conformité établi par un laboratoire, et comme plus de 80% des jouets en France
viennent d’Asie, il a bien fallu franchir la frontière et présenter leurs
certificats aux autorités. On nous montre d’ailleurs souvent, aux infos, des douaniers
qui prélèvent des jouets et font des contrôles surprises, et bien sûr le sujet
est plus télévisuel s’il révèle une fraude et nous permet de nous indigner. Mais
quelle est la proportion de produits non conformes, saisis ou détruits ? Voilà l’information que nous
aimerions avoir. Suis-je très naïve ? Des fraudeurs, il y en a forcément,
mais des contrôleurs aussi, et même des fabricants scrupuleux.
Les nouvelles normes européennes : plus
permissives ou plus strictes ?
Depuis plus de 20 ans que les normes européennes ont
été établies, des jouets tout à fait nouveaux sont apparus, avec une majorité
de jouets numériques, et les recherches physiques et chimiques ont permis de développer
de nouveaux matériaux et parallèlement les connaissances que l’on a sur la
toxicité de certains produits. Il faut donc en permanence faire évoluer les
normes. En juillet 2013, les normes chimiques changent. De nouveaux composants
chimiques, surtout des métaux lourds, vont être soumis aux analyses (une manne
pour les laboratoires ?) d’une part, et d’autre part les seuils de
tolérance ont été modifiés. Plus stricts ? Non, plus hauts. Par exemple pour le plomb, la nouvelle valeur
limite, fixée à 160 milligrammes par kilogramme, est deux fois plus élevée que
celle de la directive précédente.
Mais
pourquoi ? Alexander West, ingénieur chimiste, que nous pouvons voir mardi 18 décembre 2012 sur ARTE
explique : « L’ancienne directive européenne et la nouvelle s’appuient sur
des principes différents. La première prenait comme postulat que toutes les
substances libérées par les jouets peuvent théoriquement être absorbées par
notre organisme. Tandis que selon la nouvelle directive, toutes les particules
nocives ne sont pas assimilées par le corps. Cette hypothèse s’appuie sur un
modèle de calcul plus complexe, qui se rapproche certainement davantage de la
réalité. »
On n’y comprend rien !
Les normes, pas faciles de les trouver,
et ensuite, pas facile d’y comprendre quelque chose. Vous voulez un
exemple ? Voici un extrait (choisi avec délectation!) de la directive 2009/48/CE relative à la sécurité des jouets :
Composés
organostanniques Peintures
Ne peuvent être
mis sur le marché en tant que substances et composants de mélanges destinés à
être utilisés en tant que biocides dans des peintures à composants non liés
chimiquement.
Les composés
organostanniques trisubstitués tels que les composés de tributylétain (TBT) et
les composés du triphénylétain (TPT) ne peuvent être utilisés dans les articles
où leur concentration dans l’article ou dans une partie de l’article dépasse
l’équivalent de 0,1 % en poids d’étain.
Les composés du
dibutylétain (DBT) ne sont pas utilisés après le 1er janvier 2012 dans les mélanges et
les articles destinés à être délivrés au public lorsque leur concentration dans
le mélange, dans l’article ou dans une partie de l’article dépasse l’équivalent
de 0,1 % en poids d’étain.
95À titre dérogatoire, les dispositions des
points a) et b) ne s’appliquent pas avant le 1er janvier 2015 aux articles et mélanges
suivants destinés à être délivrés au public: mastics (RTV-1 et RTV-2) et
adhésifs de vulcanisation à température ambiante monocomposants et
bicomposants, — peintures et revêtements contenant des composés du DBT en tant
que catalyseurs en cas d’application sur les articles, — profilés en chlorure
de polyvinyle souple (PVC), seuls ou coextrudés avec du PVC dur, — tissus
revêtus de PVC contenant des composés du DBT en tant que stabilisants en cas
d’utilisation à l’extérieur, — descentes d’eaux pluviales, gouttières et accessoires
extérieurs, ainsi que matériau de couverture pour toitures et façades.
À titre dérogatoire, les dispositions des points a) et b) ne s’appliquent
pas aux matériaux et aux articles régis par le règlement (CE) no 1935/2004.
Bon, alors, on fait confiance aux associations de
consommateurs, aux labos, aux commissions de l’UE, à nos représentants
européens ? Comment faire autrement ? Mais on reste vigilant !
Vigilance, mais ne pas tout mélanger, comme l’éthique et la sécurité
Les articles sur la sécurité des jouets se
concluent en général par un appel à la vigilance des parents. Et hop ! On
plonge dans les clichés, les formules qui mélangent tout : Fabriqué en
Chine = fabriqué à moindre coût
sans respect des normes = fabriqué par des enfants = danger pour nos enfants.
Ou bien fabricant = industriel sans scrupules = pollution = jouets toxiques. Soyons donc également vigilants
sur les amalgames, chimiques comme médiatiques.
Mais j'ai une suggestion à faire, le jouet de l'année 2013 : Un coffret de petit(e) chimiste qui permettrait de tester soi-même ses jouets. On pourrait même le prêter à ses parents.