lundi 24 juin 2013

Nouveaux rythmes scolaires, le défi relevé par une petite commune rurale


La réforme Peillon devrait être l’occasion d’introduire des ludothèques dans toutes les écoles de France. 

J’ai fait un moment ce rêve. Le jeu, reconnu comme une activité à part entière, culturelle, éducative.
Le jeu, nécessaire au bon équilibre des enfants, qui permet de prendre confiance en soi, de se sociabiliser, d’apprendre à respecter les règles et les personnes.
Le jeu libre, avec des jouets ou des jeux adaptés aux compétences des enfants, avec un ludothécaire, qui donne à jouer, choisit et traite les jeux, et veille au bien être de chacun.

Trois classes pour trois villages
Dans « ma » campagne, un Syndicat Scolaire gère l’école pour les enfants de trois villages. Les classes sont installées dans trois bâtiments rénovés, l’ancienne école  de P, celle de V, et, pour la Maternelle, l’ancien presbytère. Les petits jouent dans ce qui fut autrefois la cour du curé, mais ils sont bien à l’école laïque, publique et républicaine. Il y a trois classes pour une soixantaine d’enfants, une classe sur P, deux classes sur V, le troisième village n’ayant plus d’école. Un ramassage scolaire est organisé par la Région, et le car transporte aussi les enfants de V vers P à l’heure du déjeuner,  la cantine étant organisée à P. On ne va plus à l’école à pieds, avec son déjeuner dans sa gamelle, mais ça ressemble encore un peu à l’école d’autrefois, avec des regroupements d’enfants de niveau scolaire différent, des murs en vieilles pierres, de l’herbe et de l’espace dans la cour, et des effectifs raisonnables de 20 enfants par classe.





Les élus locaux gèrent l’école
On n’a pas conscience, quand on est citadin, du rôle de la commune dans le domaine scolaire. On sait bien que certaines dépenses incombent à la commune, on voit bien que le représentant du Maire assiste au Conseil d’école, mais on a le sentiment que tout est dans les mains de professionnels de l’éducation. Or à la campagne, tout repose sur les élus, qui n’ont aucune compétence particulière à gérer l’école, sinon leur dévouement et leur attachement aux enfants et, précisément, à l’école rurale.


La réforme, improvisation générale
Une aide de 90 euros par an et par enfant est attribuée aux communes s’engageant à mettre en place les nouveaux rythmes scolaires dès la rentrée prochaine, et les trois communes ont suivi les Conseil Scolaire qui optait en faveur du démarrage dès le 3 septembre. Sans beaucoup de temps pour réfléchir, sans voter aucune rallonge des budgets municipaux.
Les voilà donc au pied du mur, et  à quelques jours des vacances, rien encore n’est en place, sinon un horaire lié au ramassage scolaire, qui impose d’organiser 45 minutes de périscolaire avec des intervenants extérieurs, 4 jours par semaine. Il est aussi spécifié aux communes que les animations doivent s’adresser à des groupes ne dépassant pas 18 enfants. Dans ma campagne, 60 enfants, donc 4 animateurs, si tout le monde s’inscrit. Même payés au SMIC, ça fait un certain budget pour le Syndicat Scolaire. Une simple garderie pour ceux qui ne peuvent vraiment pas faire autrement serait la meilleure solution en terme de coût.  Mais cela n’aurait aucun sens. L’idée de la réforme, c’est l’égalité des chances et les loisirs de qualité pour tous, mais comment faire ?

Dans l’école républicaine, le périscolaire au petit bonheur la chance
Donc non, pas une garderie, des animateurs qualifiés et motivés, telle est la décision du Syndicat Scolaire. Et on les trouve comment ces personnes merveilleuses qui vont venir pour trois quarts d’heure de travail quotidien,  après avoir fait un certain nombre de kilomètres en campagne ? Et qui va gérer cette équipe, coordonner les interventions ? Et qui va les recruter ? Sur quels critères ? Avec quel budget ? C’est donner à la fois bien du pouvoir et bien peu de pouvoir aux élus, et ça pose question quant à l’égalité des chances au niveau national.
L’avantage de ce flou, c’est l’autonomie qui est laissée à chaque commune.


On relève le défi
Trois petits villages, tout seuls, dans une Communauté de Communes  qui réunit une vingtaine de villages autour d’une ville plus importante, à relever le défi dès cette année. Puisque le décret est passé, on y va. Initiation à des activités artistiques ou sportives, animations autour de l’environnement et de notre patrimoine, et mise en place d’une ludothèque bibliothèque. Le temps d’animation périscolaire, temps de détente, ce qui ne veut pas dire temps perdu.
On fait appel aux associations locales : faites connaître votre action en animant des ateliers hebdomadaires dans notre école. On recherche des volontaires parmi les habitants : un comédien, une dame qui jouerait en anglais et en espagnol, un animateur sportif. On cherche aussi des financeurs !

Dans chaque village, une petite salle qui servait de bibliothèque va reprendre vie, on y installera des livres d’enfants et des jeux, il reste à former quelqu’un à ce travail  : apprendre les règles  et la mise en jeu, ce qui est à mon sens presque le plus difficile, remettre les jeux récupérés en état, les solidifier en les plastifiant, inventorier le nombre de pièces, s’assurer qu’il y a bien une règle du jeu dans la boite (c’est ça, « traiter » les jeux), adapter l’espace au jeu des petits, des moyens, des grands. Et savoir donner envie de jouer sans rien imposer.
Il n’y aura pas seulement des jeux de société, mais aussi des jeux dits symboliques, pour se déguiser, imiter, mettre en scène. Et tout naturellement les intervenants en langue, théâtre, danse, peinture, et même les spécialistes du patrimoine se joindront au jeu. Chiche ! On a carte blanche ? On s'est jetés à l'eau. Qui veut jouer avec nous ?


Le décret relatif à l’organisation du temps scolaire dans les écoles maternelles et élémentaires a été publié le samedi 26 janvier 2013 au Journal Officiel et, avant le 31 mars, les communes devaient choisir entre une application différée ou une application immédiate des nouveaux rythmes scolaires.


vendredi 7 juin 2013

Un ours perdu dans un aéroport, l’enquête




Un ours en peluche a été retrouvé dans un aéroport de Bristol il y a un peu plus d’un an, accompagné d’une photo sur carte postale, datant de 1918, le montrant, plus jeune, en compagnie de deux petites filles. Au dos, on peut lire : With dearest love and kisses to our darling Daddie from your loving little daughter & Sonnie. Et c’est signé : Dora & Glyn. Un adulte a ajouté : Taken on baby's birthday March 4 1918, one year and 5 months old.


Nom ?
S’appelle-t-il Glyn ou Sonnie ? Il semble bien que l’une des petits filles soit Dora, mais l’autre ? Peut-être manque-t-il un « S » à daughter, et dans ce cas Sonnie est le nom de l’ours. Mais non, Glyn me plaît plus, ça va mieux à un ours, non ? Dans ce cas, Sonnie est le bébé, peut-être la cousine de Dora, elle a 1 an tout juste et Dora 17 mois. Et c’est Dora qui tient son ours Glyn tout contre elle.

Date et lieu de naissance ?
Les premiers experts consultés ont estimé que cet ours était de fabrication anglaise, de la marque Farnell Bear, et qu’il était né au tout début des années 1900. Mais il pourrait aussi bien être allemand ou français, selon d’autres spécialistes.
S’il est né avant 1918, cet ours ne peut pas être français, puisque le premier ours français, de la marque Pintel, date de 1921. Les premiers ours, américain ou allemand, ont été fabriqués en 1903.

L’américain, Teddy Bear, doit son nom à Théodore Roosevelt. Il a été fabriqué par deux fabricants de jouets russes, les Mictchom, les uns disent « à la gloire du président » qui avait laissé la vie sauve à un jeune ourson à la fin d’une chasse à l’ours, les autres, « pour se moquer du président » qui, pourchassé par un ours, se serait réfugié dans un arbre.

L’allemand, Friend Petzy, est un ours Steiff. Margareth Steiff et son neveu exposèrent PB 55 (Petzy Bear 55 ?), un ours en mohair, à la Foire de Printemps du jouet à Leipzig en 1903. Il eut tout de suite un énorme succès, il s’en vendit plusieurs milliers dès la première année aux États Unis, et la fabrication dépassa le million en 1907.

Signalement
À cette époque-là, Teddy et Petzy avaient une bosse dans le dos, un bon petit ventre et un museau fin, comme de vrais ours. C’étaient des animaux en mohair, aux membres articulés, les yeux en bouton de bottine, le nez et la bouche brodés. Comme Michka, l’ours du conte de Noël édité dans la collection Père Castor. Comme Winnie, le héro de quatre albums écrits et illustrés par Alan Alexander Milne, de 1924 à 1928 (We were very young , Winnie the Pooh, Now we were six, et The House at Pooh Corner), à déguster dans l’édition originale « d’avant Disney ».


En ce qui concerne cet ours nous ne savons pas s’il a « la bosse », ce n’est pas précisé sur l’avis de recherche, mais s’il date d’avant 1918 c’est très probable. Les ours en peluche ne sont devenus des « nounours », le dos et le museau plat, qu’au delà de 1920. Il n’a plus qu’un œil, le pauvre, mais en avait deux en 1918. Tout usé, il a me semble-t-il une caractéristique, sa plante de pieds, en tissu rayé, pas réaliste, et peut-être recousue à la place du velours initial, celui de la carte postale, si on regarde bien, parce que trop usée. J’aime bien, c’est sa petite touche à lui.

Famille ?
Pour retrouver sa famille, le personnel de l’aéroport de Bristol a mené l’enquête pendant 14 mois, relayée par des spécialistes aux USA et au Canada, mais en vain. On sait pourtant que l’une des petites filles, Dora sans doute, a 17 mois le 4 mars 1918, elle est sans doute née en novembre 1916.
Mme Dora X, née en novembre 1916, âgée donc de 96 ans, est-elle passée dans cet aéroport de Bristol l’année dernière, laissant derrière elle, sciemment peut-être, cet ours chéri  qui lui survivra et doit donc se trouver une nouvelle famille ?

Laissé là pour être adopté
Il n’a pas été perdu, Glyn, on ne l’a pas retrouvé comme un malheureux doudou gisant sur le sol de l’aéroport, il était dans un sac en plastique, avec la photo porteuse d’indices. Si quelqu’un l’emmenait en voyage et a oublié ce sac, au moins était-il dans ce sac en compagnie des deux petites filles de la photo.
Un peu comme Paddington, abandonné dans la gare de Londres avec sa valise et une étiquette autour du cou : « prenez soin de cet ours, merci ».


Dans la culture germanique, on connaît un certain lapin, Félix, la peluche de Sophie qui l’égare, par mégarde cette fois, dans un aéroport. Embarqué d’aérogares en aérogares, il découvre les villes du monde entier et lui adresse de partout de jolies lettres. Jusqu’à ce qu’il retrouve sa petite maîtresse. Dans l’album de Constanza Droop, édité en France par Jeu d’Aujourd’hui, les enfants trouvent de vraies enveloppes, à ouvrir pour lire les lettres de Félix.
Cet ours accompagné d’une carte postale, en plein aéroport, n’est-il pas de la famille du lapin Félix ? Américain d’adoption peut-être, mais avec un zest de culture germanique, donc.

Trouvera-t-il enfin sa famille grâce à l’avis de recherche lancé par l’aéroport de Bristol ? Ou son destin est-il d’être adopté, comme Paddington, par quelqu’un qui saura en prendre soin ?