lundi 6 décembre 2010

Un cadeau peut en étouffer un autre. Pascal Deru

"Un cadeau en étouffe un autre"

"Nous cherchons ensemble un cadeau pour le premier anniversaire de son petit-fils.. Elle a 55 ans. Elle rayonne de ce nouvel enfant dans sa vie.
Elle pose donc sur le comptoir le très beau jouet que nous avons choisi ensemble. Pourtant quelque chose se contredit (…) :
- Ma première idée était de lui offrir des chansons…
Je la regarde, étonné :
-       Pourquoi faites-vous dès lors un achat ? Gardez votre idée et n’achetez surtout rien. C’est une très bonne idée d’offrir des chants.  
Elle me confie qu’ils chantent ensemble. Il adore ces instants privilégiés.
Je l’encourage à garder son idée initiale.
-        Qu’est-ce que vous chantez ensemble ?
-        Oh ! des chants très classiques, répond-elle presque en s’excusant.
(…) 
Nous parlons ensemble de cet essentiel que chacun peut offrir. 

Nous sentons (ou le pensons-nous ?) que nous sommes jugés sur nos cadeaux.
Mais par qui ? Par l’enfant d’un an ? Jamais ! Par les parents ? Au-delà de la surprise, si nous manifestons par un signe que nous avons réellement choisi ce que nous offrons, ils l’apprécieront d’autant plus.

C’est pour cela qu’il faut renforcer les cadeaux et non les étouffer. Etouffer un cadeau, c’est en mettre un autre par-dessus.
Renforcer un cadeau, c’est soit le symboliser pour en donner une trace matérielle, soit lui donner de l’envol en y joignant quelques mots.

Je me rappelle d’un homme qui s’était fixé un budget de 40 euros. Il s’était décidé pour un excellent jouet de la moitié de cette valeur.
Tandis que j’emballais son cadeau, il me dit :
-Je voudrais un autre jouet pour compléter.
Etonné, amusé… puis avec tendresse car nous nous étions installés dans une relation sincère, je lui dis :
-Est-ce vraiment nécessaire ? Votre second cadeau ne va-t-il pas étouffer le premier ?

En disant cela, j’essayais de lui dire : cet enfant de deux ans va-t-il vous juger sur la quantité ? N’avez-vous pas choisi votre premier cadeau avec soin et n’est-il pas prometteur de jeux qui suffisent ? Ne pouvez-vous pas différer le second achat pour qu’il soit, lui aussi, unique ?
On ne renforce pas un cadeau par un autre cadeau.
Renforcer un cadeau, c’est tout autre chose.
Si vous offrez de votre temps, exprimez ce don par un objet symbolique.

Cette grand-mère chante avec son petit-fils ? Elle pourrait imaginer un cahier sur les pages duquel elle aurait collé des images illustrant les chants.
Ce serait alors un objet qui réunit, un objet en commun.
Son petit-fils, qui ne sait pas encore lire, va s’en servir, tourner les pages, indiquer son choix…

Si vous offrez un cadeau acheté, accrochez des mots à son ruban : vous donnerez ainsi de l’envol à votre cadeau. Des mots simples qui s’adressent à l’enfant ou à ses parents si celui-ci est trop petit pour les comprendre.(…) Un cadeau qu’on accompagne de quelques mots est un cadeau centuplé.(...)

La grand-mère est partie sans acheter, avec ses chansons dans son panier.
L’homme est parti, en n’emportant qu’un seul cadeau.
J’ai gagné ma journée."

Pascal DERU est responsable du magasin Casse-Noisettes à Bruxelles et formateur dans le domaine du jeu. Nos chemins se sont croisés plus d’une fois, avec le plaisir, toujours, de  partager les mêmes convictions, les mêmes valeurs, le même goût du jouer.
J’aime sa façon de rencontrer ses clients sans les pousser à l’achat, D’être avant tout celui qui conseille et qui fait preuve d’empathie.
J'ai envie d'aller à Bruxelles juste pour le voir œuvrer dans son magasin, un marchand comme on n'en voit pas en vrai, mais en rêve ou dans un roman...


Pascal DERU Le Jeu vous va si bien Collection créativité Editions le Souffle d’Or (p.143-146)