mercredi 23 janvier 2013

Les racines d’hévéa pour remplacer le plastique.


L’hévéa, l’arbre à caoutchouc, ne produit du latex que pendant 25 ans environ. Ensuite, on le coupe, et on le brûle. À moins de faire des jouets avec le bois. Et d’autres avec les racines, un procédé mis au point par PlanToys, en Thaïlande. Les racines d’hévéa broyées, mélangées à la sciure et à une colle non toxique (dite « E-zéro ») forment une pâte qui peut être colorée (avec des pigments naturels, bien sûr) et moulée, et voilà les premiers jouets  en Planwood® qui arrivent chez nous.


On s’est trouvé, on s’est retrouvé… dans l’tourbillon d’ la vie
Cela fait longtemps que je connais les jeux PlanToys. Quand pour la première fois cette entreprise Thaïlandaise a présenté sa collection au Salon du Jouet de Nuremberg, je travaillais chez Bass et Bass et nous avons été les premiers à importer ces jouets en bois en France. C’était durant les années 80, et nous avions – nous, les français - pas mal de préjugés contre les jouets fabriqués en Asie, bon marché mais mal dessinés et de mauvaise qualité. PlanToys apportait une image opposée avec ses jouets superbement designés - le créateur est architecte -, alliant bois naturel et couleurs agréables, solides, et sans danger. Innovants aussi, comme les maisons de poupées très accessibles, les personnages en bois de type européen, asiatique ou africain, les fruits à couper - deux parties d’un citron, par exemple réunies par un « velcro » : avec un couteau en bois,  on reproduit exactement les mouvements que l’on ferait avec un vrai couteau pour couper le fruit en deux. Donc c’était beau, bien conçu, solide… et même aussi cher que des jouets d’Europe ! Trop cher pour le public pour des jouets venus d’Asie. PlanToys, déçu par les ventes, a changé d’importateur, et moi d’employeur, si bien que j’ai retrouvé la collection chez Jeu d’Aujourd’hui.

Des racines qui vous ravigotent
Pas de Salon du jouet à Paris en 2013, depuis le temps qu’on le savait mourant, ce n’est pas une surprise. Il y aura PlayTime à la place, ou Kid expo, mais ce n’est pas pareil. Et c’est quand même un peu triste. Au Salon Maison et Objet, qui est un salon pour les professionnels du cadeau, l’espace consacré aux jouets et aux jeux est de plus en plus restreint.  Et quand on se promène dans les allées, d’un stand de jouets en bois à l’autre on a un peu l’impression de revoir à peu de choses près les mêmes. Les innovations des années 80 sont devenues des classiques. Alors quand on trouve ces jouets en Planwood® ça fait plaisir ! Ça ne remplace pas le bois, ça n’en a pas la chaleur ni la pureté peut-être, mais ça remplacera très bien le plastique. D’aucuns reprochent à ce nouveau matériau ses couleurs un peu ternes, dans les jouets textiles on a le même problème avec les pigments naturels : ils ne « flashent » pas. Et alors ? Le cliché jouets pour enfants =couleurs vives a fait long feu. Pourquoi pas des couleurs plus subtiles, plus nuancées ?

PlanToys n’a pas abandonné sa gamme en bois, il y ajoute ces jouets en pâte de racines moulée, qui ont aussi l’avantage d’être de 20 à 25 % moins chers. À suivre, donc, avec enthousiasme, à l’heure ou les phtalates et autres composants plastiques nous inquiètent et, dit-on, nous empoisonnent.

En attendant de trouver ces jouets à la boutique aetre en ligne, vous pouvez les voir chez Jeujouethique.

mardi 8 janvier 2013

Le Rêve de Lo, en souvenir de Jean Roger, que nous venons de perdre



Il y a 40 ans, j’ai fait un rêve. Au réveil je l’ai posé sur du papier. Et puis j’ai eu envie d’en faire un spectacle de marionnettes, alors j’ai passé une petite annonce dans Libé, à la recherche de marionnettistes. Et d’un musicien, parce que j’avais déjà une  belle expérience de marionnettes en papier mâché, géantes, manipulées à vue et accompagnées en direct par un musicien de jazz, Bernard Vitet. Il jouait de la trompette, et il avait composé de superbes chansons médiévales pour l’histoire que nous interprétions, Aucassin et Nicolette.
Il y a 40 ans, en octobre, Jean a débarqué dans mon salon, le grand Jeannot avec sa tignasse rousse frisée et sa moustache, sa grosse voix et son extrême gentillesse. Et aussi Jacqueline, un deuxième Gérard, puis Luc avec son saxo, et enfin Geneviève. On a poussé les meubles, on a installé une grande table sur des tréteaux, j’ai raconté mon histoire et on a commencé à modeler en terre nos personnages. Impossible de vous dire qui a fait qui. Nous avions une ligne, nous voulions des marottes -manipulées sur un bâton, donc- , même les corps seraient en papier mâché. C’était une vraie création collective, qui s’est mise en place au milieu de mes deux enfants, le groupe participant presque autant que leur papa ou moi à la préparation du biberon ou au change des couches. Bientôt nous avons dû trouver une salle plus grande pour contenir non seulement notre joyeuse bande mais de nombreux personnages, assez rigides, peints en vert, anonymes. Excepté Lo et le Bateleur.
Voici l’histoire, telle que je la récitais en début de spectacle, tandis que Luc improvisait sur son saxo (pendant ces quelques minutes ma fille s’endormait dans les bras de Jean, qui était le dernier à entrer en scène, il avait juste le temps de la poser dans un lit avant de s’emparer de sa marionnette).

Je suis LO. Je marche dans la rue, des badauds se groupent autour d’un homme. 
C’est un bateleur. 
De son sac, il sort des boites allongées, roses, à base triangulaire, et qui parlent.
Ce sont des voix de petites filles, des petites filles prisonnières des boites.
Je leur explique qu’il faut arrêter le bateleur. 
Les gens ne comprennent pas, ça les fait rire. 
Ils font semblant de me croire, ils jouent à l’arrêter…
Ils montent avec lui dans un train. Je suis dans le train moi aussi. 
Le train démarre et je vois le sac, abandonné sur le quai. 
Il a laissé le sac, les boites, les preuves.
Je me précipite dan leur wagon, je leur crie d’arrêter, le bateleur rit. 
Je suis prisonnière moi aussi. 

Dur, parfois drôle, pas vraiment « pour enfants » mais parlant de l’angoisse des enfants confrontés à des adultes qui ne les prennent pas au sérieux.

Il y a 40 ans, avec ce spectacle, notre troupe modestement appelée Le Bouche-Trou a participé à un concours de l’Union Internationale de la Marionnette, UNIMA France, et le 22 mai 1974, à Amiens, confrontés à 8 autres troupes –des vraies celles-là- nous avons été parmi les 3 sélectionnés pour la finale nationale à Paris en juin 74. C’est là que nous avons découvert le magnifique spectacle de Björn Fülher, Le voyage en mer. Bjorn a gagné le premier prix, bien sûr, mais face à lui nous étions drôlement fiers de notre prix spécial d’originalité.

Un peu plus tard notre groupe a éclaté, à l’issue d’une tournée d’été, mais ce que nous avions vécu, nos émotions, nos complicités, nos convictions aussi nous avaient soudés. En 40 ans, on a le temps d’en prendre, des chemins différents. Mais je ne suis pas seule à pleurer Jeannot. Tout Le Bouche-Trou le pleure.