La réforme Peillon devrait être l’occasion d’introduire des
ludothèques dans toutes les écoles de France.
J’ai fait un moment ce rêve. Le jeu, reconnu comme une activité à part entière, culturelle,
éducative.
Le jeu, nécessaire au bon équilibre
des enfants, qui permet de prendre confiance en soi, de se sociabiliser,
d’apprendre à respecter les règles et les personnes.
Le jeu libre, avec des jouets ou des
jeux adaptés aux compétences des enfants, avec un ludothécaire, qui donne à
jouer, choisit et traite les jeux, et
veille au bien être de chacun.
Trois classes pour
trois villages
Dans
« ma » campagne, un Syndicat Scolaire gère l’école pour les enfants
de trois villages. Les classes sont installées dans trois bâtiments rénovés,
l’ancienne école de P, celle de V,
et, pour la Maternelle, l’ancien presbytère. Les petits jouent dans ce qui fut
autrefois la cour du curé, mais ils sont bien à l’école laïque, publique et
républicaine. Il y a trois classes pour une soixantaine d’enfants, une classe
sur P, deux classes sur V, le troisième village n’ayant plus d’école. Un
ramassage scolaire est organisé par la Région, et le car transporte aussi les
enfants de V vers P à l’heure du déjeuner, la cantine étant organisée à P. On ne va plus à l’école à
pieds, avec son déjeuner dans sa gamelle, mais ça ressemble encore un peu à
l’école d’autrefois, avec des regroupements d’enfants de niveau scolaire
différent, des murs en vieilles pierres, de l’herbe et de l’espace dans la
cour, et des effectifs raisonnables de 20 enfants par classe.
Les élus locaux gèrent
l’école
On n’a pas conscience,
quand on est citadin, du rôle de la commune dans le domaine scolaire. On sait
bien que certaines dépenses incombent à la commune, on voit bien que le
représentant du Maire assiste au Conseil d’école, mais on a le sentiment que
tout est dans les mains de professionnels de l’éducation. Or à la campagne, tout
repose sur les élus, qui n’ont aucune compétence particulière à gérer l’école,
sinon leur dévouement et leur attachement aux enfants et, précisément, à
l’école rurale.
La réforme,
improvisation générale
Une aide de 90
euros par an et par enfant est attribuée aux communes s’engageant à mettre en
place les nouveaux rythmes scolaires dès la rentrée prochaine, et les trois
communes ont suivi les Conseil Scolaire qui optait en faveur du démarrage dès
le 3 septembre. Sans beaucoup de temps pour réfléchir, sans voter aucune rallonge
des budgets municipaux.
Les voilà donc au
pied du mur, et à quelques jours
des vacances, rien encore n’est en place, sinon un horaire lié au ramassage
scolaire, qui impose d’organiser 45 minutes de périscolaire avec des intervenants extérieurs, 4 jours par semaine. Il est aussi spécifié aux communes que les
animations doivent s’adresser à des groupes ne dépassant pas 18 enfants. Dans
ma campagne, 60 enfants, donc 4 animateurs, si tout le monde s’inscrit. Même
payés au SMIC, ça fait un certain budget pour le Syndicat Scolaire. Une simple
garderie pour ceux qui ne peuvent vraiment pas faire autrement serait la
meilleure solution en terme de coût.
Mais cela n’aurait aucun sens. L’idée de la réforme, c’est l’égalité des
chances et les loisirs de qualité pour tous, mais comment faire ?
Dans l’école
républicaine, le périscolaire au petit bonheur la chance
Donc non, pas une
garderie, des animateurs qualifiés et motivés, telle est la décision du
Syndicat Scolaire. Et on les trouve comment ces personnes merveilleuses qui vont
venir pour trois quarts d’heure de travail quotidien, après avoir fait un certain nombre de kilomètres en
campagne ? Et qui va gérer cette équipe, coordonner les
interventions ? Et qui va les recruter ? Sur quels critères ? Avec
quel budget ? C’est donner à la fois bien du pouvoir et bien peu de
pouvoir aux élus, et ça pose question quant à l’égalité des chances au niveau
national.
L’avantage de ce
flou, c’est l’autonomie qui est laissée à chaque commune.
On relève le défi
Trois petits
villages, tout seuls, dans une Communauté de Communes qui réunit une vingtaine de villages autour d’une ville plus
importante, à relever le défi dès cette année. Puisque le décret est passé, on
y va. Initiation à des activités artistiques ou sportives, animations autour de
l’environnement et de notre patrimoine, et mise en place d’une ludothèque
bibliothèque. Le temps d’animation périscolaire, temps de détente, ce qui ne veut pas
dire temps perdu.
On fait appel aux
associations locales : faites connaître votre action en animant des ateliers
hebdomadaires dans notre école. On recherche des volontaires parmi les
habitants : un comédien, une dame qui jouerait en anglais et en espagnol,
un animateur sportif. On cherche aussi des financeurs !
Dans chaque village, une petite salle qui servait de bibliothèque va
reprendre vie, on y installera des livres d’enfants et des jeux, il reste à
former quelqu’un à ce travail : apprendre les règles et la mise en jeu, ce qui est à mon sens
presque le plus difficile, remettre les jeux récupérés en état, les solidifier
en les plastifiant, inventorier le nombre de pièces, s’assurer qu’il y a bien
une règle du jeu dans la boite (c’est ça, « traiter » les jeux), adapter
l’espace au jeu des petits, des moyens, des grands. Et savoir donner envie de
jouer sans rien imposer.
Il n’y aura pas seulement des jeux de société, mais aussi des jeux dits
symboliques, pour se déguiser, imiter, mettre en scène. Et tout naturellement
les intervenants en langue, théâtre, danse, peinture, et même les spécialistes
du patrimoine se joindront au jeu. Chiche ! On a carte blanche ? On s'est jetés à l'eau. Qui veut jouer avec nous ?
Le décret relatif à l’organisation du temps scolaire dans les écoles maternelles et élémentaires a été publié le samedi 26 janvier 2013 au Journal Officiel et, avant le 31 mars, les communes devaient choisir entre une application différée ou une application immédiate des nouveaux rythmes scolaires.