mardi 4 décembre 2012

Abondance de jouets sonores. Jeu = bruit, bruit = jeu ?


C’est un paradoxe, les adultes trouvent les jeux des enfants trop bruyants, les prient d’aller jouer ailleurs, plus loin, pour ne pas les entendre, mais, lorsqu’il s’agit de leur offrir des jouet, se laissent séduire par la surenchère de gadgets sonores.
C’est comme s'ils posaient cette équation :
Jeu = Bruit, donc Bruit = Jeu

La plupart du temps, les illustrations sonores, bruitages, onomatopées ou phrases toutes faites, n’apportent rien au jeu. Petites merveilles technologiques, elles amusent et fascinent par leur « magie », mais, prenant la parole à la place du joueur, elles l’en privent aussi. Mieux vaut faire soi-même « broum broum » et « tut tut » en poussant sa petite voiture, et faire pour de faux aboyer ou miauler son animal en peluche.

Pour jouer à la poupée,  a-t-on besoin qu’elle parle ? Au banc d’essai de Parents une sélection de « poupées interactives pour les petites filles de 3 à 6 ans ».





Ce n’est plus aux enfants (en passant notons qu’il ne s’agit ici que de jeux conseillés aux seules petites filles) d’inventer leur histoire, le scénario est intégré à la poupée. Celle-ci  réclame son biberon ou des bisous, en français, anglais ou italien (Lia de Corolle), celle-là a de la fièvre et « la maman » va lui donner un médicament, ou lui faire une piqure  pour qu’enfin elle s’endorme (Ciccio Bello de Giochi Preziosi, le Coup de cœur de Parents), celle-là invite sa maman à la dînette, et lui explique « pour jouer, il faut mettre la table » (Little Sunshine de Zapf), une autre fait ses premiers pas en promenant son chien. Des capteurs sur le ventre des poupées permettent de les faire réagir aux chatouilles. Rires d’enfants, bruits de succion, petit rot après le biberon, pleurs du bébé malade, cris lors de la piqure, tout est prévu. Sauf que la poupée réclame le pot mais, ayant un corps en tissu, semble garder son body pour faire pipi, et que jamais un bébé ne fait caca ou n’a besoin d’être changé. Scénarios tout faits, donc, mais qui mériteraient d’être analysés, bien gentils et bien proprets. 
La journaliste Christine Avellan remarque néanmoins que plus il y a d’accessoires plus il y aura de possibilités de jeu, sans bruits préfabriqués, donc, et qu’il y a un bouton d’arrêt pour Ciccio Bello, le bébé malade, ce qui ne semble pas le cas pour les autres poupées. Appuyez sur Off, vous pourrez enfin jouer comme vous le voulez avec votre poupon.  

Et je coupe le son
Voilà une bonne question à se poser : est-ce qu’on peut diminuer ou couper le son ? Ce n’est pas toujours possible, d’autant moins que les piles et les mécanismes électriques, pour des raisons de sécurité, ne doivent pas être accessibles. Déjà en octobre 2004 une équipe canadienne, en relation avec un audiologiste, attirait l’attention des consommateurs sur les dangers d’un volume sonore trop élevé pour les jouets. Depuis le nombre de jouets sonores a très nettement augmenté, mais le nombre de décibels ne semble pas avoir baissé, bien que les nouvelles normes, annoncées en 2010, soient maintenant entrées en vigueur.

Combien de décibels ?

D’après 60 Millions de Consommateurs, dans un article intitulé Ces jouets qui nous cassent les oreilles, les limites fixées par les normes européennes en vigueur sont 115 décibels (dB) pour un jouet standard, 80 dB pour un jouet « à mettre près de l’oreille » (un faux téléphone, par exemple). Une proposition de loi au Sénat fixerait un maximum de 85 dB pour les jouets musicaux, mais c’est déjà énorme : la voix d’une personne qui hurle atteint entre 80 et 90 dB. Et 115 dB c’est entre le moteur d’un TGV et celui d’un avion. Autant ne pas normaliser si c’est pour atteindre la limite du supportable.

Écoutez voir
60 Millions de Consommateurs a étudié une vingtaine de jouets sonores qu’il est possible d’écouter sur le site.


Un trousseau de clés, par exemple, le jouet classique des petits, qui aiment sans doute autant le cliquetis des clés qui s’entrechoquent que la connotation symbolique. Vous êtes dans une salle d’attente avec un jeune enfant, vous n’avez pas prévu de quoi le faire patienter, vous sortez vos clés, c’est gagné, le voilà occupé pour un bon moment. Clés de la maison, clés de la voiture, clés de la prison, bref clés pour un jeu imaginaire improvisé. Broum, je démarre, Clic clac, je te libère. Pourquoi donc ajouter des sons ? Des bruits de moteur, de klaxons, de nuisances urbaines ?

Sur France Inter une émission au titre prometteur : Les meilleurs jouets du moment, le 28 novembre dernier, nous fait entendre les gémissements d'une peluche Fluffings. Certes c’est une sélection pour la radio, il faut bien que ça s’entende, mais heu… Quant à Diane Mottez de Femme actuelle, elle met en garde les parents contre les jouets trop bruyants, mais elle écrit « Les tout-petits en raffolent, les parents ont du mal à les supporter. » Je me demande si ce n’est pas le contraire…

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