Jouer est vital pour un enfant. Pas autant que manger, sans doute, mais quand même (1).
On n’a pas forcément besoin d’un objet appelé jouet, pour jouer : un morceau de bois, un élastique, une feuille de papier, font l’affaire. Même rien parfois, puisqu’on répond « Je joue à rien » quand on vous demande : « à quoi tu joues ? ».
On n’a pas forcément besoin d’un jouet, mais quand même !
À un ami, qui demandait ce qui ferait plaisir à sa toute petite fille, le papa répondit : « Vous savez, à cet âge, on joue avec tout, un bout de ficelle par exemple… ». Et Nicole, du haut de ses 3 ans, d’ajouter : « une ficelle, oui, mais avec un petit jouet au bout ». Elle a reçu quelques jours plus tard un petit âne en bois à traîner avec une cordelette, ravie.
Imaginons que ces grandes personnes aient parlé nourriture.
"L’ami : qu’est-ce qui lui ferait plaisir ?
"Le papa : À cet âge, ce n’est pas difficile, des nouilles par exemple….
"La petite fille : des nouilles, oui, mais avec des petits morceaux de jambon et du fromage râpé dedans."
J'aime bien faire l'analogie entre le jouer et le manger.
Imaginons que l'ami ait choisi, pour faire vraiment plaisir à cette petite fille, un plat qu'il aimait, lui, beaucoup, avec une sauce au vin, des grains de poivre, des cèpes... la petite fille n'aurait pas voulu manger, le papa se serait fâché parce qu'elle était impolie avec son ami, le drame...
L'ami aurait pu aussi, par gentillesse, lui apporter en plus de ses nouilles au jambon et au fromage, des frites, du riz, de la pizza, enfin, tout ce que les enfants aiment à cet âge. Non, car chacun sait qu'on ne peut pas manger tant de choses à la fois.
Mais revenons au jeu. Et à la quantité de jouets qui vont s'accumuler, souvent, au pied de l'arbre. De quoi avoir une indigestion ! Sacré Père Noël, il est anonyme, mais il ne voudrait pas paraître moins généreux chez Mamie que chez Mémé ! Ce n'est pas même une question de "paraître", c'est une question d'amour. Rien n'est trop beau pour cette petite fille, on voudrait encore et encore lui faire plaisir. C'est difficile de se limiter !
Et puis l'âge... Il y a bien une indication sur la boîte, mais elle n'est là qu'à titre indicatif. Il faut plutôt regarder l'objet de plus près : comment on joue avec ça, est-ce que l'enfant que je connais saura s'en servir ? C'est comme un bébé qui n 'a pas encore de dents : on va lui donner de la purée. Au lieu d'indiquer un âge, il faudrait indiquer sur les jouets : "quand il commence à marcher", ou "s'il sait lire", ou "s'il arrive à sauter à cloche-pied".
Sans oublier le goût. Accueillant à la maison un petit garçon que je ne connaissais pas bien, je demande à mes enfants de me faire un menu idéal que tous les enfants aiment. Réponse : carottes râpées, poulet frites, glace. On peut faire la même chose avec les jouets et les jeux, il y a les classiques, la girafe Sophie, la maison à formes avec ses 4 clefs, les Play-Mobil, le jeu Uno ou Monsieur Patate... Le problème c'est que, contrairement au poulet frites, on ne les mange pas, donc, puisque ce sont des classiques, il y a de grandes chances que l'enfant les ait déjà.
Ensuite, il y a la mode : Barbie, par exemple, si vous n'offrez pas la Barbie 2009 ou 2010, quelle déception !
Et puis il y a le goût de l'enfant et le vôtre, ou plutôt vos convictions. D'accord pour les frites, mais quand même pas un Macdo. Jusqu'où va-t-on aller pour lui faire plaisir ? Tiens, plutôt qu'une Barbie, j'ai trouvé une poupée qui ressemble à une petite fille... D'accord pour la panoplie, mais le revolver hyper réaliste...
Les carottes râpées tous les jours, ça ne va pas non plus. Il faut goûter autre chose. Faut-il amener les enfants, qui ont plaisir à la répétition dans le jeu, et qui aiment ressembler à leurs pairs, à découvrir d'autres jouets et jeux ? Et comment faire ?
La présentation, ça compte. Même chez Macdo, on soigne la présentation, on vous apporte le menu enfant dans une boîte en forme de maison. Au self vos prenez votre plat sur une étagère, au restaurant on vous l'apporte, la table est mise, le chef a fait de la déco dans l'assiette parfois. Si le garçon est capable de vous mettre en appétit en vous racontant où le poisson a été pêché et quelles sont les petites herbes qui donnent ce goût subtil à la garniture, quel plaisir !
Sauf s'il vous a trop fait rêver et que dans l'assiette les portions sont congrues. De même, si la boîte du jouet est grande et prometteuse mais qu'il n' y a pas grand chose dedans.
Fast-play ou jeu à savourer ? On peut se servir dans une grande surface de jouets, ou alors chez un professionnel qui prend le temps d'écouter pour connaître l'enfant, et de vous conseiller. De même sur les sites de vente de jouets, certains se contentent d'une référence, d'autres vous parlent des objets qu'ils proposent.
La ludothèque est le lieu idéal pour aller à la découverte de nouveaux jouets et jeux, et pour laisser l'enfant faire ses choix, en prenant son temps. Mais certaines d'entre elles, victimes de leur succès peut-être, deviennent trop grandes et anonymes, on consomme on consomme, on a tous les jouets, tous les jeux, mais le plaisir ? Vivent les "niches", petit magasin, boutique en ligne ou ludo de quartier, lieux d'échanges entre une ou deux personnes passionnées par le jeu, et ceux qui s'apprêtent à partager le plaisir du jeu avec elles.
Alors, à la maison, chacun arrange le jeu à sa sauce, enrichie de toutes les histoires qui font qu'on a envie de jouer à ce jeu-là, à ce moment-là. Et c'est bon.
l'enfant et le crocodile
(1) Même dans les situations les pires, dans les camps de réfugiés par exemple, les enfants ont besoin de jouer pour reprendre pied, comme en témoignent Claude Frigiotti ou Nicole Dagnino.
Très bon article, vraiment. L'analogie se justifie en effet. Et je vois que tu commences à maîtriser parfaitement les outils informatiques et le web.
RépondreSupprimerBravo !
Baz