Avec son humour habituel, Roald Dahl s’indigne du comportement de cette enfant mal élevée dans Revolting Rhymes, traduit en vers, chez Gallimard, par Jenny LADOIX, Un conte peut en cacher un autre, illustré par Quentin Blake (1982).
This famous wicked little tale
Should never have been put on sale.
It is a mystery to me
Why loving parents cannot see
That this is actually a book
About a brazen little crook.
Had I the chance I wouldn't fail
To clap young Goldilocks in jail.
Un peu d'indulgence à l'égard de Boucle d'or
On sait que les contes traditionnels ont l’art de parler de sujets de société délicats, le danger des rencontres avec des inconnus (Le Petit Chaperon Rouge), l’inceste (Peau d’âne), la maltraitance (Cendrillon). Que dire de cette histoire mettant en scène "les habitants" et "quelqu'un" qui n'a même pas de nom : Boucle d’or s’introduit dans une maison, mange la soupe qui est sur la table, se couche dans le petit lit comme si c’était le sien, quel culot ! Et finalement, les ours, quoi que contrariés, ne lui font aucun mal.
Est-ce un conte qui parle de l’accueil des inconnus, de la générosité ? (Ils ne la retiennent pas cependant !)
Parle-t-il de tolérance, d’indulgence à l’égard des plus démunis ? Il est vrai que Boucle d'or est petite, perdue, fatiguée, qu’elle a faim.
La curiosité est-elle un vilain défaut ?
Boucle d’or n’est pas malintentionnée, elle est surtout curieuse, elle essaye tout, non pour détruire mais pour découvrir.
Elle a eu de la chance, elle aurait pu tomber sur des propriétaires bien moins compréhensifs. Peut-être bien que le conte traite, donc, de la curiosité, qui vous fait faire de belles découvertes (cette maison n’est-elle pas une merveille ?) mais pourrait aussi vous faire des ennemis, et des ennuis.
Symboliquement, bien des contes évoquent la croissance et le fait de devenir grand, en rencontrant des épreuves et des aides, ici Boucle d'or avance seule, fait des expériences, s'essaye à être grande, ou moyenne.
C’est un conte qui parle du chacun pour soi.
Chacun a son lit, d’accord, mais aussi sa chaise, sa table, son bol, juste pour lui. On n’est pas tous ensemble autour de la table familiale, où il aurait été facile de rajouter un bol pour partager la soupe avec Boucle d’Or. Chacun a SA table, comment partager ? Si, comme certains l’ont interprété, Boucle d’Or est la petite sœur qui risque de perturber l’harmonie de la famille avec Papa, Maman, et l’enfant aîné, personne ne se soucie de lui faire une place. Et si ce conte nous parlait des « étrangers » et de leur intégration ? Dans cette famille parfaitement harmonieuse, et sans hostilité, « Quelqu’un » ne peut trouver sa place, Boucle d’or fuit à la fin et retourne chez elle. (Chez elle, ce n’est pas l’horreur, heureusement !)
Boucle d'or, auteur Rascal, édition Pastel |
Grand, moyen, petit, le bonheur de ce conte est dans cette trilogie.
On retrouve là une caractéristique des contes de fée, où les événements se répètent bien souvent par 3, chiffre magique. Mais ici 1, 2, 3 sont toujours grand, moyen et petit. La place du moyen n’est pas la meilleure. L’adulte, représenté par le Grand Ours, est « trop haut » « trop grand », l’adolescent (le Moyen Ours) a certainement la place la moins agréable «chaise trop fragile », «soupe trop salée », «lit trop dur ». Ah ! grandir, ce n’est pas facile ! Boucle d’or, qui ne peut plus rester dans le petit lit, s’enfuit.
Petit, c’est juste bien. J’aime lire cela à de jeunes enfants. Être petit c’est bien, c’est bon, profite de ce temps, tu grandiras, bien sûr, nous ne sommes pas dans un monde où il n’y a que des enfants, mais il n’y a pas d’urgence. C’est peut-être parce que j’étais la petite dernière d’une grande famille que j’aimais tant cette histoire à la gloire de ce qui est petit.
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