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samedi 9 octobre 2010

Halloween, pour se jouer de la peur.

Halloween, c’est fin octobre, c’est une très ancienne tradition celte, de retour en Europe après avoir dégénéré en fête commerciale en Amérique du Nord. Et c’est le moment de se déguiser en sorcière, monstre  ou squelette, et de décorer la maison  avec des toiles d’araignées et des citrouilles. Tout le monde sait ça.

D’aucuns se réjouissent à l’idée du déguisement qu’ils vont se confectionner,  mais nombreux sont les détracteurs, ceux qui rejettent cette fête trop commerciale, de très mauvais goût, bref trop américaine !

Si je désapprouve comme eux l’exploitation commerciale intense de cette tradition, comme des autres fêtes, je suis pro Halloween pour  trois raisons (ou quatre…)

D’abord c’est  une fête laïque et universelle.
Universelle car à  quelques jours près, on fête les morts dans tous les pays de l’hémisphère Nord, à l’approche de l’hiver. Certains avec gravité, comme la plupart des catholiques, certains en musique, comme au Mexique.
Laïque car elle a sa tradition bien à elle, et sa date propre : le 31 octobre, alors que chez les catholiques la Toussaint est célébrée le 1er novembre, suivie, dans le calendrier, de la fête des morts le 2.

Comme c’est le 1er qui est jour férié en France, c’est ce jour-là que l’on fait le tour des cimetières pour se recueillir sur les tombes des siens.
Les cimetières sont recouverts de chrysanthèmes et parfois de bougies, en Pologne par exemple, « symbolisant la vie heureuse après la mort » peut-on lire dans Wikipedia.  Symbole de la lumière plutôt, ces cierges et ces « fleurs d’or » (d’après l’origine grecque de ce mot, chrysanthème). Comme les lanternes que chacun fabrique en creusant sa citrouille. Car il s’agit bien du passage de la lumière à l’ombre, l’équinoxe est passée et voilà les nuits qui rallongent.
Les esprits des morts reviennent quand la lumière s’estompe. La nuit l’emporte peu à peu sur le jour. La nuit descend, l'ombre s'étend. C'est pas du tout rassurant , comme le chantaient les frères Jacques *. 
Qui dit nuit dit ombre, qui dit ombre dit PEUR.

Une fête pour se jouer de sa peur en revêtant des oripeaux qui évoquent les mauvais esprits, les défunts revanchards, les vampires assoiffés de sang… Brrr ! c'est une façon comme une autre de se battre contre le malheur. 

On pourrait tout aussi bien se déguiser en anges et en magiciens pour faire fuir les choses qui nous font peur.
Cela évoque pour moi une double page bien kitch de l’album Le roi Babar : le malheur s’acharne sur les proches de Babar, sous forme de monstres qui ont nom Paresse, Ignorance, Bêtise, Peur, Découragement, mais se font chasser par un groupe d’éléphants anges - Bonté, Patience, Espoir, Courage,… Bien  kitch, mais  efficace ! Et où l’enfant que j’étais, comme la plupart des lecteurs je suppose, prenait surtout plaisir à regarder en détail les vilains personnages, beaucoup plus drôles que les anges. Même pas peur !

Bref ! Il s’agit de faire front contre la peur et la mort, et la peur de la mort. Quoi de plus fort que de la narguer ensemble, en la singeant, en la ridiculisant, en défiant le tabou qui interdit de la regarder en face. Et de l’évoquer de peur de la provoquer.
Une fête pleine d’invention.
On se déguise, ou on se masque, on sort de nulle part des chapeaux informes, des habits déchirés, des bandelettes de tissu, un vieux balai par ci, un drap avec deux trous percés pour les yeux par là… On n’a pas besoin de dépenser beaucoup d’argent ! Mais il faut faire preuve d’imagination et de créativité. 


Pour la déco, il suffit de se laisser entraîner par les cucurbitacées (rien que le nom, déjà, m'amuse), à découper, à éclairer, ou à aligner comme au château de Villandry.

Je me suis trouvée il ya quelques années à New York le jour d’Halloween, et chaque vitrine de magasin était  décorée, mais pas avec une bête citrouille ou une vulgaire tête de mort, chacune rivalisait d’invention et d’originalité, sur ce thème finalement très riche. Même les mannequins dans les vitrines des grands magasins avaient, ce jour-là, quelque chose d’étrange et d’inquiétant, grimés, hagards, et parfois une main seule, ou un corps sans tête, s’animaient.
Je me souviens d’une carte que nous avions trouvée, et envoyée à nos enfants : Happy Halloween from Mummy and Dead. Des messages grinçants mais inventifs comme celui-là, il y en avait plusieurs. Un peu d’humour face à l’angoisse, ça ne peut pas faire de mal !

Avec B. nous étions invités chez des amis américains, mais nous n’avions pas réalisé en faisant nos bagages, que nous arriverions pour Halloween. Pris au dépourvu, et fauchés, nous nous sommes costumés en momies, avec le papier toilette de l’hôtel, et avons eu notre petit succès !
Devant chaque maison, en dehors de Manhattan, chaque jardin était décoré, éclairé par des citrouilles bien sûr, mais aussi « habité » par de curieux personnages « faits maison » genre épouvantails ou bonhommes de neige, un chat noir quelque fois, des araignées sûrement, le tout dans un joli amas de fleurs et de feuilles d’automne.  Une création familiale plus ludique que commerciale. J’aimerais bien que cette tradition d’Amérique envahisse nos contrées européennes ! 




jeudi 29 octobre 2020

Halloween 2020

Halloween :  il s’agit de faire front contre la peur et la mort, et la peur de la mort. Quoi de plus fort que de la narguer ensemble, en la singeant, en la ridiculisant, en défiant le tabou qui interdit de la regarder en face.

J'écrivais ça il y a 10 ans, sur ce blog  (Halloween pour se jouer de la peur). La peur alors n' était pas si concrète, et chacun gérait la sienne. Nous voilà aujourd'hui tous, unis ou désunis, démunis en tout cas, face aux mêmes angoisses, aux mêmes incertitudes, aux mêmes courbes effrayantes, avec le Covid 19, aux mêmes horreurs et atrocités dans l'actualité. 

Elle est bien dérisoire aujourd'hui ma citrouille, cultivée patiemment en attendant les petits-enfants qui viendront à la fin des vacances. Je n'ai même pas envie d'aller la ramasser dans le potager. Ils ne seront pas là pour la creuser, l'éclairer, la manger… Et les enfants du village ne passeront pas, déguisés, quémander les bonbons que je garde pour eux.

Ensemble nous ferons front contre la peur et la mort, mais chacun chez soi, et ça risque de ne pas être drôle. 

C'est une situation absurde, quand le jeu auquel on jouait depuis longtemps devient triste réalité. Un 29 octobre, en 1981, Georges Brassens, est mort. Il avait  60 ans. Au grand bal des 4 zarts, nous n'irons plus danser, les vrais enterrements viennent de commencer.

Les 4 zarts



jeudi 25 avril 2013

Au premier mai, fais la fête qui te plaît



 Fête du travail ou fête des travailleurs ?

Encore une fête qui nous vient des Etats-Unis ? En un sens oui, puisque que c’est en souvenir de la lutte des travailleurs de Chicago pour la journée de huit heures, le 1er mai 1886, que le Congrès socialiste international décide que dans tous les pays représentés, on interrompra le travail le 1er Mai 1890 et qu’aura lieu la première manifestation commune d’unité d’action internationale des travailleurs. En 1919, le Sénat français ratifie la journée de huit heures et fait du 1er mai suivant une journée exceptionnellement chômée. Chômée ou pas, cette journée du 1er mai voit défiler les Travailleurs chaque année, avec parfois des affrontements violents avec la police.

Encore une fête pétainiste ? C'est pendant l'occupation allemande, en 1941, que le 1er mai, désigné comme la Fête du Travail et de la Concorde sociale, devient officiellememnt chômé. Cette mesure est destinée à rallier les ouvriers au régime de Vichy. 
Jour férié et payé en France depuis 1947 . Le gouvernement issu de la Libération  fait du 1er mai un jour férié et payé...mais la journée des Travailleurs restera la Fête du Travail.
L’églantine ou le muguet
L'églantine, symbole révolutionnaire. En France, en 1890, les manifestants du 1er mai défilent en portant à la boutonnière un triangle rouge, qui symbolise la division de la journée en trois parties égales : 8 heures de travail, 8 heures de sommeil, 8 heures de loisirs (leur revendication principale). Quelques années plus tard, la fleur d'églantine, rouge, remplace le triangle. L’églantine, origine sauvage de la rose socialiste, symbole de la révolution, que l’on reconnaît dans la chanson « Fleur d’épines », fleurit aux alentours du 1er mai.

Le muguet royal, tradition courtoise. Une autre fleur s’épanouit au tout début mai, c’est le muguet, dont les clochettes ne durent qu’un temps. On dit que c’est une tradition de la Renaissance. Le chevalier Louis de Girard ayant offert à Charles IX, alors âgé de 10 ans, un bouquet de muguet, cueilli dans son jardin à Saint-Paul-Trois-Châteaux, ou rapporté d’Italie, le tout jeune roi décide d'en offrir un brin à toutes les dames de la cour la veille de son sacre, comme porte bonheur, le 1er mai 1561.
Les larmes d’une belle ou le gazon des muses. Le muguet, souvent associé au culte de la Vierge, le mois de mai étant le mois de Marie, porte aussi le nom de Larmes de Marie, mais on raconte parfois que ces clochettes si pures sont les larmes d’Eve chassée du jardin d’Eden. Curieux porte-bonheur tout en larmes.
Une autre légende raconte que le muguet fut créé par Apollon, afin de donner à fouler aux neuf muses qui l’entouraient, un gazon digne de leurs pieds. (Au fait, le muguet aurait la vertu de soigner les cors des pieds…) Plus doux en effet que l’églantine, le muguet l’a peut-être supplantée à cause des épines.
Fête celte, fête romaine, fête de la belle saison.
Bien sûr ces histoires de fleurs ont à voir avec la Nature et le retour des beaux jours. Chez les Romains on célébrait la terre nourricière, Maïa. Chez les Celtes, la fête de Beltaine, la fête du début de l’été, le 1er mai,  comme Samain (Halloween) fête le début de l’hiver le 1er novembre.
Tiens ! Les deux principales fêtes celtiques, Halloween le 1er novembre, et Beltaine le 1er mai, qui ne sont pourtant pas reconnues, sont aujourd'hui des jours fériés !


Dans de nombreuses traditions européennes, on dresse un arbre, ou on le plante, pour le 1er mai. Symbole de fécondité, de renaissance, symbole  de pureté virginale et de force virile surtout. De Bavière en Angleterre ou en Belgique, comme autrefois en France, dans la nuit du 30 avril au 1er mai, on érige encore un arbre décoré, bien haut, bien élagué, ou un mat de mai enrubanné. Dans certains villages perdure une tradition qui permet aux amoureux de se faire connaître. À la belle convoitée, on destine un arbuste fleuri porteur de message. En tête de liste, celui qui signifie «tu es mon grand amour», l'églantier. Tiens tiens.

On a failli oublier Jeanne d’Arc
C’est en quelque sorte de la triche, si le défilé de l’extrême droite est «traditionnellement» le 1er mai.  À Orléans, en effet, les fêtes Johanniques débutent par la chevauchée de Jeanne d’Arc à travers la ville le 1er mai, cependant le point culminant de la fête est le 8 mai. C’est le 8 mai aussi que défilaient jusqu’a 1988 les partisans du Front National.
Jean-Marie Le Pen était lui-même candidat aux élections présidentielles de 1988, et le 2ème tour des présidentielles avait lieu le 8 mai. Le Pen décida donc d’avancer « sa » fête de Jeanne d’Arc au dimanche précédent. Et c'est resté.
Récup électorale 
Le défilé, suivi en 1988, donc, par quelques 30 000 militants et sympathisants du Front National, se prolonge par un rassemblement important dans les jardins des Tuileries et le leader d’extrême droite se félicite : « Une chance providentielle » a permis ce rassemblement sous « le double égide du travail et de la patrie".
Quelques années plus tard, en campagne électorale à son tour, Nicolas Sarkozy annonce :« Le 1er mai, nous allons organiser la fête du travail mais la fête du vrai travail, de ceux qui travaillent dur, qui sont exposés, qui souffrent. »
Ah ! Ce 1er mai des Travailleurs, il agace à droite, même s’il ne réunit pas toujours à gauche ! Mais en l’occurrence il n’a porté bonheur ni à l’un ni à l’autre.
Porte bonheur
Le bonheur, c’est le 1er mai. Le beau temps est de retour, oubliée la morosité hivernale, et puis, en mai, fais ce qu'il te plaît. Sautez, dansez, défilez si vous voulez, échangez les vœux avec les brins de muguet : santé, bonheur, et surtout du travail !
Et un rameau d’églantier pour les Brieuc dont c’est,ce jour-là, la fête.


mardi 22 décembre 2009

L’Entre-Noëls ou Cycle des douze nuits

Noël, fête des enfants, des fous et de l'âne



Je ne résiste pas au plaisir de vous parler de la fête de l’âne,  non seulement symbole de fertilité  et de plaisir charnel, mais surtout héros qui a sauvé l’enfant Jésus en le portant jusqu’en Egypte avec Marie et Joseph.  C’est au cours de la messe des vêpres, le jour de Noël, qu’il avait son heure de gloire, au Moyen-âge. Revêtu d’une belle étoffe, chevauché par la plus belle fille  du village portant un enfant dans ses bras, il était accompagné en cortège dans la cathédrale de Beauvais, ou Autun, ou Rouen, et reçu par les chanoines le verre à la main. La messe commençait par ces mots : « Des pays de l’Orient est arrivé un âne beau et puissant, de tous le plus apte à porter les fardeaux ». Pendant l’office, toutes les prières, au lieu d’être ponctuées d’ « Amen » se terminaient par des « Hi-Han !».


De Noël au 6 janvier,  l’Entre-Noëls est une période où les rites folkloriques, toujours étroitement liés aux saisons, mettent en scène les enfants et les fous, en rapport étroit avec la mort.


En pays germanique,  autrefois, c’est le temps de la Chasse Sauvage. Le dieu Wotan, dieu du vent et des morts, conduit la chevauchée des Walkyries, monté sur son cheval blanc. Il est suivi par un cortège de morts, et par Hérode et ses guerriers, en faisant un grand vacarme.

Dans Le Père Noël supplicié,  Lévi Strauss montre que dans nombre de civilisations les enfants, symboles de vie, sont du même coup étroitement liés à la mort. Ils sont comme la plante qui semble morte et qui reprend vie au printemps, comme le bulbe enfoui en terre en hiver et qui deviendra une superbe tulipe. De même qu’on navigue entre fêtes des ombres, comme Halloween, et fêtes de la lumière, qui vont de paire, de même l’enfant est à la fois mort et naissance ou renaissance.

Ainsi les 3 petits enfants que Saint Nicolas sort du saloir du boucher, où ils ont « dormi » pendant 7 ans, le temps d’arriver à l’âge de raison.

Ainsi les Saints Innocents, dont la fête, le 28 décembre, s’appelle en Allemagne et en Autriche Pfeffertag, jour du poivre ou jour du diable.


Le Massacre des Saints Innocents attribué à Brueghel (XVIe)

Si le roi Hérode s’est affolé à l’idée d’être détrôné par un enfant, c’est « de la faute » des rois mages. Cette histoire est racontée par Matthieu dans l’évangile (II).  Ils arrivent à  Jérusalem et demandent : « Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? car nous avons vu son étoile en Orient et nous sommes venus pour l’adorer ».  Hérode, craignant d’être détrôné, les charge de jouer les espions à Bethléem et de lui rapporter tout ce qu’ils savent de cet enfant, sous prétexte de l’adorer à son tour. Mais avertis dans un songe des mauvaises intentions d’Hérode, les rois mages s’en retournent chez eux sans aller le voir. Un ange apparaît alors à Joseph et lui dit : « Prends le petit enfant et sa mère, fuis en Egypte, car Hérode cherchera le petit enfant pour le faire périr ». Ce n’est qu’après la mort d’Hérode que Joseph emmènera sa famille de l’Egypte vers Nazareth. Entre temps, Hérode, dans sa folie, aura fait massacrer 14 000 bébés de 2 ans ou moins.

Ces enfants sont morts pour qu’un roi garde sa couronne. Folie des adultes. Les fous ne sont pas ceux qu’on croit. Le 28 décembre, les enfants de chœur, à Nice, sont assis, couverts d’or, sur les stalles des chanoines. Aux Pays Bas, dans certaines régions, les enfants font la quête, reçoivent des cadeaux et peuvent se permettre d’interpeler les adultes, voire de  les fouetter avec de petites branches de gui. Investis de pouvoirs magiques, les enfants et les fous prennent quelques jours le pouvoir, jusqu’à la fête des rois.
En France au Moyen-âge on célébrait la fête des fous dans les huit jours suivant Noël. Cette fête réunissait des religieux et des laïcs, portant des masques ou des habits sacerdotaux déchirés, mis à l’envers, qui mettaient en scène, par des chants, des danses, des gestes paillards, une grande satire de l’Eglise et du Royaume. Comme nous sommes devenus sages ! Quels ânes !






vendredi 1 novembre 2013

Citrouille évidée, éclairée et même mangée

Je vous ai déjà dit pourquoi on fête Halloween, première fête de la lumière, quand la nuit commence à l'emporter sur le jour, antidote de toutes nos peurs, peur du noir, peur des monstres, peur de la mort. Je vous ai raconté l'histoire de Jack, qui ne pouvait entrer ni en enfer ni en paradis, condamné à errer entre les deux, à qui le diable avait donné une braise de son feu pour s'éclairer dans les ténèbres. Jack avait creusé un navet pour s'en faire une lanterne.




Et nous, nous avons creusé une grande citrouille poussée dans le jardin. Pour tout dire, il y en avait trois, une grande citrouille, une moyenne citrouille et une petite citrouille. Gourmands, c'est la grande que nous avons évidée, éclairée et même mangée !

Les recettes traditionnelles sont à base d'oignon et d'ail, avec de la carotte, un peu de muscade et une bonne cuillerée de crème fraiche, nous nous avions sous la main des pommes de terre et des fanes de radis à mélanger à nos morceaux de citrouille (on lui a mangé toutes ses "dents"), et c'était très bon aussi.

et voilà toute la famille Citrouille !


mercredi 14 novembre 2012

Pourquoi j’aime « Le dentier de Mamie » de Lego


A priori, étant moi-même grand-mère, cette pub aurait dû me faire grincer des dents… On y voit deux garnements, très charmants, bricoler avec des Lego le dentier de leur Mamie, celle-ci apparaît en haut de l’escalier avec un sourire multicolore et des yeux malicieux, trébuche et tombe sur les constructions Lego que les petits diables ont laissé traîner sur le tapis. À nous de choisir la suite de l’histoire, selon que la grand-mère tombe sur la maison, le vaisseau ou l’ambulance.

On pardonne tout à la créativité.

Moi ça m’a fait rire. Par deux fois les publicitaires, sous couvert de demander le pardon des enfants, posent la question des limites qu’il faudrait imposer à la créativité et s’excusent de leur audace: « Êtes-vous prêts à tout leur pardonner ? » « On pardonne tout à leur créativité ».
Dans les années 70, je me souviens d’une  image– ou l’ai-je inventée ?- où l’on voyait un enfant sortir de son parc en se construisant un escalier en Lego, pour montrer que Lego développe la créativité des enfants. Moins provocateur, mais la transgression était déjà là, et j’aimais ça.

Lego revient à ses fondamentaux

Les lego, et la révolution ludique qu’ils ont entraînée, les petites briques remplaçant les Mécano de mon enfance, je les ai presque vu naître.
Au départ, l’accent était mis sur l’invention. Les enfants pouvaient même envoyer des photos de leurs créations à Lego et recevaient un diplôme de créativité. Mais pour le marketing, mieux vallait des maquettes à reproduire, et l’esprit d’invention s’est peu à peu perdu. Il fallait être plus habile de ses mains que créatif, et la maquette une fois réalisée était plutôt destinée à trôner sur une étagère qu’à servir de point de départ à des jeux imaginaires. Lego vend encore des boites à thème, plutôt que de simples briques : la villa, l’ambulance, le Ninja. Mais les maquettes entrent cette fois dans le jeu : quand la villa se retrouve accrochée aux dents de la Mamie, les enfants ajoutent de personnages sur la terrasse, pour ce qui est de la construction Ninja, c’est la grand-mère qui s’en empare pour « faire peur » à ses petits-enfants, quant à l’ambulance, elle est affublée d’une décoration surprenante. Ouf !

Un pied de nez aux « ludo-éducatifs » et aux « jeux de genre ».

Jouer, ce n’est pas cliquer sur une proposition parmi deux ou trois autres, ni entrer dans une histoire préétablie. J’aime la malice avec laquelle on nous invite à cliquer sur une des trois possibilités : selon que la grand-mère tombe sur un jouet ou l’autre. On s’attendrait à ouvrir une fenêtre sur une fiche produit, en fait on retient à peine le nom de la maquette. Le jeu, c’est l’inattendu. On remarquera au passage que ce petit garçon et cette petite fille n’attachent aucune attention au fait qu’ils ont devant eux un jouet « de fille », un jouet « de garçon » et un jouet « unisexe », ils jouent avec tout indifféremment, ouf encore !

Malice, complicité, tendresse

Cette séquence se situe dans une ambiance si douce, avec ces enfants qui jouent sans bruit, au petit matin, pour ne pas réveiller les adultes, dans un joli salon. Ils ont l’air de tellement l’aimer, cette grand-mère qui a le sens des blagues et sourit de leur farce. Ça fait plutôt envie, cette complicité intergénérationnelle, on sent que les enfants de la dame, les parents des enfants, soupireraient avec indulgence. Ça saute une génération, ces gamineries-là !

Peut-on (se) jouer de tout ?

Les relations complices entre grands-parents et petits-enfants, on en trouve dans bien des pubs. Mais là on n’est plus dans le réel, on est dans le jeu. On dirait que ce serait possible de trafiquer un dentier avec des Lego. Elle me fait penser au grand méchant de James Bond qui a des dents métalliques cette grand (mère) gentille. On peut se permettre des invraisemblances, puisque c’est pour de faux. De même que les enfants jouent à avoir peur de la grand-mère Ninja, nous jouons avec les publicitaires, à avoir peur des outrances du jeu et des bêtises des enfants. Les autres images de la campagne d’octobre 2012 montrent un bac à fleur dévasté et un oiseau libéré de sa cage. On joue, on parle du jeu, on peut donc être politiquement incorrect. C’est très soft quand même. Ce n’est pas Carmageddon, le jeu où il faut écraser le plus de piétons possible !

Il n’y a pas d’âge pour jouer… au Lego

Il est clair que les Lego inspirent des créatifs dans des directions parfois mortifères, du simple pistolet que tout enfant se construit avec quelques briques aux cimetières hantés d’Halloween que créent de grandes personnes. J’aime bien ça, la grand-mère qui joue avec les Lego, et toutes ces créations d’adultes qu’on trouve dès qu’on fait une recherche d’images Lego. 
Souvent ce sont des maquettes géantes, comme ce lion devant la bibliothèque de New York. 
La campagne précédente de Lego ne montrait pas des réalisations surdimensionnées, au contraire elle proposait un jeu a minima. En superposant quelques briques de couleur, on représente des personnages connus qu’il faut reconnaître. Un jouet pour tous, je vous dis.

mercredi 3 novembre 2010

Jouer en attendant Noël : le calendrier de l'Avent


Bon, ça y est, c’est reparti, les chocolats, les jouets, les décorations de Noël… Les catalogues de cadeaux dans les boîtes aux lettres.

C’est peut-être un peu tôt, tout de même, on vient tout juste de fêter Halloween, mais maintenant que nous sommes passés à l’heure d’hiver, il va falloir affronter les frimas.

Tous les ans en novembre on se dit : j’ai bien le temps, et bing ! le 20 décembre arrive et on n’a encore fait aucun achat. Et alors là, c’est la course !

Dommage, car le plus grand plaisir de Noël, c’est le temps de l’Avant. Pour les chrétiens, c’est l’Avent, la venue du Christ. Cette homonymie contribue à la laïcisation de la fête. Les calendriers de l’Avent traditionnels étaient en carton, et chaque jour on ouvrait une petite fenêtre, découvrant une image – une image pieuse autrefois, plus tard un jouet, une feuille de houx, un rossignol, une étoile… Le 24 décembre, on découvrait une petite crèche, un enfant Jésus. Maintenant un petit chocolat est caché sous chaque « volet », On en croque un chaque jour jusqu’à Noël, mais il n’y a plus de surprise.

Je trouve amusante l’idée de Playmobil : à chaque jour un petit personnage, un animal ou un accessoire, et à la fin on reconstitue toute une scène d’hiver.

Mais j’aime encore mieux les calendriers de l’Avent qui mettent les parents à contribution. Décoration perpétuelle, qui revient chaque année animer la maison, en gros carton ou en tissu, avec des poches qu’il faut garnir. D’anonyme, le calendrier devient unique, parce que chacun choisit ce qu’il va mettre dans les poches, pour un enfant particulier, et, surprise, le jeu de cachette commence !

Vingt-quatre petits cadeaux à trouver, quel travail ! Le jeu pour les parents, c’est ça : qu’est-ce que je vais mettre dans les 24 poches, d’assez petit pour ne pas être aperçu avant l’heure, d’assez amusant, ou tendre, ou délicieux pour que chacun de ces 24 jours soit un petit bonheur ?
On peut reprendre l’idée de Playmobil, et répartir les pièces d’une petite boîte dans plusieurs poches – le chapeau de pirate, le perroquet, la longue vue… en gardant le petit personnage pour la fin. On peut glisser parfois 20 centimes d’euros et parfois une pièce en chocolat. On peut aussi prendre un joli papier, un crayon, et rédiger un petit mot tendre, ou poser une devinette, ou une énigme, qui renvoie dans un autre coin de la maison, à la façon d’une chasse au trésor. 
Le jeu demande alors un peu de temps, il vaut mieux décider d’ouvrir les petites poches à la nuit tombante, et à la lueur des bougies. Quand il y a plusieurs enfants dans la maison, pas besoin d’avoir plusieurs calendriers, chacun ouvrira une poche à son tour, le 1er décembre le plus petit, le 2 le moyen, le 3 l’aîné. Malins, les parents savent déjà qui ouvrira le 9 ou le 12 : il y aura un dé, un petit casse-tête, un rébus pour le plus grand; tandis que dans le 7 ou le 10 il y aura une mini peluche ou un nounours en biscuit, destiné au plus jeune.

24 poches, 24 surprises, ça ne se prépare pas en 3 secondes, si on n'utilise pas un calendrier tout préparé. Il faut y penser dès maintenant, pour être prêt le 1er décembre. Sinon, on ouvre 10 poches d’un coup, pour rattraper le temps perdu, mais c’est de la triche, et autant de moments de complicité perdus.

Ce n’est pas toujours facile de trouver de tous petits cadeaux (surtout  pour les moins de trois ans, en accord avec le normes de sécurité) alors on peut envelopper les cadeaux de papier et les laisser dépasser des poches, ou bien un petit mot plié en 4 indique à l’enfant l’endroit où il trouvera le cadeau trop grand.

Mais c’est bien tout de même de rester fidèle à l’idée de cadeaux mini, à mini prix, la grande fête ne fait que s’annoncer, il ne faut pas gâcher le plaisir de l’attente. 


http://www.aetre.com/pour-noel/calendrier-de-l-avent.html

mercredi 7 octobre 2015

Je ne joue pas

À regarder le monde ”sous couleur de jouer”, comme disait Jacques Henriot, on finit par voir du jeu partout, et parfois on se trompe.

La chasse à courre
Quand vient l’automne et que je rencontre aux abords de la forêt les chasseurs à courre, avec leur belle tenue, chiens et chevaux, et tous les rituels qui vont des boutons de redingote à la bénédiction des chiens, je trouve cela très amusant, et j’imagine qu’il s’agit d’un grand jeu, avec des règles bien précises et des rôles attribués à chacun.


Boutons de vènerie

Roger Caillois a tenté en 1958 (Les jeux et les hommes) une définition du jeu qui reste d’actualité : le jeu est une activité libre, séparée, incertaine, improductive, réglée, fictive. Sous cet éclairage, la vénerie me semblait a priori un jeu, auquel les équipages participaient de leur plein gré, avec même une sensation de liberté extrême chevauchant en forêt, dans un espace et pendant un temps bien défini, sans être sûrs d’abattre le gibier, sans gain, mais avec des règles très précises, et tout un rituel qui fait de chaque chasse une fête. 
Si les gamers connaissent le gamekeeper comme un spécialiste de jeux de société et de figurines, le gamekeeper est celui qui garantit les bonnes conditions de la chasse à courre, du game, en Angleterre. Cela me confortait dans l’idée que c’est un jeu.

Gamekeeper, Ansdell
Pourtant mes amis veneurs étaient outrés quand je leur ai dit combien je trouvais leur jeu intéressant, avec ses costumes et ses coutumes, ses musiques et ses cérémonies. ”Pourquoi n’est-ce pas un jeu ? leur demandai-je ? - Parce qu’on tue”, m’a répondu C., et m’a sauté aux yeux le dernier critère de Caillois : une activité fictive. Hélas non, ils ne font pas semblant, en effet. 
En Angleterre, la chasse à courre est considérée comme un sport, en France comme une tradition. En tant que telle, cette tradition est assez fascinante, avec ses coutumes ancestrales et son ouverture entre autres aux cyclistes à cheval sur leur VTT.

SI je joue, alors c’est un jeu
Ce n’est pas un jeu parce que c’est pour de vrai, soit. Ce n’est pas un jeu parce que les participants ne considèrent pas cela comme un jeu. Henriot l’a dit et redit, pour qu’il y ait jeu, il faut qu’il y ait un joueur, qui dit, ou pense, ou sent intuitivement peut-être ( ça c’est pour mes chats) ”je joue”.

Dans les médias, la métaphore ludique est devenue banale, jeux politiques, jeux guerriers, jeux des finances, mais aucun des ces ”joueurs” ne joue. On confond jeu et stratégie. On oublie que l’intention de jouer est primordiale.

C’est pourquoi toutes ces pédagogies dites ludiques , ces ”jeux éducatifs" sonnent faux. L’enfant joue-t-il ou se joue-t-on de lui ?

Faire de toute fête un jeu ?
J’ai souvent ici montré comme certaines traditions populaires étaient assimilables à des jeux, auxquels un grand nombre de familles joueraient en même temps : Halloween, la galette des rois, le Père Noël… De là à faire de toute grande fête un jeu, il n’y a qu’un pas, à ne pas franchir sous peine de blesser les participants, qui ne jouent pas. C’est parfois juste une question de vocabulaire. Entre ”se déguiser” et ”se costumer” par exemple. On peut revêtir un uniforme, un costume traditionnel, une robe de mariée, sans intention de jouer. Ou au contraire pour faire semblant d’être un soldat ou jouer au mariage. C’est tout de même un rôle que l’on tient, mais ce n’est pas pour autant un jeu. J’ai parfois fait l’amalgame, sans penser à mal, avec ma fâcheuse manie de ne rien prendre trop au sérieux, et mon appétit de jeu, qui pour moi n’est jamais péjoratif, et j’ai eu tort. 
Le jeu, c’est quand on joue. Point. 

Bruegel, Jeux d'enfants