Lors des rencontres de
Villetaneuse dont j’ai déjà parlé, quatre spécialistes de formation par le jeu
présentaient leur travail. Qu’il s’agisse de formation pour adultes ou pour
enfants, le jeu, cela m’a frappée, était synonyme pour eux de jeu de société.
J’ai eu l’occasion, comme
formatrice pour adultes, d’utiliser des jeux de plateau faits « exprès
pour » mais c’était d’un ennui… J’ai aussi pratiqué le « jeu cadre »
qui permet de rendre un peu plus digestes des notions rébarbatives, à base de
cartes et de messages à écrire, à choisir, à échanger… Bon, cela permettait de
réveiller les stagiaires !
En revanche j’ai enseigné
le Français Langue Etrangère à des personnes qui nous étaient envoyées par Pôle
emploi, et là, oui, nous avons joué, mes stagiaires et moi, et j’ai envie de
raconter quelques moments où nous nous sommes bien amusés (tout en progressant
en français).
Je ne dessine pas si bien mais c'est sans importance |
Le portrait robot (pour nommer les différents éléments du visage, du corps, les formes et
les couleurs). J’étais le policier, les joueurs venaient porter plainte et
décrivaient leur agresseur, au fur et à mesure je dessinais au tableau le portrait
robot. Parfois les stagiaires choisissaient de décrire l’un d’eux, et il nous
fallait le reconnaître. Le policier pouvait aussi être interprété par un autre
étudiant, histoire de « travailler » la forme interrogative, en
passant. Un peu de jeu de rôle, du dessin, et surtout une complicité entre nous
qui venait du fait que je jouais aussi.
Les initiales et les abréviations. Que veut dire CAF, et ASSEDIC, et FLE ? Cet
exercice s’adressait aussi bien à des « alpha » (débutant avec notre
alphabet) qu’à des personnes un peu plus avancées quant à la lecture, mais
qu’il s’agissait de familiariser avec nos codes et notre culture. Très vite,
nous avons joué à inventer d’autres significations aux sigles. Cela avait
commencé avec la RATP : Régie Autonome des Transports Parisiens. Pour se
remettre de la leçon de vocabulaire aussi ardue qu’inutile, je leur lance :
« Et les jours de grève, vous savez ce que ça veut dire RATP ? »
(silence) Moi : « Rentre Avec Tes Pieds » Nouveau silence
interrogatif, puis une de mes étudiantes ose : « Non mais là vous plaisantez,
Catherine ? ». Soulagement général, et le jeu a démarré, chacun y
allant de sa proposition. La leçon s’est poursuivie sur le chemin du retour.
Tels les petits enfants qui déchiffrent dans la rue tout ce qu’ils peuvent
lire, quand ils viennent d’être initiés à la magie de la lecture, mes grands
élèves jouaient avec les enseignes rencontrées en route. Au cours suivant, nous
en faisions un florilège débridé.
Tu et vous. Le
bon usage de ces pronoms personnels n’est pas simple, et nous en avions fait un
jeu. Si je démarre une formation fort respectueusement en vouvoyant les
stagiaires et en les appelant Monsieur ou Madame, la connivence du jeu m’amène
vite à les tutoyer et à les appeler par leur prénom, tout aussi
respectueusement d’ailleurs. En revanche, je leur demandais d’en faire autant,
dans les moments ludiques. Le jeu consistait donc à établir une règle du jour :
aujourd’hui on se tutoie (je le faisais plus facilement que la plupart d’entre
eux), aujourd’hui on se vouvoie (ah ! c’est moi qui avais du mal
parfois !). Quand on se trompait un certain nombre de fois, on avait un
gage, choisi par l’ensemble des étudiants. Nous sortions ainsi du « jeu de
rôle », qui peut bloquer certaines personnes, et nous nous heurtions aux
difficultés de la « politesse » en riant.
J’aimais bien utiliser
aussi les rébus. Cela conduit à bien écouter, bien reproduire un son, mais s’il
y avait dans mon groupe des dames maghrébines, ça ne marchait pas toujours, car
certaines d’entre elles n’avaient
jamais fait un dessin de leur vie et ne tenaient un crayon que pour écrire.
Avec ceux qui étaient
assez avancés pour étudier la grammaire, nous faisions une collection
d’exceptions. A mes débuts comme professeur de français, en Afrique, je
demandais à mes élèves de me trouver un exemple qui illustre la leçon de
grammaire, et il y avait toujours une exception qui faisait capoter la règle
que je venais d’énoncer. J’étais toute jeune et je sentais bien que mes élèves
se demandaient si j’étais vraiment compétente ! C’est ainsi que la
collection a commencé, on s’est
mis à chercher des contre-exemples, des cas où ça ne marche pas, c’était bien
plus drôle !
Dans ces groupes, régnait
la bienveillance des personnes les unes envers les autres. Cela sautait aux
yeux quand on choisissait un gage, il était adapté à la personne, mais ne la
mettait pas en difficulté, ce n’était jamais méchant. En revanche il m’est
arrivé de remplacer des enseignants de FLE impromptu, et je trouvais devant moi
des personnes souvent très tendues et prêtes à se moquer, susceptibles et
agressives, même. Sans doute étaient-elles excédées par l’absence d’un
formateur, déroutées par ma pédagogie « pas sérieuse », mais
peut-être aussi le jeu manquait-il à
ces groupes, le jeu qui détendait,
fédérait, et permettait ainsi d’atteindre plus vite son but : être à
l’aise avec cette fichue langue !
Relayé par Haydée Silva sur http://lewebpedagogique.com/jeulangue/2012/05/31/des-souvenirs-de-formation-et-de-belles-idees-de-jeu-pour-la-classe/
RépondreSupprimerSuper.. c'est top bon..
RépondreSupprimermerci pour toutes ces idées!
RépondreSupprimerDonc, après lecture approfondie, je vais exactement faire ça, le portrait robot mais aussi le reste. Mes élèves n'auront plus le temps de s'ennuyer, pardi!
RépondreSupprimerMerci ! Et faites nous profiter de vos idées aussi !
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