Je n’aime pas la neige, c’est froid, ça glisse, ça bloque
tout…
Mais quand on est bien au chaud et que quelqu’un, soudain,
jetant un œil dehors, s’écrie « Il neige ! », tout s’arrête un
instant, dans un sourire général, un frisson, non pas de froid, mais de
plaisir, une excitation joyeuse. « Voilà le soleil ! » aussi
nous fait sourire, mais chacun ne se précipite pas à la fenêtre pour
autant. « Il
pleut ! » nous fait carrément grimacer, et même la grêle, si elle provoque les
commentaires sur la taille des grêlons, ne nous amuse pas.
Il neige. Le décor change. La chaussée ne se distingue plus
des trottoirs ou des champs. Tout ce gris, quelques instants auparavant,
devient magnifique. Métamorphose de la ville comme de la campagne. C’est beau.
En cette période de Carnavals, la neige déguise tout. Et tous ces confettis
blancs, quelle fête !
Il neige. Dans une région où elle ne s’installe pas pendant
des mois, la neige ouvre une parenthèse ludique. Le jeu commence aux premiers
flocons et s’arrêtera à la fin du
blanc. Le jeu, les jeux, constructions de bonhommes, d’igloos, de lanternes géantes, glissades sur des luges plus ou moins improvisées, batailles de boules de
neige, auxquels les adultes s’invitent eux aussi. Puisque le car scolaire ne
passe pas aujourd’hui, puisqu’il est conseillé de ne pas prendre sa voiture, on
ira avec les enfants jouer avec la neige. Et j’en connais qui n’ont pas besoin
d’un enfant prétexte pour se précipiter jouer dehors.
Éphémères, ces constructions. Et en cela aussi ludiques.
Il neige. Les chats aussi s’en amusent. Je fais de profondes
traces, m’enfonçant à chaque pas dans la neige, en allant chercher du bois
pour le feu, et la petite chatte me suit et saute de trace en trace, se cache dans chaque trou, s’aplatît
pour ne pas être vue. Le chat, lui, fait des glissades. Pattes froides mais ça
ne les empêche pas de faire la chasse aux flocons.
Il neige. Les voitures dérapent, les routes sont
impraticables, ce n’est pas drôle pour tout le monde la neige. Comme à chaque
alerte rouge de la météo, les médias nous montrent de malheureux naufragés en
panne au milieu de nulle part, mais des propos de chacun se dégage une certaine
philosophie, s’esquisse un sourire. Rien à voir avec les intempéries
habituelles, inondations, tempêtes, juste catastrophiques. Il s’en faut de peu
que ces personnes (grandes personnes, pourtant) ne plantent là leur voiture
pour aller courir dans le blanc.
En sortant du restaurant, nous débouchons rue de l’école
polytechnique au milieu d’une grande bataille de boules de neige. De jeunes
adultes en plein jeu. Ça s’interpelle, ça rit, et surtout ça se canarde. Je
rentre la tête dans les épaules et me demande comment tracer mon chemin au milieu
de ces joyeux combattants, sans recevoir une boule de neige glacée, brrr, je n’aime
pas ça… L’un d’eux, alors, lance à tous : « Attention ! Il y a
des civils ! ». Intervention magique, qui nous permet de trouver une
place dans leur jeu guerrier, sans l’interrompre mais sans subir de dommages
collatéraux.
J’aime bien la neige, finalement.
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