lundi 6 décembre 2010

Un cadeau peut en étouffer un autre. Pascal Deru

"Un cadeau en étouffe un autre"

"Nous cherchons ensemble un cadeau pour le premier anniversaire de son petit-fils.. Elle a 55 ans. Elle rayonne de ce nouvel enfant dans sa vie.
Elle pose donc sur le comptoir le très beau jouet que nous avons choisi ensemble. Pourtant quelque chose se contredit (…) :
- Ma première idée était de lui offrir des chansons…
Je la regarde, étonné :
-       Pourquoi faites-vous dès lors un achat ? Gardez votre idée et n’achetez surtout rien. C’est une très bonne idée d’offrir des chants.  
Elle me confie qu’ils chantent ensemble. Il adore ces instants privilégiés.
Je l’encourage à garder son idée initiale.
-        Qu’est-ce que vous chantez ensemble ?
-        Oh ! des chants très classiques, répond-elle presque en s’excusant.
(…) 
Nous parlons ensemble de cet essentiel que chacun peut offrir. 

Nous sentons (ou le pensons-nous ?) que nous sommes jugés sur nos cadeaux.
Mais par qui ? Par l’enfant d’un an ? Jamais ! Par les parents ? Au-delà de la surprise, si nous manifestons par un signe que nous avons réellement choisi ce que nous offrons, ils l’apprécieront d’autant plus.

C’est pour cela qu’il faut renforcer les cadeaux et non les étouffer. Etouffer un cadeau, c’est en mettre un autre par-dessus.
Renforcer un cadeau, c’est soit le symboliser pour en donner une trace matérielle, soit lui donner de l’envol en y joignant quelques mots.

Je me rappelle d’un homme qui s’était fixé un budget de 40 euros. Il s’était décidé pour un excellent jouet de la moitié de cette valeur.
Tandis que j’emballais son cadeau, il me dit :
-Je voudrais un autre jouet pour compléter.
Etonné, amusé… puis avec tendresse car nous nous étions installés dans une relation sincère, je lui dis :
-Est-ce vraiment nécessaire ? Votre second cadeau ne va-t-il pas étouffer le premier ?

En disant cela, j’essayais de lui dire : cet enfant de deux ans va-t-il vous juger sur la quantité ? N’avez-vous pas choisi votre premier cadeau avec soin et n’est-il pas prometteur de jeux qui suffisent ? Ne pouvez-vous pas différer le second achat pour qu’il soit, lui aussi, unique ?
On ne renforce pas un cadeau par un autre cadeau.
Renforcer un cadeau, c’est tout autre chose.
Si vous offrez de votre temps, exprimez ce don par un objet symbolique.

Cette grand-mère chante avec son petit-fils ? Elle pourrait imaginer un cahier sur les pages duquel elle aurait collé des images illustrant les chants.
Ce serait alors un objet qui réunit, un objet en commun.
Son petit-fils, qui ne sait pas encore lire, va s’en servir, tourner les pages, indiquer son choix…

Si vous offrez un cadeau acheté, accrochez des mots à son ruban : vous donnerez ainsi de l’envol à votre cadeau. Des mots simples qui s’adressent à l’enfant ou à ses parents si celui-ci est trop petit pour les comprendre.(…) Un cadeau qu’on accompagne de quelques mots est un cadeau centuplé.(...)

La grand-mère est partie sans acheter, avec ses chansons dans son panier.
L’homme est parti, en n’emportant qu’un seul cadeau.
J’ai gagné ma journée."

Pascal DERU est responsable du magasin Casse-Noisettes à Bruxelles et formateur dans le domaine du jeu. Nos chemins se sont croisés plus d’une fois, avec le plaisir, toujours, de  partager les mêmes convictions, les mêmes valeurs, le même goût du jouer.
J’aime sa façon de rencontrer ses clients sans les pousser à l’achat, D’être avant tout celui qui conseille et qui fait preuve d’empathie.
J'ai envie d'aller à Bruxelles juste pour le voir œuvrer dans son magasin, un marchand comme on n'en voit pas en vrai, mais en rêve ou dans un roman...


Pascal DERU Le Jeu vous va si bien Collection créativité Editions le Souffle d’Or (p.143-146)

mercredi 3 novembre 2010

Jouer en attendant Noël : le calendrier de l'Avent


Bon, ça y est, c’est reparti, les chocolats, les jouets, les décorations de Noël… Les catalogues de cadeaux dans les boîtes aux lettres.

C’est peut-être un peu tôt, tout de même, on vient tout juste de fêter Halloween, mais maintenant que nous sommes passés à l’heure d’hiver, il va falloir affronter les frimas.

Tous les ans en novembre on se dit : j’ai bien le temps, et bing ! le 20 décembre arrive et on n’a encore fait aucun achat. Et alors là, c’est la course !

Dommage, car le plus grand plaisir de Noël, c’est le temps de l’Avant. Pour les chrétiens, c’est l’Avent, la venue du Christ. Cette homonymie contribue à la laïcisation de la fête. Les calendriers de l’Avent traditionnels étaient en carton, et chaque jour on ouvrait une petite fenêtre, découvrant une image – une image pieuse autrefois, plus tard un jouet, une feuille de houx, un rossignol, une étoile… Le 24 décembre, on découvrait une petite crèche, un enfant Jésus. Maintenant un petit chocolat est caché sous chaque « volet », On en croque un chaque jour jusqu’à Noël, mais il n’y a plus de surprise.

Je trouve amusante l’idée de Playmobil : à chaque jour un petit personnage, un animal ou un accessoire, et à la fin on reconstitue toute une scène d’hiver.

Mais j’aime encore mieux les calendriers de l’Avent qui mettent les parents à contribution. Décoration perpétuelle, qui revient chaque année animer la maison, en gros carton ou en tissu, avec des poches qu’il faut garnir. D’anonyme, le calendrier devient unique, parce que chacun choisit ce qu’il va mettre dans les poches, pour un enfant particulier, et, surprise, le jeu de cachette commence !

Vingt-quatre petits cadeaux à trouver, quel travail ! Le jeu pour les parents, c’est ça : qu’est-ce que je vais mettre dans les 24 poches, d’assez petit pour ne pas être aperçu avant l’heure, d’assez amusant, ou tendre, ou délicieux pour que chacun de ces 24 jours soit un petit bonheur ?
On peut reprendre l’idée de Playmobil, et répartir les pièces d’une petite boîte dans plusieurs poches – le chapeau de pirate, le perroquet, la longue vue… en gardant le petit personnage pour la fin. On peut glisser parfois 20 centimes d’euros et parfois une pièce en chocolat. On peut aussi prendre un joli papier, un crayon, et rédiger un petit mot tendre, ou poser une devinette, ou une énigme, qui renvoie dans un autre coin de la maison, à la façon d’une chasse au trésor. 
Le jeu demande alors un peu de temps, il vaut mieux décider d’ouvrir les petites poches à la nuit tombante, et à la lueur des bougies. Quand il y a plusieurs enfants dans la maison, pas besoin d’avoir plusieurs calendriers, chacun ouvrira une poche à son tour, le 1er décembre le plus petit, le 2 le moyen, le 3 l’aîné. Malins, les parents savent déjà qui ouvrira le 9 ou le 12 : il y aura un dé, un petit casse-tête, un rébus pour le plus grand; tandis que dans le 7 ou le 10 il y aura une mini peluche ou un nounours en biscuit, destiné au plus jeune.

24 poches, 24 surprises, ça ne se prépare pas en 3 secondes, si on n'utilise pas un calendrier tout préparé. Il faut y penser dès maintenant, pour être prêt le 1er décembre. Sinon, on ouvre 10 poches d’un coup, pour rattraper le temps perdu, mais c’est de la triche, et autant de moments de complicité perdus.

Ce n’est pas toujours facile de trouver de tous petits cadeaux (surtout  pour les moins de trois ans, en accord avec le normes de sécurité) alors on peut envelopper les cadeaux de papier et les laisser dépasser des poches, ou bien un petit mot plié en 4 indique à l’enfant l’endroit où il trouvera le cadeau trop grand.

Mais c’est bien tout de même de rester fidèle à l’idée de cadeaux mini, à mini prix, la grande fête ne fait que s’annoncer, il ne faut pas gâcher le plaisir de l’attente. 


http://www.aetre.com/pour-noel/calendrier-de-l-avent.html

samedi 9 octobre 2010

Halloween, pour se jouer de la peur.

Halloween, c’est fin octobre, c’est une très ancienne tradition celte, de retour en Europe après avoir dégénéré en fête commerciale en Amérique du Nord. Et c’est le moment de se déguiser en sorcière, monstre  ou squelette, et de décorer la maison  avec des toiles d’araignées et des citrouilles. Tout le monde sait ça.

D’aucuns se réjouissent à l’idée du déguisement qu’ils vont se confectionner,  mais nombreux sont les détracteurs, ceux qui rejettent cette fête trop commerciale, de très mauvais goût, bref trop américaine !

Si je désapprouve comme eux l’exploitation commerciale intense de cette tradition, comme des autres fêtes, je suis pro Halloween pour  trois raisons (ou quatre…)

D’abord c’est  une fête laïque et universelle.
Universelle car à  quelques jours près, on fête les morts dans tous les pays de l’hémisphère Nord, à l’approche de l’hiver. Certains avec gravité, comme la plupart des catholiques, certains en musique, comme au Mexique.
Laïque car elle a sa tradition bien à elle, et sa date propre : le 31 octobre, alors que chez les catholiques la Toussaint est célébrée le 1er novembre, suivie, dans le calendrier, de la fête des morts le 2.

Comme c’est le 1er qui est jour férié en France, c’est ce jour-là que l’on fait le tour des cimetières pour se recueillir sur les tombes des siens.
Les cimetières sont recouverts de chrysanthèmes et parfois de bougies, en Pologne par exemple, « symbolisant la vie heureuse après la mort » peut-on lire dans Wikipedia.  Symbole de la lumière plutôt, ces cierges et ces « fleurs d’or » (d’après l’origine grecque de ce mot, chrysanthème). Comme les lanternes que chacun fabrique en creusant sa citrouille. Car il s’agit bien du passage de la lumière à l’ombre, l’équinoxe est passée et voilà les nuits qui rallongent.
Les esprits des morts reviennent quand la lumière s’estompe. La nuit l’emporte peu à peu sur le jour. La nuit descend, l'ombre s'étend. C'est pas du tout rassurant , comme le chantaient les frères Jacques *. 
Qui dit nuit dit ombre, qui dit ombre dit PEUR.

Une fête pour se jouer de sa peur en revêtant des oripeaux qui évoquent les mauvais esprits, les défunts revanchards, les vampires assoiffés de sang… Brrr ! c'est une façon comme une autre de se battre contre le malheur. 

On pourrait tout aussi bien se déguiser en anges et en magiciens pour faire fuir les choses qui nous font peur.
Cela évoque pour moi une double page bien kitch de l’album Le roi Babar : le malheur s’acharne sur les proches de Babar, sous forme de monstres qui ont nom Paresse, Ignorance, Bêtise, Peur, Découragement, mais se font chasser par un groupe d’éléphants anges - Bonté, Patience, Espoir, Courage,… Bien  kitch, mais  efficace ! Et où l’enfant que j’étais, comme la plupart des lecteurs je suppose, prenait surtout plaisir à regarder en détail les vilains personnages, beaucoup plus drôles que les anges. Même pas peur !

Bref ! Il s’agit de faire front contre la peur et la mort, et la peur de la mort. Quoi de plus fort que de la narguer ensemble, en la singeant, en la ridiculisant, en défiant le tabou qui interdit de la regarder en face. Et de l’évoquer de peur de la provoquer.
Une fête pleine d’invention.
On se déguise, ou on se masque, on sort de nulle part des chapeaux informes, des habits déchirés, des bandelettes de tissu, un vieux balai par ci, un drap avec deux trous percés pour les yeux par là… On n’a pas besoin de dépenser beaucoup d’argent ! Mais il faut faire preuve d’imagination et de créativité. 


Pour la déco, il suffit de se laisser entraîner par les cucurbitacées (rien que le nom, déjà, m'amuse), à découper, à éclairer, ou à aligner comme au château de Villandry.

Je me suis trouvée il ya quelques années à New York le jour d’Halloween, et chaque vitrine de magasin était  décorée, mais pas avec une bête citrouille ou une vulgaire tête de mort, chacune rivalisait d’invention et d’originalité, sur ce thème finalement très riche. Même les mannequins dans les vitrines des grands magasins avaient, ce jour-là, quelque chose d’étrange et d’inquiétant, grimés, hagards, et parfois une main seule, ou un corps sans tête, s’animaient.
Je me souviens d’une carte que nous avions trouvée, et envoyée à nos enfants : Happy Halloween from Mummy and Dead. Des messages grinçants mais inventifs comme celui-là, il y en avait plusieurs. Un peu d’humour face à l’angoisse, ça ne peut pas faire de mal !

Avec B. nous étions invités chez des amis américains, mais nous n’avions pas réalisé en faisant nos bagages, que nous arriverions pour Halloween. Pris au dépourvu, et fauchés, nous nous sommes costumés en momies, avec le papier toilette de l’hôtel, et avons eu notre petit succès !
Devant chaque maison, en dehors de Manhattan, chaque jardin était décoré, éclairé par des citrouilles bien sûr, mais aussi « habité » par de curieux personnages « faits maison » genre épouvantails ou bonhommes de neige, un chat noir quelque fois, des araignées sûrement, le tout dans un joli amas de fleurs et de feuilles d’automne.  Une création familiale plus ludique que commerciale. J’aimerais bien que cette tradition d’Amérique envahisse nos contrées européennes ! 




mercredi 15 septembre 2010

Les jouets pour faire semblant doivent-ils être ressemblants ?

J’étais dans un jardin, au pied d’une tour du 13ème arrondissement à Paris, tout à l’heure. En été, les ludothécaires sortent souvent des murs pour apporter des jouets et des jeux dans des endroits  qui ne sont pas « faits pour ça ». Viennent jouer les enfants du quartier, des immeubles avoisinants. Sur l’herbe on installe des nattes, et une petite variété de jouets pour faire semblant (dînette et docteur), pour mettre en scène (tapis avec des routes, garage, voitures), ainsi que des jeux d’adresse et de société, passe-trape en tête. 
À peine Claire et moi avions-nous commencé à remonter de notre antre les boîtes de jeux et de jouets, que deux petites filles sont venues nous aider à les installer sur l’herbe. L’une d’elle s’est aussitôt emparée de la mallette du docteur pour « faire une piqûre » bien qu’il n’y ait encore aucun malade à sa portée, ni comparse, ni poupée. Il n’y avait que moi, heureusement je l’intimidais un peu, sinon j’y passais !

J’ai déjà dit que les enfants arrivant en ludothèque revêtent souvent un costume avant toute chose, comme pour signifier qu’ils sont « en jeu ». Cette fois, il m’a semblé que cette petite fille, de 7 à 8 ans, déjà un peu grande, selon Piaget, pour jouer au jeu symbolique, marquait par là son entrée en jeu. Très vite, elle s’est détournée de la seringue (qu’elle a d’ailleurs rangée dans la mallette), pour jouer à des jeux dits de son âge. C’était comme si cet objet lui tenait lieu de porte fictive, puisque nous étions dans un jardin, pour elle la ludothèque était alors ouverte.

Il y a dans le jouet pour jouer à être, pour faire semblant, outre l’utilisation que tout le monde comprend, comme la seringue pour jouer au docteur, et au-delà de la fonction que nous connaissons bien aussi, d’initiation ou de dédramatisation, une clé spécifique, oui, comme un clé musicale au début d’un morceau, qui signifie « je joue », « on joue », « c’est pour jouer ».

Certains jouets du commerce sont on ne peut plus réalistes, comme les outils en réduction Bosch ou l’électroménager Miele. On peut alors imiter pour de faux, mais presque pour de vrai, les parents et les hommes de l’art. On dirait qu’on serait des bûcherons. Nous, les adultes, nous extasions devant la ressemblance si précise entre le jouet et l’outil réel.

Mais je me demande s’il n’y a pas un petit plus dans un jouet pour faire semblant moins res-semblant. Les jouets Oskar et Ellen, qui ont rejoint la collection AETRE récemment, poussent assez loin le clin d’œil : tout est en tissu, les outils qui s’attachent à la ceinture, la théière, les tasses et les petits gâteaux,  les baguettes et les sushis, c’est du VRAI POUR DE FAUX, quoi ! Ce ne sont pas les détails qui manquent, sachet de thé ou touche de wazabi, mais tout est en coton, pas de doute, c’est POUR JOUER. 
Et c’est comme si le plaisir du jeu était décuplé par cette distanciation.

Le jeu se rapproche ici de l’art, théâtre ou peinture, où les uns cherchent à s’approcher au plus près de la réalité tandis que d’autres s’en jouent.

Une histoire que l’on joue. On peut avoir envie d’y croire, et pour cela que ça fasse le plus vrai possible. On peut aussi prendre plaisir à jouer à y croire, à faire semblant de faire semblant… toute une histoire ! Dans laquelle rentrent des émotions, de l’humour, des complicités, et surtout une invraisemblable liberté. Car si c’est un jeu, tout est permis.

mardi 17 août 2010

Jouer les artistes

Il pleut. C’est peut-être le moment de jouer avec les couleurs, laisser aller son imagination, découper, coller, patouiller, et faire rentrer votre soleil dans la maison.

Seul ou encore en groupe, enfant ou adulte, à chacun son mode d’expression, et le bonheur de se dire « c’est moi qui l’ai fait ».

Sortir les feutres pour les petits, ou, mieux, la gouache, avec de bons pinceaux carrés qu’on peut utiliser à plat, pour une bonne trace bien large, ou sur la tranche pour une ligne délicate. Avec les feutres, c’est très difficile de couvrir sa feuille. Avec la peinture place aux taches de couleur, et peu importe que « ça représente quelque chose ». Penser à protéger le support et les vêtements et garder un chiffon à portée de main, et de l’eau pour rincer son pinceau. Tout petits, les enfants peuvent apprendre à prendre soin de cet outil, ne pas écraser sa tête ni emmêler ses « cheveux », ne pas le noyer, abandonné la tête en bas dans le gobelet de rinçage, et l’essuyer avec la douceur d’une caresse. Choisir un papier de qualité, assez épais qui ne  gondolera pas à la peinture à l’eau, et d’un format supérieur au A4 traditionnel. Si possible, poser la feuille verticalement et non pas à l’horizontale, cela évite de frotter la peinture encore humide avec l’avant-bras, et cela permet de prendre du recul par rapport à son travail, en peignant debout (comme le font les peintres). Laisser l’enfant choisir la position de sa feuille, « couchée » (en longueur) ou « debout » (en hauteur).

Pour les commentaires, attention ! ne pas en faire trop dans le sens du chef d’œuvre, ni trop peu. On n’affiche pas tout, on ne met pas tout à la poubelle non plus. Un peu de respect ! Mettez-vous à la place de l’enfant et évitez de demander : « qu’est-ce que c’est ? ». Parlez de ce que vous voyez, ce que vous ressentez : ces couleurs qui chantent ensemble, ce mouvement du pinceau qui évoque un grand coups de vent, ces petits points qui dansent… Lancez-vous, et puis écoutez ce que l’enfant va vous en dire...

S’il y a un groupe d’enfants à occuper, une création collective est toujours bien accueillie. Une grande fresque pour décorer la  salle de jeu ?  Ou un plateau de jeu géant ? On prend pour support une très grande feuille, par exemple une nappe en papier, c’est assez facile à trouver en vacances. Et on se donne un thème de départ.  La mer ? La balade en forêt ? La fête du village ?  Un circuit de voitures, ou un jeu de l'oie ? La règle du jeu, c’est de laisser sa trace partout (on n’a pas chacun son coin) et de ne pas refuser la proposition d’un autre créateur, ni recouvrir le dessin d’un autre sans son accord.
Si les créateurs sont nombreux, on peut mixer dessin individuel (découpé puis collé par mi les autres) et décor collectif (le fond). Comme pour ces kakémonos (ce sont de grandes fresques verticales) réalisées par les enfants des ludothèques de la ville d’Orly sous la bienveillante attention de Lola Gavarry, plasticienne et animatrice.

Lola est également l’auteur d’un livre édité chez Marabout qui peut vous aider à vous lancer à décorer votre maison en peignant de vraies toiles pour chaque pièce. 

Home Deco Des Tableaux à peindre

Mais voici aussi quelques idées ludiques à réaliser très facilement et pour le plaisir, que vous soyez enfant ou adulte, habile de vos mains ou non. Parce que la feuille blanche peut être intimidante, bloquante.

Les portraits robots.
Chacun peint ou dessine des yeux, des nez, des bouches, des oreilles, des cheveux, des formes de visage, on les découpe et on les regroupe. Quand on a un bon stock de ces ingrédients, on peut commencer à reconstituer des visages. Qu’est-ce qui va  le mieux avec ce nez-là, et ces yeux, et ces sourcils ? Quand on est d’accord, on colle, et on peint « la peau » autour. On fait de même plusieurs bustes, avec le cou et les épaules, et ensuite on cherche avec quelle tête ils vont aller. Et quand on a reconstitué tous les personnages, leur histoire se met en place, il n’y a plus qu’à les coller tous ensemble dans une grande fresque, et à peindre le fond pour qu’on sache où ça se passe.



Le portrait à la manière de Arcimboldo
On connaît tous ces portraits dont chaque élément est un fruit ou un légume, qui assemblés forment un visage. Sur le même thème, on  peut s’amuser des heures durant avec des vieilles revues, des catalogues publicitaires, des ciseaux et de la colle. On choisit un thème et on découpe ( Les chaussures, les fleurs, les jouets, les animaux…) sans choisir, mais en respectant la forme (l’objet doit être entier). Ensuite, on assemble… ça ressemble un peu à un puzzle, ça demande de la patience, et de la conviction, car au bout d’un moment on a l’impression que c’est un amalgame informe, et tout à coup le visage apparaît !

Le portrait en taille réelle
Un des joueurs se couche sur une très grande feuilles de papier, et les autres font le contour de son corps au crayon sur la feuille.  Ensuite on la met au mur, et on colorie, et respectant au mieux la couleur de la peau, des yeux, des cheveux et celle des vêtements.
Autant de moments pour se rencontrer, regarder et se regarder autrement, être attentif aux détails, ouvrir les yeux... et changer de décors !

Documents présentés : les kakémonos d’Orly (été 2009) et les travaux de stagiaires de l’Ecole des parents et des éducateurs, réalisés lors du stage L’art est un jeu d’enfant, que j’anime chaque année avec tant de plaisir. 

lundi 26 juillet 2010

Jouer à être, le temps du jeu symbolique.

À quoi vous jouez ? On joue à être
C’est avec Cécile, Sandrine, Benjamin,  et tous les cousins qui les ont suivis dans leurs aventures, que  j’ai découvert ce concept. Non pas ce jeu, car j’étais moi-même, enfant, toujours prête à revêtir un costume, jouer une saynète, inventer une histoire, faire semblant de, interpréter des personnages. Avec mes compagnons de jeu, nous avions différents noms de jeux, selon qu’on jouait au voyage, à la guerre ou à l’école, au spectacle ou au magasin. Mais nous ne savions pas que nous jouions à être.

Ces jeux d’imitation, de rôle, de mise en scène, Piaget les désigne sous le nom de Jeux symboliques. Ce concept englobe à la fois les jeux de faire semblant, comme lorsque les enfants vous invitent dans leur « restaurant », et les jeux avec les petits univers, maisons de poupées, Playmobil ou ferme miniature.
Pour lui, ce sont  essentiellement les jeux des enfants de 18 mois à 6 ans, cette tranche d’âge étant très souple bien entendu. Peu à peu, les jeux symboliques laissent la place à ce que Piaget appelle les jeux de règles  ou jeux de société. Je dis peu à peu car c’est souvent les petits accessoires qui  donnent envie de jouer, plus peut-être que la règle énoncée ou l’envie de gagner. On aime le Verger à cause des petits paniers à remplir de fruits en bois, le Cluedo à cause des personnages qui vont du bureau à la salle à manger, et des armes minuscules, et Risk parce qu’on déplace de petites armées sur la carte du monde. En grandissant, les joueurs, s’ils prennent encore plaisir à manipuler des pièces ou à contempler des cartes joliment illustrées, apprécient surtout les jeux organisés autour d’une règle fixe, fixée d’avance.

Tandis que les règles, car il y a des règles, quand on joue à être, sont données au début de chaque jeu, énoncées en toutes lettres ou implicites, et peuvent être renouvelées, modifiées, à chaque jeu nouveau. Si par exemple on joue au Papa et à la Maman, le Papa ne peut pas cesser d’être un homme, ni la Maman une femme. Leurs rôles sont définis a priori, et souvent plus conventionnels qu’à la maison. On ne peut pas en changer sans briser le jeu. Mais il faudra à chaque jeu dire qui est le Papa et qui est la Maman.

Les jeux de faire semblant peuvent se passer du langage, un enfant qui ne sait pas encore parler peut jouer à faire semblant de manger, faire semblant de nourrir son ours, faire semblant d’avoir peur quand moi je fais semblant de lui dévorer le pied (s’il n’avait pas compris que « c’est pour jouer » il ne tendrait pas son pied à nouveau vers moi pour que je le « mange » encore !). 
Cependant plus l’enfant maîtrise le langage, plus riches sont ses jeux d’imagination. Les enfants manient tous, assez rapidement, la grammaire pour énoncer : « On serait des enfants abandonnés, on habiterait dans un château, tu serais un policier »… .Le conditionnel est le temps du jeu Symbolique. Ni passé ni futur, juste hors du temps et du réel.
A quoi s’ajoute la distance du dire : « On dirait qu’on serait dans un vaisseau spatial ».  On va faire comme si parce qu’on l’a dit. C’est une histoire qu’on raconte.
Jodie, qui a 3 ans mais déjà une grande culture, car elle est gourmande de littérature enfantine, commente ses jeux, ou les explique aux adultes en énonçant le titre de son jeu : « ça s’appelle : Le Père Noël va prendre son bain» ou « ça s’appelle : Babar cherche la bagarre » Il y a de quoi faire un florilège de tous ses titres de jeux, tant son imagination est débordante. Ce titre, comme le conditionnel, met une distance entre le joueur et son jeu. On sait bien que ce n’est pas vrai.
Parfois, le jeu comme les peintures qui montrent un dessin dans un autre dessin, en abîme, devient un jeu dans le jeu, dans le jeu… La grand-mère de Jodie l’observe berçant tendrement un petit coussin cylindrique, le câlinant, lui parlant gentiment.. - Qui est-ce ? 
-C'est un bébé déguisé en caillou. Allez viens, mon petit.. "
L’enfant, même très jeune, est capable de se regarder jouer et de jouer comme au second degré.
J’en ai plusieurs fois vu la preuve avec des enfants qui faisaient semblant de dormir. Dans le jeu, cela donnait : « ça serait la nuit et je serais en train de dormir… Ron Pschitt, ron pschitt »… L’enfant  ferme très fort les yeux et imite la respiration de la personne endormie. En revanche,  s’il veut faire croire qu’il dort quand les parents viennent vérifier que tout le monde est couché, ils sait très bien tromper son monde : ni ronflements ni grimaces, un petit enfant tout détendu et parfaitement innocent ! Ainsi, lorsque revenant d’une journée à la campagne mes enfants voyaient la voiture approcher de la maison, ils « s’endormaient  profondément», pas de chance pour les parents obligés de les porter ensommeillés jusqu’à leur lit…  Ce n’est que quelques années plus tard qu’ils m’ont avoué qu’ils faisaient semblant. Le jeu, coquin mais tendre, était de se faire porter sans que les parents ne s’aperçoivent de la supercherie, et « ça » ne se jouait pas du tout de la même façon !


Sur de nombreuses photos de moi petite fille, j’ai une poupée dans les bras.  Je ne suis pas en train de jouer à la poupée, la photo a plutôt été prise lors d’une promenade, d’un goûter dans le jardin,  d’une réunion de famille. On voit bien que je me séparais rarement de ma poupée du moment, mais comme une maman de son enfant. Avec ma poupée sous le bras, je pouvais aller au marché ou pousser des voitures. Une fois glissée dans mon personnage de maman, je pouvais jouer à autre chose, en même temps.
Lorsque j’entrais ainsi dans mon rôle de petite maman, je ne crois pas que j’aurais répondu « Je joue à la poupée » si quelqu’un m’avait demandé « À quoi tu joues ? ». J’aurais même sans doute trouvé la question vraiment bizarre. Alors qu’à d’autres moments, je décidais de jouer à la poupée, j’installais leurs lits,  leurs jouets, je les grondais ou les consolais, je faisais la maîtresse. À Noël je leur faisais un arbre de Noël, avec des cadeaux, et je jouais aux poupées qui jouaient avec leurs cadeaux, leurs poupées… Jeu en abîme une fois encore.

À la ludothèque, on voit souvent des enfants revêtir un costume, dès leur arrivée, et une fois habillés en princesse ou en pompier s’asseoir à table avec d’autres enfants pour partager un jeu de société. Ils ne sont pas vraiment « dans la peau de leur personnage » mais pas tout à fait eux-mêmes non plus, ils ont peut-être revêtu leur costume d’ enfant à la ludothèque, d’enfant qui est là pour jouer. Quand viendra l’heure de rentrer chez eux, ils changeront de tenue aussi naturellement et quitteront leur personnage en même temps qu’ils quitteront les lieux.

Dans L’être et le néant, Sartre donne l’exemple du garçon de café qui "joue à être garçon de café". «  Il en a revêtu le costume, il en prend les attitudes, le langage. Il a le geste vif et appuyé, un peu trop précis, un peu trop rapide, il vient vers les ­consommateurs d'un pas un peu trop vif, il s'incline avec un peu trop d'empressement, sa voix, ses yeux expriment un intérêt un peu trop plein de sollicitude pour la commande du client, enfin le voilà qui revient, en essayant d'imiter dans sa démarche la rigueur inflexible d'on ne sait quel automate, tout en portant son plateau avec une sorte de témérité de funambule [...]. Toute sa conduite nous semble un jeu [...]. Il joue, il s'amuse. Mais à quoi joue-t-il ? Il ne faut pas l'observer longtemps pour s'en rendre compte : il joue à être garçon de café. » Sans doute joue-t-il ce rôle, mais est-il en train de jouer, dirait-il qu’il joue ? Commence-t-il sa journée au conditionnel (Je serais garçon de café ?)

De même les adolescents que nous montre Jacques Henriot, dans son film Le Jeu en miettes : « Ils jouent aux cartes. Et ils jouent à être des joueurs de cartes. ». On pourrait en dire autant de César et Panisse dans le Marius de Pagnol.  Mais diraient-ils : «C’est l’histoire d’une partie de carte », ou « ça s’appelle les joueurs de cartes » ?

Si Jouer à être n’est pas l’apanage des petits enfants, il est clair que  les « grands », en tout cas, ne savent pas qu’ils jouent. Ils jouent à être, mais ils ne le font pas exprès !

Les champions toutes catégories du jeu de faire semblant, par la liberté, l’imagination sans limite qu’ils mettent au jeu, et par la conscience qu’ils en ont, ce sont les jeunes enfants, qui, bien mieux que les adultes, semblent maîtriser les nuances entre le réel, l’imaginaire, le vrai, le faux et s’en jouer avec bonheur. 

mercredi 14 juillet 2010

Jeux d’argent, jeux en ligne, addiction et législation.


Enfin fini, ce Mondial du foot ! On n’aura malheureusement pas souvent entendu parler de jeu, ni eu le sentiments de voir souvent des joueurs sur le terrain. Jusqu’à la finale où l’agressivité et la tension étaient telles qu’un Candide aurait pu croire que le jeu consistait à gagner des cartons jaunes ou rouges.
Quoique… Si le jeu est par définition libre, et qu’il n’y ait jeu que s’il est librement consenti, l’équipe française faisant sa mauvaise tête et boudant l’entraînement s’est peut-être montrée plus joueuse qu’on ne l’aurait dit à première vue.
Nul ne peut ignorer que derrière ces circenses se jouent d’autres parties, aux enjeux économiques disproportionnés.
Devant son écran, le téléspectateur est interpelé par TF1 : on vous pose une question, vous répondez –c’est très facile- et vous pouvez gagner … « 100 millions, c’est bien ça qu’ils ont dit, 100 millions ? ». Le gros lot, et sans prendre beaucoup de risques, un simple SMS dont on oublie vite qu’il est taxé. Mais est-ce bien du jeu ? Quand la réponse est évidente, quand le tirage au sort ne se fait ni par une grande roue qui tourne devant tous, ni par une distribution de cartes, à quel moment l’émotion de l’incertitude va-t-elle saisir le joueur de plaisir ? Il y a plus d’excitation à se demander si on obtiendra quelque chose pour nos retraites, mais qui dirait, là, qu’il s’agit d’un jeu ?
Ne parlons pas des publicités, sur le terrain, sur le moindre panneau, les maillots, envahissantes et clairement hors-jeu.
Mais gravitent aussi autour de cet événement les publicités incessantes pour les jeux d’argent en ligne. Depuis  un an, avec une certaine frénésie à partir de janvier 2010, le gouvernement s’est appliqué à faire passer une loi autorisant ces jeux d’argent sur Internet L’enjeu était de légiférer avant le mois de juin et le début du mondial, afin d’autoriser les opérateurs à faire de la publicité pour leurs sites.
« Depuis plusieurs années, 3 millions de Français jouaient en ligne en toute illégalité, attirés par les 22000 sites de poker ou de paris sportifs accessibles en France... En mars 2009, le gouvernement a déposé un projet de loi afin de légaliser le jeu. En échange, les opérateurs, comme Unibet ou Betclick de Stéphane Courbit devront payer des taxes à l'Etat." (Public Sénat). 
Les yeux dans les jeux, un documentaire d'Elise Aicardi, produit par Public Sénat, raconte en 52 minutes la genèse de cette loi, des auditions du Sénat aux débats à l’Assemblée Nationale. 
On s’aperçoit de la complexité de la question : en France, les jeux d’argent sont interdits, en dehors des instances gouvernementales comme la Française des jeux et le PMU. Les nombreux opérateurs de sites de jeux n’étaient donc pas domiciliés en France, et leurs gains, de ce fait, ne rapportaient rien à l’Etat. Cependant ils se faisaient connaître et fonctionnaient en toute impunité. 
On pouvait soit laisser faire (dans l’illégalité), soit affirmer la loi et le monopole de FDJ et PMU avec plus de force (mais au risque de voir les capitaux s’enfuir ailleurs), soit rendre cette activité légale. Le gouvernement a choisi cette troisième solution, qui a déjà commencé à porter ses fruits : "En moins d'un mois, nous avons ramené dans la légalité plus que ce qui a été parié en un an sur le seul site officiellement autorisé dans l'ancien système", explique à Libération Jean-François Vilotte, président de l'Arjel, l'Autorité de régulation des jeux d'argent en ligne. Un million de comptes ont été ouverts. De jolis gains en vue pour l’Etat, mais aussi pour les 11 opérateurs autorisés (dont on dit qu’ils étaient tous au Fouquets à l’arrivée de Nicolas Sarkozy, mais bon…).
Comme on le voit dans le documentaire d’Elise Aicardi, de nombreuses questions, soulevées entre autres par le PS, mais aussi par certains membres de l’UMP, ont été éludées faute de temps, puisqu’il y avait une date butoir, liée au début du Mondial en juin 2010 .
Pas le temps, donc, de se demander comment protéger les jeunes (iraient-ils vraiment envoyer copie de leur carte d’identité à l’opérateur ?).
Pas le temps de s’interroger sur l’addiction aux jeux d’argent en général, aggravée par un accès libre aux sites de jeux, et parfois couplée avec une addiction à Internet. Au lieu de lutter contre cette forme d’addiction, le gouvernement n’encourage-t-il pas au contraire la consommation effrénée de ces jeux, qui lui rapportent gros ? Si la publicité pour l’alcool est, sinon interdite, du moins très cadrée, la publicité pour les jeux en ligne est en plein essor.
Pourtant la problématique du jeu a été intégrée dans le Plan de prise en charge et de prévention des addictions (2007-2011) du ministère de la Santé afin de favoriser le dépistage et la prise en charge des joueurs en difficulté au sein des programmes de soins des centres d'addictologie.  L’addiction aux jeux d'argent en ligne existe-t-elle vraiment ? C’est la question que Caroline pose sur KUZEO.« A l’heure actuelle, deux antithèses s’affrontent. D’un côté les psychiatres qui la classent au même rang que les addictions aux drogues. De l’autre, les neuroscientifiques qui ne reconnaissent pas de processus biologique similaires entre ces deux addictions. » 


Quant à la dépendance aux jeux en ligne, elle a fait l'objet de plusieurs reportages, à l'occasion de témoignages sur la brutalité des traitements de "désintoxication" en Chine. Beaucoup moins importante en Europe qu'en Asie, elle suscite cependant des inquiétudes et tandis que les uns parlent de prévention, les autres poussent à la roue (ou à la roulette).
Quel est donc le moteur qui fait jouer, jouer et encore jouer le joueur pathologique ? Si c’est gagner de l’argent, toujours et encore plus, tous ces grands opérateurs et autres dirigeants sont à traiter d’urgence !
Si c’est jouer pour jouer, il me semble qu’ils devraient trouver dans notre très riche patrimoine de jeux de plateau (jeux de société) ou d’adresse de nombreux mécanismes beaucoup plus intéressants, faisant appel aux compétences, aux complicités, à la convivialité, à l’empathie…
On dirait que le plaisir des jeux d’argent est plutôt dans le risque, grandissant, qu’il convient de prendre. Enjeu – danger, là est le plaisir.  Tu peux tout perdre, te retrouver ruiné aussi bien que milliardaire, ça c’est excitant, plus c’est risqué, mieux c’est. Roger Caillois classe ces jeux dans une catégorie qu’il appelle Ilynx, les jeux de vertige. Vus de loin, à froid, ils font peur. Et la légèreté avec laquelle on facilite l’accès à des jeunes et des adolescents – prêts justement à mettre leur vie en jeu pour voir ou pour être remarqués – devrait, aurait dû, poser question.
Le leurre aussi. Jeux de hasard, ils sont supposés donner à tous la même chance, et permettre à chacun de gagner de l’argent sans peine, sans sortir de la maison, et sans s’apercevoir que l’argent file, car cela a l’air si virtuel. Egalité des joueurs, mais peut-être bien que celui qui peut miser gros, et ne craint pas trop de perdre, a plus de chances de gagner. A mise égale, il prend moins de risques. Quoi qu’il en soit, c’est l’opérateur le vrai gagnant. Comme la FDJ ou le casino.
Casino en ligne, casino en vrai, rien à voir.
Dans le plaisir du Casino, pour la plupart des joueurs, qui sont bien décidés à ne pas miser plus que de raison,  il n’y a pas seulement le plaisir du risque. Il y a la sensation puérile et fort agréable de « faire une bêtise », de jouer avec le feu, d’enfreindre un tabou peut-être. Et puis le goût du spectacle et du jeu de rôle. On ne va pas au casino en tongs, on se fait beau, on s’habille, on se la joue « classe ». Le personnel un peu obséquieux, les décors, les tables de jeux ou les machines à sous, tout est là comme au cinéma. On joue à être élégant et riche; et grand seigneur, quand, après les rituels (Les jeux sont faits, rien ne va plus, Impair, passe et manque), ayant gagné à la roulette (ou au Black Jack, je ne sais pas très bien), on envoie quelques jetons au croupier en lançant un « Personnel, merci ! » de pacotille.
Les sites ont beau mettre en avant les décors, la musique et le respect de la tradition dans leurs jeux en ligne, je doute que l’internaute puisse trouver face à son écran ce plaisir-là, de jouer au casino (On dirait qu’on serait millionnaire) allié au petit bonheur d’une sortie « en bande ».