À Noël, j’aime l’anonymat du Père Noël, je l’ai déjà évoqué, et aussi la
surprise, les cadeaux inattendus, ceux qu’on n’a pas commandés.
La lettre au Père Noël, c’est le plaisir de rêver, agrémenté de
l’incertitude. Comme dans un jeu. J’aimerais gagner, mais ce n’est pas certain,
sinon, ce n’est pas du jeu… Si je suis sûre d’avoir ce que j’ai commandé, ah oui, j’ai le pouvoir, mais
la surprise ? Le Père Noël n’aura peut-être pas les moyens, pas le temps,
pas trouvé, et même pas envie de m’apporter ce que je lui ai demandé, il n’est
pas aux ordres le Père Noël. Il faut savoir que le Père Noël n’a pas les pleins
pouvoirs, et l’enfant non plus.
Il est quand même bien content qu’on lui donne des idées, le Père Noël, et
il a très envie de faire plaisir. Alors il apportera sans doute quelque chose
que je lui ai demandé.
Mais s’il glisse en plus dans mes chaussures un cadeau inattendu, un cadeau
qui montre qu’il me connaît, qu’il a une complicité avec moi, qu’il aime bien
me taquiner, qu’il a envie de partager avec moi une lecture, une musique, un
jeu, c’est encore mieux. Avec un sourire, un soupçon de tendresse en prime.
Menacer les enfants de ne pas avoir ce qu’ils ont demandé s’ils ne sont pas
sages, c’est dire que s’ils sont sages les cadeaux leur seront dus. Holà ! Dire
plutôt à un enfant qui a envie d’un jouet : j’espère que le père Noël
pourra te l’apporter, mais tu sais, c’est cher, ou c’est lourd, ou… ce que vous
voulez. Pour qu’il ne soit pas trop déçu s’il ne le reçoit pas, et surtout pour
qu’il en rêve avant.
Cela a tendance à se perdre, le plaisir de l’attente, du désir, du peut-être et du et si jamais, de nos jours. Et c’est dommage.
Les adultes se ménagent encore ce plaisir avec les jeux comme le LOTO, un
impôt sur le rêve. Pendant longtemps, cela donnait bonne conscience, une part
des revenus de la loterie nationale revenait à l’association des Gueules cassées,
créée après la grande guerre. Mais on ne jouait pas par charité. On jouait, on
joue, pour devenir riche, pour s’offrir ce qu’on ne pourra jamais
s’offrir ! On sait que les probabilités sont infiniment petites de gagner,
mais on joue !
J’ai joué au LOTO avec mes collègues de bureau pendant des années, sans y
croire mais quand même, imaginez que les autres gagnent et que je me retrouve seule
au bureau au milieu de millionnaires ! Donc je jouais et nous rêvions
ensemble : ah, le patron, il en ferait une tête, quand on claquerait la
porte tous ensemble ! Je jouais toujours les mêmes numéros, et maintenant,
quand par hasard je me trouve devant la télé au moment du tirage du LOTO, j’ai
un frisson de panique, ludique : et si mes numéros sortaient alors que je
n’ai pas joué ?
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