A priori, étant moi-même grand-mère, cette pub aurait
dû me faire grincer des dents… On y voit deux garnements, très charmants,
bricoler avec des Lego le dentier de leur Mamie, celle-ci apparaît en haut de
l’escalier avec un sourire multicolore et des yeux malicieux, trébuche et tombe
sur les constructions Lego que les petits diables ont laissé traîner sur le
tapis. À nous de choisir la suite de l’histoire, selon que la grand-mère tombe
sur la maison, le vaisseau ou l’ambulance.
On pardonne tout à la créativité.

Dans
les années 70, je me souviens d’une
image– ou l’ai-je inventée ?- où l’on voyait un enfant sortir de
son parc en se construisant un escalier en Lego, pour montrer que Lego
développe la créativité des enfants. Moins provocateur, mais la transgression
était déjà là, et j’aimais ça.
Lego
revient à ses fondamentaux
Les
lego, et la révolution ludique qu’ils ont entraînée, les petites briques
remplaçant les Mécano de mon enfance, je les ai presque vu naître.
Au
départ, l’accent était mis sur l’invention. Les enfants pouvaient même envoyer
des photos de leurs créations à Lego et recevaient un diplôme de créativité.
Mais pour le marketing, mieux vallait des maquettes à reproduire, et l’esprit
d’invention s’est peu à peu perdu. Il fallait être plus habile de ses mains que
créatif, et la maquette une fois réalisée était plutôt destinée à trôner sur
une étagère qu’à servir de point de départ à des jeux imaginaires. Lego vend
encore des boites à thème, plutôt que de simples briques : la villa,
l’ambulance, le Ninja. Mais les maquettes entrent cette fois dans le jeu :
quand la villa se retrouve accrochée aux dents de la Mamie, les enfants
ajoutent de personnages sur la terrasse, pour ce qui est de la construction
Ninja, c’est la grand-mère qui s’en empare pour « faire peur » à ses
petits-enfants, quant à l’ambulance, elle est affublée d’une décoration
surprenante. Ouf !
Un
pied de nez aux « ludo-éducatifs » et aux « jeux de
genre ».

Malice,
complicité, tendresse
Cette
séquence se situe dans une ambiance si douce, avec ces enfants qui jouent sans
bruit, au petit matin, pour ne pas réveiller les adultes, dans un joli salon.
Ils ont l’air de tellement l’aimer, cette grand-mère qui a le sens des blagues
et sourit de leur farce. Ça fait plutôt envie, cette complicité
intergénérationnelle, on sent que les enfants de la dame, les parents des
enfants, soupireraient avec indulgence. Ça saute une génération, ces
gamineries-là !
Peut-on (se) jouer de tout ?
Les
relations complices entre grands-parents et petits-enfants, on en trouve dans
bien des pubs. Mais là on n’est plus dans le réel, on est dans le jeu. On
dirait que ce serait possible de trafiquer un dentier avec des Lego. Elle me
fait penser au grand méchant de James Bond qui a des dents métalliques
cette grand (mère) gentille. On peut se permettre des invraisemblances, puisque
c’est pour de faux. De même que les enfants jouent à avoir peur de la
grand-mère Ninja, nous jouons avec les publicitaires, à avoir peur des
outrances du jeu et des bêtises des enfants. Les autres images de la campagne
d’octobre 2012 montrent un bac à fleur dévasté et un oiseau libéré de sa cage.
On joue, on parle du jeu, on peut donc être politiquement incorrect. C’est très
soft quand même. Ce n’est pas Carmageddon, le jeu où il faut écraser le plus
de piétons possible !
Il
n’y a pas d’âge pour jouer… au Lego

Souvent ce sont des
maquettes géantes, comme ce lion devant la bibliothèque de New York.
