Je viens de lire Le marchand de coups de bâton et Faire Guignol, qui raconte la vie de Laurent Mourguet, inventeur de Guignol.
Cet ancien canut se promène presque toujours avec sa tavelle, qui est à l’origine un outil de tissage, pour ne pas emmêler les fils. Depuis qu’il ne travaille plus dans les fabriques de la Croix rousse, Guignol s’en sert comme bâton. Ce bout de bois est fendu à une extrémité, ce qui permet de le faire claquer et de donner l’impression de cogner dur.
Et vlan sur le gendarme ! vlan sur le voleur ! vlan sur le propriétaire ! Peut-être bien aussi sur sa femme… Et tout le monde rit…
Le marchand de coups de bâton, ce n’est pas Guignol mais Gnafron, son ami cordonnier, qui se fait payer pour battre Monsieur Labinas de la part de Monsieur Gouleau, puis Monsieur Boulou de la part de son épouse, etc…
Vlan ! et vlan ! Et tout le monde rit…
Coups de bâton désopilants dans Les Fourberies de Scapin aussi. ”Ah Monsieur, on riait, on riait !” raconte Ragueneau à Cyrano, qui aurait soufflé cette scène à Molière.
Dans notre spectacle La poupée qui mord, nous jouons façon Guignol une scène entre le voisin et la voisine, des envieux peu enviables… ”Tu prendras un bâton et tu feras semblant de me battre” dit la femme. Le mari, n’ayant pas compris la consigne ou feignant de ne pas l’avoir comprise, frappe sa femme pour de vrai, et nous pouvons être sûrs d’entendre les rires des enfants à ce moment-là.
Bon, ce sont de faux coups de bâton, c’est du théâtre, c’est ”pour de faux”, et ce sont les ”méchants” qui prennent, mais quand même…
Quand j’anime des ateliers de marionnettes avec des enfants, et qu’ils improvisent une scène dans le castelet, on voit très vite les personnages échanger des coups. Il me faut vite intervenir pour leur apprendre à ne pas cogner leurs marionnettes l’une contre l’autre, ce qui les abime évidemment. On s’entraîne à donner de ”faux coups”, en gardant ses distances. C’est amusant aussi, mais je sens bien que je les frustre un peu…
Je me souviens de Jos Houben au Théâtre du Rond Point à Paris en 2013, dans son fabuleux exposé sur l’art du rire. Quand quelqu’un tombe, ou se tape sur les doigts avec un marteau, tout le monde rit. Ce sont des situations qui déclenchent spontanément le rire, quitte à le regretter, en être même honteux, ensuite… "Quand la reine trébuche, ça nous soulage", dit-il. Quand le faible frappe le fort aussi. Ou quand on lâche la bride à la violence qui est en nous, mais "pour rire".
* Le marchand de coups de bâton Le théâtre de Guignol, Version de José-Luis Gonzalez, illustrations de Pepe Ortas, Seuil jeunesse 2003
Faire Guignol Paul Fournel, P.O.L 2019