Au
départ il y a une bande de quinqua-sexagénaires, qui organisent une fête pour
l’anniversaire d’une des copines. On va faire un dîner chez M, il faut
transporter des tables et des chaises, C se charge des verrines, D des petits
bols pour la salade de lentille, F apporte les fromages. Pour la déco, trois
copines s’en occupent, ce sera un thème marin… car l’anniversaire aura lieu le
1er avril. L’une a pastiché La
maman des poissons, les autres répètent pour la chanter en chœur. Et puis
tout le monde va se costumer, maillot rayé, c’est facile, mais comment faire
les chapeaux de marins. Et qui saurait plier des bateaux en papier ? C’est
un grand jeu auquel chacun apporte sa patte, son savoir faire, son
enthousiasme, moi j’assiste par hasard à ce rendez-vous des organisatrices, et
j’adore, c’est plein d’imagination, de rires, et plein aussi d’affection à
l’égard de celle dont on fêtera l’anniversaire ce jour-là.Au nom de cette affection, on lui prépare une surprise. On sera donc là avant elle, on lui aura fait croire qu’il s’agit d’un autre rendez-vous, tout le monde sera costumé – mais pas elle, forcément. Et si elle se doutait de quelque chose ? Et si quelqu’un vendait la mèche ? Les organisatrices poussent le zèle assez loin pour piéger leur vraie copine bien aimée, une fausse adresse mail, un faux correspondant chez qui elle est sensée se rendre…
Mais c’est quoi ce jeu, dont l’héroïne, à qui vraiment on veut faire plaisir, est exclue ? Comme je suis là en observatrice, ne faisant pas partie de la bande, cette ambigüité me saute aux yeux. Déjà être l’héroïne de la soirée, celle autour de qui tous les regards se tournent, ce n’est pas toujours facile, surtout pour souhaiter ses 60 ans (!), mais là c’est carrément être le dindon de la farce ! Pour avoir plus d’une fois participé à la préparation de ce genre de fête, j’en connais la joie, c’est un jeu auquel j’aime beaucoup jouer, mais j’en connais aussi la difficulté. Une belle surprise, oui, mais quel rôle réserve-t-on dans ce jeu à celle ou celui que l’on veut pourtant fêter ? Non seulement j’ai 60 ans mais en plus je me suis fait piéger par mes meilleurs amis, je suis trop nulle ! Larmes d’émotion, celle de découvrir tous ces amis à l’œuvre depuis des jours et des jours pour fêter leur copine, mais qui se sont aussi moqué de vous…
J’aime
les blagues, les farces, j’aime au 1er avril ceux qui racontent des
histoires abracabrantesques, ce
jour-là je guète à la radio les infos, en espérant qu’ils auront inventé
quelque chose de drôle. Je suis piètre menteuse alors je me lance rarement à
piéger les autres, mais je trouve ce jeu du 1er avril très amusant.
Surtout ne pas y renoncer, ne pas renoncer non plus aux poissons dans le dos,
cela fait partie de ces jeux collectifs qu’on partage avec tant d’inconnus.
Même quand on est celle qui se fait
avoir.
La
blague, c’est un mensonge, mais dans le cadre d’un jeu. Ce n’est pas un
mensonge pour de vrai !
Plus elle est inventive, plus elle est réussie. Le premier dimanche d’Août, à
Moncrabeau, chez les Gascons, a lieu le traditionnel concours de menterie. Si
cela vous amuse, vous pouvez voir et écouter le roi des menteurs 2008, et son élevage de taupes. L’un des critères des académiciens qui élisent le roi, c’est
la saveur de la menterie, d’ailleurs les juges expriment leur verdict en cuillérées
de sel. Des mensonges, mais avec lesquels on se régale…
Le dindon de la farce, c’est le gentil cocu dont on
sourit sans méchanceté, qu’on aime bien, même. Philipe Tesson emploie cette expression pour parler de François Bayrou, cet homme politique en qui chacun de
nous se reconnaît un peu, selon lui, et qui emporte la sympathie plus que les
intentions de vote. Alain Rey nous explique que cette expression viendrait des
farces dans lesquelles les pères
se faisaient manipuler par les jeunes, et se trouvaient pères dindons
(le dindon étant réputé assez bêta).
Je
suis déçue, je croyais que le dindon était farci avec sa propre farce, que l’expression
avait une origine culinaire… Gourmande.
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