lundi 21 octobre 2013

Boucle d’or et les trois ours, mon conte préféré



C’est à cause des courgettes ramassées dans le potager que notre jeu a commencé : une grande, une moyenne, une petite courgettes… Comme dans Boucle d’Or et les trois ours. En moins de deux, notre cueillette s’est transformée en spectacle de marionnettes légumes.



Il existe plusieurs versions des Trois Ours, dont la maison est visitée parfois par une renarde, ou une vieille femme, avant de devenir une petite fille (Cheveux d’argent, en 1849, sous la plume de Joseph Cundall). Et tout ne se termine pas toujours bien, une fois cette petite fille arrivée dans l’histoire. J’aime  la version du Père Castor (Texte de Rose Celli, ravissantes illustrations de Gerda Muller) dans laquelle il n’y a ni méchants, ni fin tragique, ni morale.




Voici le texte de Rose Celli, que j’ai lu et relu quand j’étais petite fille, puis tante, puis maman, puis grand-mère.

Boucle d’or était une toute petite fille aux cheveux bouclés et dorés, qui habitait avec sa maman une maisonnette près du bois.

 Boucle d’or, lui avait dit sa maman, ne t’en va jamais seule au bois. On ne sait pas ce qui peut arriver, dans le bois, à une toute petite fille. 


Quand je la raconte, je rajoute On ne sait pas ce qui peut arriver, dans le bois, à une toute petite fille ou à un tout petit garçon.


Boucle d'or cueille des fleurs dans les bois et se perd.


Elle marcha longtemps (…) quand, soudain, elle aperçut a travers les arbres une très jolie maison.

 (…) Boucle d’or regarda par la fenêtre. 

Et voici ce qu’elle vit : l’une à côté de l’autre, bien rangées, elle vit trois tables une grande table, une moyenne table et une toute petite table.
 Et trois chaises, (…) une grande chaise (…), une moyenne chaise;  (…), une toute petite chaise.

 Et, sur chaque table, un bol de soupe : un grand bol sur la grande table; un moyen bol sur la moyenne table; un petit bol sur la toute petite table.

 Boucle d’or (…) s’approcha de la grande table, mais oh! comme la grande table était haute. 

Elle s’approcha de la moyenne table mais la moyenne table était encore trop haute.

 Alors elle alla à la toute petite table, qui était tout à fait juste.

Boucle d’or voulut s’asseoir sur la grande chaise, mais voilà : la grande chaise était trop large.

 Elle essaya la moyenne chaise, mais crac...la moyenne chaise n’avait pas l’air solide.

 Enfin elle s’assit sur la toute petite chaise, et la toute petite chaise était tout à fait juste.


Dans le conte original, celui que commente Bettelheim, c’est la chaise du petit ours qui se casse. Boucle d’or « doit convenir qu’elle est encore une enfant, mais qu’elle doit également sortir de son enfance, bien qu’elle n’en ait pas envie ». Mais là, non ! La petite chaise lui convient tout à fait. "L’histoire de Boucles d’or illustre très bien la signification du choix difficile que doit faire l’enfant : doit-il être comme son père, comme sa mère ou comme un enfant ? (…) Pour que l’enfant progresse, il faut que la constatation qu’il est encore un enfant s’associe à une autre prise de conscience : qu’il doit devenir lui-même." Soit ! Mais pour devenir soi-même, l’enfant va d’abord jouer à être un autre, et se définir par rapport aux autres enfants aussi. Boucle d’or s’identifie au Petit Ours, et veut faire tout comme lui. Un enfant qui désire être comme les autres enfants, jusqu’à vouloir en effet les mêmes jouets, les mêmes habits, les mêmes plats.
Elle goûta la soupe, mais, aïe! comme la soupe du grand bol était brûlante! 

Elle goûta la soupe du moyen bol, mais elle était trop salée. 
Enfin, elle goûta la soupe dans le tout petit bol, et elle était tout à fait à point.
Dans d’autres versions, c’est de la bouillie de gruau qui est servie dans les écuelles des trois ours, mais là c’est de la soupe, et la soupe… ça fait grandir, non ?
Boucle ouvrit une porte, et voici ce qu’elle vit : elle vit, bien rangés, l’un à côté de l'autre, trois lits : un grand lit, un moyen lit et un tout petit lit. 
Elle essaya d’atteindre le grand lit, mais il était bien trop haut. Le moyen lit ? Peuh ! il était trop dur. 

Enfin, elle grimpa dans le tout petit lit et il était tout à fait juste.



Cependant, les habitants de la jolie maison (…) entrèrent, et voilà : c’étaient trois ours un grand ours, un moyen ours et un tout petit ours.

Trois ours, un grand, un moyen, un petit, et pas forcément un papa, une maman, et un bébé, je trouve cela plus ouvert. Ce sont peut-être les parents et l'enfant. Mais pourquoi pas des grands frères ? ou symboliquement l'ours, moyen puis grand, que le petit va devenir. C’est la taille qui importe, et la voix qui va avec.
Pourquoi étaient-ils partis ? Rose Celli ne nous le dit pas. Alors que d’autres conteurs nous expliquent que leur repas étant trop chaud, ils étaient allé faire un petit tour en attendant que ça refroidisse. Parfois je rajoute cette information, c’est une bonne philosophie : on va faire une petite promenade en attendant que ça s’arrange !
Et tout de suite, le grand ours cria, d’une grande voix :
— Quelqu’un a touché à ma grande chaise!

 Et le moyen ours, d’une moyenne voix :
— Quelqu’un a dérangé ma moyenne chaise! 

Et le tout petit ours, d’une toute petite voix, dit
— Quelqu’un s’est assis dans ma toute petite chaise.
Puis le grand ours regarda son bol et dit :
— Quelqu’un a regardé ma soupe!

 Et le moyen ours :
— Quelqu’un a goûté à ma soupe! 

Et le tout petit ours regarda son bol et se mit à pleurer :
— Hi, hi, hi ! quelqu’un a mangé ma soupe!



J’ai toujours aimé Quelqu’un a regardé ma soupe! 

Comment l’a-t-il su, ce Gros Ours ? C’est son petit doigt qui le lui a dit ? Et puis, est-ce une bêtise de regarder sa soupe ?
(…) 

Le grand ours regarda son grand lit et dit :
— Quelqu’un a touché à mon grand lit!

 Et le moyen ours :
— Quelqu’un est monté sur mon moyen lit! 
Et le tout petit ours cria, de sa toute petite voix:
— Oh ! voyez ! Il y a une toute petite fille dans mon tout petit lit. 

À ce cri, Boucle d’or se réveilla et elle vit les trois ours devant elle. D’un bond, elle sauta à bas du lit, et, d’un autre bond, par la fenêtre.
Boucle d'Or par Gerda Muller
Les trois ours, qui n’étaient pas de méchants ours, n’essayèrent pas de la rattraper.
 Mais le grand ours lui cria de sa grande voix :
 -Voilà ce qui arrive quand on n’écoute pas sa maman! 

Et le moyen ours, de sa moyenne voix :
 -Tu as oublié ton bouquet de jacinthes, Boucle d’or! 
Et le petit ours, de sa toute petite voix, eut la bonne idée de crier aussi
 -Prends le tout petit chemin à droite, petite fille, pour sortir du bois. Boucle d’or prit le tout petit chemin à droite, et il conduisait bien vite hors du bois et juste à côté de sa maison.
 Elle pensa : Ce tout petit ours a été bien gentil. Et pourtant, je lui ai mangé sa soupe ! 

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