lundi 14 mars 2011

Princesses et chevaliers : sexisme dans les jeux de rôle

Petit Carnaval d’une école du Sud-Ouest, avec une immense majorité de princesses chez les filles, un peu plus de variété chez les garçons, mais toujours dans une représentation bien virile (Spiderman, Zorro, chevalier). Certains parents s'en désolent :
Sur la soixantaine de petites filles de l'école, il y avait 1 indienne, 1 vache, 1 diable, 1 sorcière.... et TOUTES les autres étaient des princesses ou des fées...
Pour les garçons, il y a un peu plus de thèmes: cow-boys, pirates, chevaliers... mais surtout des hordes de Zorro et de Spiderman (spidermen ? ) : 4 par classes dans les 5 classes.
Clichés clichés clichés
et manque d’imagination des parents et des enfants le jour-même où tout est permis…*
Sois belle ma fille, sois un homme mon fils…
Le grand retour du sexisme ? Oui bien sûr. Il suffit d’aller dans une grande surface vendant des jouets : rayon tout rose pour les « jouets de filles » (j’ai eu bien du mal à trouver une poussette de poupée pas rose pour mon petit-fils), voitures, boîte à outils et trousse de docteur pour les garçons…Rue 89 a attiré sur son site de nombreuses réactions avec son article Noël, grande fête du sexisme de novembre dernier.
Combien de fois entend-on en ludothèque des mamans s’inquiétant parce que leur fils joue à la poupée ou se déguise en princesse ? Sera-t-il homosexuel si je le laisse jouer à « ça » ? Inversement on ne s’inquiète pas autant de voir une petite fille se déguiser en homme. Pourquoi ?
L’ALIF (association des ludothèques d’île de France) a produit un petit film, prétexte à réfléchir et discuter sur les Jeux de genreJe vous le conseille; vous pouvez le télécharger en vous inscrivant sur le site de l'ALIF.

Mais à quoi joue-t-on quand on se déguise ? 
On joue à être « comme un grand » (et on imite les parents, on met les chaussures à talon de sa maman, on s’empare d’un sac à main, d’un téléphone, d’une moustache postiche). Plus qu’un costume complet, on s’intéresse alors aux accessoires, parce que pour être on va faire. On fait le docteur ou la maîtresse. On prend un rôle social, le temps d’échanges avec d’autres enfants qui font comme les grands eux aussi. Il faut donc regarder le jouet mais aussi ce que l’enfant en fait. Une poupée peut rentrer dans un jeu de papa et maman (on joue à la poupée) comme dans un jeu d’école ou de docteur (on joue avec la poupée). De la même façon un enfant « au volant d’une voiture » peut être coureur automobile mais aussi maman qui accompagne ses enfants à l’école, ou part en vacances, ou docteur, ou taxi… des métiers unisexes.


On joue aussi pour s’essayer dans différents personnages, différents rôles, en laissant, le temps du jeu, libre cours à ses pulsions, ses violences, ses angoisses, ses interrogations. Jouer à dire des gros mots, à maltraiter ses poupées, à crier sur ses « élèves », à se battre, à commander royalement, à défiler comme un mannequin… et à être du sexe opposé, même si c’est « tabou » dans la famille. On est alors à fond dans son jeu mais aussi, bien souvent, en représentation. En effet, on a besoin de l’œil complice des autres, qui savent qu’on n’est pas comme ça, cruel ou maniéré en vrai
Le jeu est libre parce qu’on choisit de jouer à ceci ou à cela, mais aussi parce qu’il fixe des limites à l’intérieur desquelles on a plus de liberté que dans la vie quotidienne.

Quand on se déguise pour un Carnaval, on ne se costume pas pour jouer à être. Quand on se déguise pour une fête costumée, le jeu est différent : on joue à faire la fête ensemble et à paraître.
Ensemble implique une harmonie, un lien entre les différents costumes. Faute de suggestion des la part des enseignants, les petits de cette école se sont tournés vers la règle de jeu traditionnelle (fille en fée ou en  princesse, garçon en héro viril). On joue à un jeu d’imagination collectif, donc un tantinet conventionnel, emporté par l’imaginaire collectif, nourri de Walt Disney et de comics, plein de princesse et de super héros.

Paraître, s’avancer aux yeux de tous avec son costume, défiler, ce n’est pas du tout la même chose que de jouer comme dans un jeu symbolique. Il est donc naturel de choisir un déguisement qui vous met en valeur, et qui est facilement compris par tous.
Fabienne, directrice d’école maternelle, annonce un Carnaval sur le thème des pirates. Il faudra faire un petit effort (effort ?) d’imagination pour les filles, mais, comme souvent dans la création, la contrainte est un moteur, les idées vont fuser. Et il faudra bien inventer puisque le costume de pirate fille n’est pas dans les magasins. Et chacun, fille ou garçon, aura à cœur d’avoir  un costume original, amusant, inventif… Tous ceux d’entre nous qui aiment se costumer savent bien que c’est beaucoup plus facile quand il y a un thème, un prétexte, une ambiance particulière.
Ceux qui lancent l’idée des costumes, et du jeu de déguisement, il leur faudra « déguiser » les lieux aussi, mettre en avant des accessoires nouveaux, aménager les lieux autrement pour maintenir l’envie de jeu.
Une idée pas chère et pas compliquée à faire : pour une fête d’école sur le thème de l’eau, nous avions découpé des lanières de sacs poubelles bleues, grises ou vertes, qui pendaient du plafond dans l’entrée de l’école : on arrivait dans un univers d’algues marines… Une petite musique aquatiques avec ça, et ça y était, tout le monde, parents et enfants, savait que le jeu était commencé !

Je peste parfois quand je vois les costumes des tout petits dans des catalogues : coccinelle, abeille ou fraise. Mais comment joue-t-on à la fraise ? Ce sont de costumes pour faire plaisir à sa maman, (et pourquoi pas ? mais c’est elle qui joue, d’accord ?) pour être mignon, 
comme les princesse sont belles et beaux les Zorro.


Et si c'était important dans la construction de soi, dans l'estime de soi ?

* En Martinique, il y a un jour du Carnaval , le lundi, où les hommes se costument en fille set les filles en garçons.
Lire à ce sujet The pink princess parenting nightmare, conseillé par Cécile.

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1 commentaire:

  1. Voilà quelques petites choses inspirées par ce joli texte (et par un débat vif tenu sur facebook).

    1/les petites filles (du moins celles que je connais) passent généralement par une phase qui peut se traduire de deux manières: soit elle...s veulent être un petit garçon soit elles sont des princesses (choix d'une identité masculine ou choix d'une hyperféminisation) mais qui à mon avis relève du même temps "symbolique".
    Cela donne parfois lieu à des trucs assez géniaux: j'avais une nièce qui voulais ainsi une épée rose et qui avait rempli un "carnet de princesse" dégoulinant de rose de phrases telles "le prince charmant est un gros débile","prout" et toute cette sorte de choses.
    Les princesses ont de la ressource, faisons leur confiance.

    2/ce n'est qu'une phase.

    3/Je ne suis pas si sûre que ça soit si nouveau... Pas si sûre non plus que ce soit plus grave pour le féminisme que les hordes de futures vétérinaires que ma génération a vu fleurir sur les bancs de l'école. (Personnellement je trouvais ça archi-niaiseux)

    4/le seul vrai problème pour moi est peut-être le marketing à outrance, mais ça, nous en sommes autant les victimes que nos enfants.

    5/Comme disait je ne sais plus qui dans un article de Elle (et oui, je lis la presse féminine...) "Ce n'est pas parce qu'elles jouent à la princesse que ça va les empêcher de devenir chercheuses au CNRS".

    CNRS-Princesses, même combat!

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