mardi 15 juin 2010

Se déguiser, se costumer, se vêtir ?

Le 28 mai, Sabine, qui veut créer des costumes historiques, m’a écrit : « Qu'est ce qui différencie un vêtement pour enfant d'un déguisement ? ».
 Son souci était de se mettre en conformité avec les normes de sécurité des jouets, ou avec les obligations de marquage des textiles. Et c’est vrai que ce n’est pas simple, Sabine ! Et notamment en termes juridiques.
Sachant que selon la définition européenne un Jouet est un objet destiné à jouer, toute jupe, tout pantalon, coupé et cousu dans l’idée de costumer l’enfant qui le porte, devrait être considéré comme un déguisement. Mais si c’est, comme chez AETRE, un T-shirt rouge, sur lequel sont représentés les outils d’un pompier, T-shirt que l’enfant peut mettre aussi bien pour aller à l’école que pour « jouer à être un pompier », il n’est pas simple de dire si c’est un déguisement ou un vêtement. Cela dépend des gens, du moment, et cela peut être les deux à la fois…
C’est justement ce que je trouve intéressant, cette ambivalence, cette liberté de dire « c’est l’habit que je mets aujourd’hui » ou « c’est le personnage  que je vais jouer ». Il faudrait d’ailleurs peut-être créer un T-shirt de « bon élève ». Ce serait amusant de l’enfiler le matin pour partir d’un bon pied à l’école.
Dans la collection AETRE, il y a de nombreux déguisements qui sont des habits, des habits qui sont des déguisements. Qui sont ou qui peuvent être : des pyjamas de chevaliers, des chemises de nuit de princesse, des capes de roi, de Chaperon rouge ou d’Arlequin, des robes de petite princesse ou de fée, et même des chaussons « ange et démon ». Sans parler du sac cheval qui peut aussi bien être utilisé comme sac que comme accessoire pour un cavalier.
Alors, on les met où, à la Confection enfant ou au rayon Jouets ? Les acheteurs des grands magasins y perdent parfois leur latin !
Pour moi, ces vêtements déguisements ont un petit air rebelle, avec leur façon de ne pas rentrer dans les cases. Et cela me plaît bien.
De plus, dans un monde où il faut être ceci ou cela, ou chacun est étiqueté, classé, catalogué, j’aime bien l’idée de porter des vêtements qui permettent de changer de case. « Tu es un cancre ! » non, aujourd’hui je suis un pompier (et je vais sauver des gens, éteindre des feux et tout) », et je serai fier de moi.

Les cases, pour revenir à notre problème juridique, elles peuvent varier selon les administrations. A la douane, par exemple. L’ensemble de chevalier qui comprend une tunique avec ceinture, un casque, une épée et un bouclier en mousse, est considéré comme un déguisement, dans la nomenclature douanière. Avec les normes de jouets CE et les certificats qui vont avec. Mais si jamais il faut importer des tuniques seules, ce sont alors des robes, tarif douanier n°6108 et étiquetage « textile » (composition, instructions de lavage etc).
Et le pyjama déguisement, est-ce un pyjama (Chemises de nuit et pyjamas de coton 6107.21.00.00) ou un déguisement  (Articles pour fêtes et carnavals 9505.90.00.00) ?  Une mauvaise interprétation des textes peut conduire assez vite à une déclaration taxée (dans tous les sens du mot !) de frauduleuse. Car celui qui en décide, c’est le douanier. On peut demander aux services douaniers de trancher, le numéro de tarif douanier sera heureusement attribué une fois pour toute pour le produit concerné.

Si Sabine fabrique et vend dans l’hexagone uniquement, elle n’aura pas de soucis. Mais dès qu’on passe des frontières, on se heurte vite aux tracasseries administratives, et on finit par se jeter dans les bras d’un « transitaire » comme d’un sauveur !
Entre le déguisement et le vêtement, le costume.
On mélange communément costume et déguisement. On enfile un costume bariolé pour se déguiser en clown, on se déguise en fée pour aller à une fête costumée. Pourtant, si personne ne semble choqué lorsqu’on parle d’un costume à propos d’un déguisement (« moi mon déguisement de Carnaval, c’est un costume d’Arlequin»), il est courant, à l’inverse, de se faire rappeler à l’ordre si on dit d’un acteur qu’il a un beau déguisement, ou d’une personne vêtue d’oripeaux « d’époque » dans une fête quelque peu « historique » qu’elle vraiment bien déguisée. Non. Ils sont costumés.
On peut se déguiser avec un costume, mais on ne peut pas se costumer avec un déguisement.
Il y a dans déguisement un aspect un peu péjoratif - fourbe. Déguiser : cacher, tromper, dissimuler. Se déguiser, comme se masquer, c’est se rendre méconnaissable. Ou pour le moins bizarre. Et fantaisiste, et drôle.
Alors qu’il y a dans costume un aspect noble – respectueux. Costume = coutume. Se costumer, c’est respecter les usages, la tradition, l’Histoire. C’est revêtir les vêtements « authentiques » d’un personnage, pour jouer son rôle. Au théâtre bien sûr. Mais aussi par exemple dans les fêtes d’été où tout un village se costume « à l’ancienne ».
A Seissan, petite ville du Gers qui organise depuis de nombreuses années au mois d’août le Marché à l’ancienne, en souvenir de l’époque glorieuse où l’on y faisait le meilleur foie gras qui soit, les commerçants sont en costume traditionnel gascon. Promeneurs et acheteurs sont invités à venir également costumés – il y a quelques années, Annik, d’origine bretonne, au bras de son mari gascon –avé le béret’ traditionnel, avait amidonné sa coiffe. C’est l’occasion de porter dentelles et chapeaux fleuris, tout en découvrant les petits métiers d’autrefois, l’art de laver le linge à la cendre de bois ou les premières moissonneuses batteuses. Chapeau melon, fines moustaches et écharpe tricolore, le maire arpente les rues escorté du garde-champêtre. Il y a quinze ans, lorsque lou marcat de beth tems a été lancé, toute la population avait joué le jeu, les gendarmes faisaient la circulation en uniforme des années 50, et même les religieuses, actuellement en civil, avaient revêtu robe de bure et cornette. Magnifique fête réunissant tout le monde dans les rues du marché. Joyeuse assemblée de gascons.
Mais la maréchaussée et les sœurs se sont fait rappeler à l’ordre : finie leur contribution à la fête « à l’ancienne », un peu de dignité, tout de même ! Quelque pat dans la hiérarchie quelqu’un avait confondu costume et déguisement, évocation du passé et Carnaval. Quel dommage !
Quelqu’un qui ne doit pas savoir qu’il n’y a rien de plus sérieux que le jeu, rien de meilleur pour une communauté que ces fêtes et ces jeux collectifs, hors médias et racolages publicitaires.
Je trouve au contraire non seulement amusant mais très intéressant de se mettre un moment dans la peau de nos ancêtres. Les faire revivre un peu, et ressentir sous l’étoffe ou la paille du chapeau un tout petit peu de ce qu’ils ont vécu, en portant des vêtements qui pourraient être les leurs. (Ce qui n’empêche pas de rire beaucoup !)
Au Théâtre du soleil, d’Ariane Mnouchkine, les répétitions se font dès le premier jour en costume, afin de mieux appréhender le personnage que l’on joue. De même dans les jeux costumés des villageois ou des enfants. Un ou deux accessoires suffisent pour se retrouver un temps ni tout à fait soi-même ni tout à faut un autre. Et s’enrichir de cette expérience.

3 commentaires:

  1. Catherine, mais tu n'arrêtes pas d'écrire! quelle production, que je lis toujours avec intérêt

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  2. L'habit fait le moine en quelque sorte !!

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    1. OUI !!! Mais les bonne soeurs étaient des vraies bonnes soeurs !

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